Elles seraient cinq au total. Mais, seules deux intéressent actuellement le Tribunal criminel spécial (Tcs). Évocation.
Les fins limiers du Tcs se penchent actuellement, selon des indiscrétions parvenues à InfoMatin, sur les a?aires relatives aux audits financiers réalisés pour les exercices 2000, 2001, 2003 et 2004 de la défunte Société nationale des eaux du Cameroun (Snec), ainsi que sur le fameux dossier du prestataire belge Aspac. S’agissant des audits financiers, lorsqu’il est nommé administrateur provisoire (Ap) de la Snec, le 24 avril 2002, et afin d’avoir une idée de la santé de l’entreprise, Basile Atangana Kouna décide de faire auditer la gestion pour, seulement, les exercices 2000 et 2001 de l’ère de son prédécesseur, Clément Obouh Fegue.
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Il s’agit, pense-t-il alors, d’avoir juste un aperçu de la situation de la maison dont il hérite. Cette tâche, confiée à René Libong (Société fiduciaire d’audit et de commissariat aux comptes), est e?ectuée du 1er juillet au 31 décembre 2002. L’audit, dont le rapport est rendu public en 2004, fait état d’irrégularités comptables et de probables détournements de deniers publics. Le rapport révèle également des manquements, tels la surévaluation des comptes des immobilisations corporelles, des amortissements et de la subvention d’équipement, l’absence de justificatifs pour certains comptes de trésorerie, et même pour certains produits et charges imputés dans les comptes.
Deux années plus tard, l’Ap commande un autre audit financier pour les exercices 2003 et 2004, question de déceler de probables manquements liés à ses deux années de gestion. Basile Atangana Kouna entend ainsi améliorer la qualité de son management. Les conclusions de ce dernier rapport, par contre, indiquent que la gestion de l’entreprise durant la période visée est saine, sans égarement. En 2007, la Snec disparaît pour donner naissance à la Cameroon Water Utilities Corporation (Camwater, société de patrimoine) et à la fermière Camerounaise des eaux (Cde). Basile Atangana Kouna reste et dirigera la Camwater jusqu'au 9 décembre 2011, date de sa promotion au gouvernement comme ministre de l’Eau et de l’Énergie (Minee). Il sera remplacé à la tête de l’entreprise publique en mars 2012 par Jean William Sollo. Mais très rapidement, les rapports entre le nouveau Dg et son ministre de tutelle vont se dégrader. La raison, apprend-on, les multiples rappels à l’ordre de Basile Atangana Kouna à celui qui, manifestement, s’écarte de l’orthodoxie managériale. Info ou intox ? Toujours est-il qu’entre les deux hommes, ce n’est plus la lune de miel.
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C’est ainsi que, Jean William Sollo, croyant dénoncer la gestion de son prédécesseur, exploite le premier rapport et dépose une plainte contre X dès le 2 février 2014 au Tcs. Le fond de ses accusations est simple : les rapports des audits cités plus haut et commandités par son prédécesseur, Basile Atangana Kouna. Mais dans en réalité, M. Sollo qui croit viser son ennemi intime, atteint plutôt M. Obouh Fegue : le rapport d’audit, pour les exercices 2000 et 2001, est à charge contre l’ex-patron de la Snec.
En ce qui concerne la deuxième a?aire, elle remonte à 2009 lorsque la Camwater recherche un partenaire pour la réhabilitation, le renforcement et l'extension des systèmes d'approvisionnement en eau potable des centres de distribution, disséminés sur le territoire national et a?ectés par la vétusté des installations. Le projet, financé par une institution bancaire belge, était estimé à quelque 40 milliards FCfa et concernait 52 centres équipés et non équipés. Une note confidentielle, adressée aux autorités judiciaires en 2016 et que certaines sources attribuent à Jean William Sollo, indique que l'entreprise Aspac Cemac Sarl, avec pour objet les prestations d'ingénierie, avait été désignée adjudicataire pour la réalisation dudit projet. Seulement, soutient la correspondance, plusieurs années après, de nombreux centres de distribution d'eau sont restées dans le même état de vétusté, incapables de satisfaire les besoins primaires des populations en eau potable. Il se rapporte également, dans cette lettre de dénonciation de M. Sollo, que Basile Atangana Kouna avait entièrement le contrôle de la société Aspac. Pourtant, par acte notarié dressé le 21 avril 2010 à Yaoundé par Me Kwa-Mbette, les principaux actionnaires d’Aspac Cemac Sarl sont connus. Il s’agit de Vanessa Yondo (Aspac International), Nana Aloa Thomas et Bello Oussoumanou (Aspac Universal Limited).
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Au regard de l’évolution des enquêtes et des auditions actuellement en instruction au Tcs, tout laisse croire que l’on pourrait bien s’acheminer vers un non-lieu. Mais le conflit entre Basile Atangana Kouna et Jean William Sollo relève en réalité d’un combat d’ego entre d’anciens intimes et deux dignes fils de la Mefou et Akono. Voici donc deux hommes que tout semblait rapprocher, qui avaient politiquement cheminé ensemble au sein du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc, au pouvoir) dans leur département d’origine. Un tandem qu’on croyait inséparable, mais que des intérêts égoïstes ont fini par écarteler.
En e?et, aussitôt porté à la tête de la Camwater, M. Sollo, apparemment aveuglé et par l’argent et par le pouvoir qu’il redécouvre après une longue traversée du désert, organise la chasse aux sorcières au sein de l’entreprise publique. Cette obsession à vouloir trouver la petite bête, ajoutée au double jeu des nombreux courtisans qui font la navette entre les protagonistes, aura beaucoup contribué à catalyser l’acrimonie. Surtout que, de l’autre côté, son désormais ennemi semble lui aussi à vouloir «châtier» celui qui lui tient ostentatoirement tête.
La fin, on la connait déjà.
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