Ils sont partis de la maison ayant pris le soin de dissimuler leurs uniformes scolaires dans des sacs de marché, des sacs à dos et des emballages plastiques.
Pour se rendre à la place du défilé au lieu-dit Bongo Square à Buéa ce samedi 11 février 2017, Laura, élève de la section francophone du lycée bilingue de Muea, a porté une jupe, un t-shirt et des babouches. Sa tenue scolaire, elle l’a soigneusement pliée et l’a rangée dans un sac de marché. Elle n’a revêtu son uniforme qu’une fois à Bongo Square, quelques minutes avant le début du défilé organisé à l’occasion de la célébration de la 51ème édition de la fête de la jeunesse.
Comme Laura, plusieurs autres élèves des sections francophones du lycée bilingue de Muea, du lycée bilingue de Molyko et d’autres établissements secondaires représentés dans les carrés, ont usé du même subterfuge. Les élèves confient qu’ils sont tous partis de la maison en civil. Ils ont pris le soin de « cacher» les tenues scolaires dans des sacs à dos, des sacs de marché, des sacs à main ou des emballages plastiques de couleur noire.
« Jusque-là, même comme nous étions en civil, quand on nous voyait au quartier avec des sacs, on nous demandait où estce qu’on allait. Nous ne sommes pas sortis de la maison en tenue parce qu’on avait peur d’être lynchés ou menacés», indique Raphaël Ohanda, élève au lycée bilingue de Muea. Nous le rencontrons avec d’autres camarades à la fin du défilé. Ils sont regroupés devant le centre médical de la police, où des hommes en tenue sont en faction. «Attendez, on s’échange et on prend la route ensemble », conseille un des gamins à ses camarades.
Ils sont d’accords. Une fois les nouveaux accoutrements arborés, les jeunes peuvent à présent emprunter le chemin du retour. Seuls les élèves résidents à Bongo Square semblent moins inquiets. «Nous sommes dans un quartier administratif. Nous sommes un peu plus en sécurité ici. Mais nos amis d’autres quartiers souffrent beaucoup», confie une élève.
Des pancartes au défilé
Le défilé placé sous haute surveillance policière à Buéa, cheflieu de la région du Sud-ouest, a débuté à 11h05 samedi, après la diffusion du discours du chef de l’Etat adressé à la jeunesse la veille, le 10 février. Les jeunes de la Croix rouge ouvrent le bal. La plupart des jeunes qui constituent les prochains carrés sont issus des écoles ou des sections francophones. On aperçoit des plaques de l’école publique francophone de Buéa, Groupe 1 et 2, celle de l’école d’application de Muea, du lycée bilingue de Molyko et du lycée bilingue de Muea.
Il y a aussi des petits carrés formés par le lycée technique bilingue de Buéa (11 personnes), Mabicol (17) et l’Institut de réhabilitation des aveugles et déficients visuels (18). Lors de leur passage, les jeunes du grand carré représentant l’université de Buéa ont brandi des pancartes sur lesquelles étaient inscrits des messages en rapport avec le climat social qui prévaut dans cette partie du pays depuis quelques mois. On pouvait lire sur certaines d’entre elles : « plus de grève dans nos campus », « l’éducation est un droit humain », « paix et dialogue».
A côté des élèves en tenue scolaire, on a dénombré quelques étudiants de l’école nationale des travaux publics, des jeunes du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), entre autres. Un grand carré a été réservé à une association dénommée « South West Youth For One Cameroon ». Même si des habitants de Buéa interrogés disent n’en avoir pas encore entendu parler, les près de 200 filles et garçons qui constituaient ce carré ont marqué le pas, sourire aux lèvres. Ils avaient tous des cheveux courts et arboraient des t-shirts qui mettaient bien en évidence le nom de ladite association.
Très émus, ils s’exprimaient tous en français dans les coulisses à la fin du défilé. « Direction camion ? Ou alors il y a un snack-bar dans ce coin ? », a lancé l’un d’eux à ses camarades, tout sourire. Le défilé présidé par le gouverneur de la région du Sud-ouest, Bernard Okalia Bilaï, a duré en tout quarante cinq minutes.