C’était l’une des questions les plus attendues de la rencontre au sommet entre les présidents nigérian et camerounais. Au lendemain de la visite de travail et d’amitié de Muhammadu Buhari à Yaoundé, les interrogations fusent relativement au droit de poursuite réclamé un temps par Abuja. Les deux chefs d’Etat qui ont à l’occasion « exprimé leur détermination commune à éradiquer Boko Haram », ont-ils examiné ce sujet sensible ? Difficile à dire.
Même si une analyse des 22 points du « communiqué conjoint » qui sanctionne cette visite, incline à formuler une réponse négative à cette interrogation. C’est d’ailleurs l’avis de l’expert en questions de sécurité et de défense, Raoul Sumo Tayo. « Si le problème du droit de poursuite avait été évoqué, cela aurait certainement été indiqué dans le communiqué conjoint », tranche t-il.
Pour ce chercheur, un accord entre Yaoundé et Abuja sur le droit de poursuite eût été une avancée « plus concrète » sur le chantier de l’éradication de la menace terroriste Boko Haram. Car, « il est frustrant pour une armée de combattre et d’avoir une contrainte que son adversaire n’a pas. La frontière ne devrait pas être dans le cas d’espèce un obstacle », explique t-il. A en croire Raoul Sumo Tayo, « le droit de poursuite aurait davantage profité au Cameroun, puisque le Nigeria est quasiment absent de la zone contigüe à la ligne de front. D’autant qu’Abuja n’a pour l’instant pas les moyens létaux pour venir tout seul à bout de Boko Haram. Il aurait donc été bon d’octroyer ce droit de poursuite mais en prenant soin de définir clairement ses contours », ajoute Sumo Tayo.
Interrogé sur le même sujet, le géostratège Joseph Vincent Ntuda Ebode soutient d’emblée que « le fait que ce communiqué conjoint ne mentionne pas le droit de poursuite est la preuve qu’on a évité les sujets qui fâchent ». Selon cet universitaire, la non signature d’un accord sur ce point précis, « n’est ni une mauvaise, ni une bonne chose pour le Cameroun, puisqu’il incombe à chacun de maintenir la paix dans les limites de son territoire. On peut dire que la souveraineté a primé sur la coopération », éclaire t-il.
A l’évidence, il apparait donc avec clarté, concernant l’aspect coopération sécuritaire, que les deux chefs d’Etat ont fait le choix – comme le confirme le communiqué conjoint – d’un échange plus accrue du renseignement. S’agissant précisément de cette question, Raoul Sumo Tayo soutient qu’il « ne faut pas seulement que cet échange se fasse au niveau stratégique, il faut que cela intervienne également aux niveaux opérationnels et tactiques pour que ce soit plus efficace ». Les prochains semaines permettront sans doute de vérifier si cette décision commune des chefs d’Etat nigérian et camerounais est traduite en acte.