Mercredi 18 juillet 2018, après le poste péage de Mbankomo, un bus de l’agence de voyages « Garanti Express » en provenance de Yaoundé pour Douala s’est renversé. Même si des sources ont fait état de plusieurs morts et blessés, le gouvernement a plutôt annoncé un mort et deux blessés graves.
Le 6 juillet 2018, le gouvernement déplorait 31 morts et plusieurs blessés à la suite d’un accident survenu sur la route nationale n° 4 qui relie la capitale à la ville de Bafia. Après enquête, il a été établi que le chauffeur somnolait au volant et n’était pas détenteur d’un permis de conduire.
Par ailleurs, le véhicule avait des pneus usés. Le centre de visite technique qui a jugé le bus en état de prendre la route a été sanctionné. Ces accidents de la circulation remettent au goût du jour les problèmes liés à la sécurité du passager. Les routes sont devenues des scènes de spectacles macabres. Le directeur des transports routiers au ministère des Transports DIVINE MBAMOME NKENDONG lève le voile sur la démarche du gouvernement pour les sécuriser.
En dehors des suspensions du ministère des Transports, y a-t-il d’autres sanctions prévues pour les agences responsables des accidents de la circulation qui ont ôté la vie à plusieurs Camerounais ces derniers jours ?
Chaque acteur étatique a sa responsabilité dans la gestion d’un drame au moment où il arrive. Chaque administration a des mesures de sanction qui relève de ses compétences. Le ministère des Transports en tant que police administrative des domaines des transports juge des opportunités de poser un acte pour rendre la sérénité dans le domaine, et pour le sécuriser. Il a la responsabilité de veiller à ce que chaque Camerounais puisse effectuer des activités d’une manière à conforter l’économie, puisque c’est le déplacement des personnes et des biens.
LIRE AUSSI: Franc- maçonnerie: tempête dans la Grande Loge du Cameroun, des vérités éclatent
Il met aussi en place des mécanismes afin que les Camerounais respectent la dignité de l’être humain en tant qu’usager de la route
Peut-on estimer les pertes humaines en termes de chiffres au Cameroun?
A côté des personnes qui meurent en route, il y a un important nombre de blessés qui restent handicapés. Une étude scientifiquement menée, indique qu’environ 12 personnes meurent tous les jours d’accident de la circulation. Selon l’Organisation mondiale de la santé, 6 000 Camerounais meurent chaque année par la même cause. 4 000 autres restent handicapés. C’est la première cause de mortalité chez les jeunes de moins de 15 ans.
Que fait le ministère des Transports pour limiter les pertes ?
Nous privilégions beaucoup plus les approches pédagogiques. Quand le ministre frappe, c’est parce qu’il a déjà sensibilisé. De manière permanente, il est activé dans l’ensemble du territoire national 42 équipes d’officiers de police judiciaire à compétence spéciale qui viennent d’être recyclés. Ils ont pour première consigne la sensibilisation de tout usager sur le respect du code de la route, et les règles générales de sécurité routière par conviction et non par peur des instances de police. On ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque Camerounais pour l’obliger à respecter la règlementation en vigueur.
Le ministère utilise plusieurs canaux: médias, sensibilisation de proximité, SMS, affichage, campagnes de traduction du code de la route en versions illustrées, plus adaptées et assimilables pour toutes les cibles. Comprendre le circuit d’obtention du permis de conduire, la mise en place du système pour dégager les véhicules mal garés ou en panne sur la route, la mise en place des centres de visite technique pour diagnostiquer l’état des véhicules avant de les déplacer, l’utilisation des ceintures de sécurité, le port des casques sur les motos, etc.
Malgré toutes ces mesures les accidents sont récurrents.La sensibilisation est faite et continue d’être faite en amont. Maintenant quand un accident survient, une enquête est menée pour établir les responsabilités et les mesures à prendre pour que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets. On prend donc des mesures sûres. Nous avons constaté au début de cette année que beaucoup de conducteurs d’engins n’ont pas de permis de conduire ou utilisent de faux permis de conduire.
Le ministère des Transports, à travers la réforme de ce document, a introduit une application mobile pour permettre aux différentes équipes de contrôle routier d’authentifier le support présenté par un conducteur routier. Nous sommes en train de faire l’extension de ce mécanisme d’authentification pour couvrir tout autre titre de transport. Ça ne peut pas être uniquement la responsabilité du ministère. Dans une nouvelle vision, le ministre a décidé de travailler avec le secrétariat d’Etat à la défense (SED) et la délégation générale à la Sûreté nationale (DGSN) pour la mise en place des équipes d’interventions mixtes afin de renforcer la vigilance. Faire en sorte qu’il soit difficile pour les usagers de la route qui utilisent des stratagèmes pour échapper au contrôle de s’en sortir, lorsque ces trois administrations fonctionnent en synergie.
LIRE AUSSI: Affaire MIDA: les dessous de la visite du Grand Maître de l’Ordre du Malte
Comment se fait-il que des bus avec des pneus usés se retrouvent sur le national n° 4 avec un conducteur sans permis de conduire ?
Le centre de visite technique a été autonomisé pour procéder au diagnostic de l’état de santé des véhicules. Après enquête, il a été démontré que la pneumatique de ce véhicule était extrêmement usée. Il ne devait pas circuler. Mais le centre de visite technique a fait un rapport qui disait le contraire. C’est la raison pour laquelle il a été sanctionné. Le transporteur qui n’a pas respecté la règlementation en vigueur en ce qui concerne la gestion du transport interurbain des personnes de masse a vu toutes ses cartes grises suspendues. Ses voitures ne peuvent plus circuler.
Un homme d’affaires qui peut confier un engin à un monsieur qui n’a pas de permis de conduire est d’un degré d’irresponsabilité de classe exceptionnelle. Il mérite des sanctions exceptionnelles. En plus, il n’avait pas d’agrément. La gestion technico administrative de sa structure n’a pas été faite. Il fonctionnait de manière illégale. Ses engins sont hors circulation pour une durée d’un an. Toutes les sanctions que le ministère des transports a prises sont sans préjudice à la poursuite judiciaire. Le ministère de la Justice est libre d’engager des poursuites contre tous les acteurs impliqués dans ces accidents de la route. 31 morts c’est un drame qu’on ne peut pas ignorer. Justement, certains agents du ministère des Transports sont accusés de percevoir des pots-de-vin en échange de la délivrance des autorisations à des personnes qui ne sont pas en règle.
Ce sont des accusations infondées et insensées. Il est impossible que l’autorité qui publie la liste des agences agrées revienne publier la même liste en déclarant que ces transporteurs ne sont pas en règle. Ce serait ridicule.
Si le ministère des Transports était complaisant dans ce désordre, il ne reviendrait pas dénoncer ces personnes. Beaucoup de Camerounais pensent par exemple que lorsqu’ils ont acheté une moto et qu’on se met à prendre de l’argent à des passagers à différents carrefours, on est automatiquement transporteur. Très peu viennent vers nous pour s’informer et se mettre en règle. Nous avons fait un audit de presque 37 agences de voyages. Seules 5 étaient en règle. Ensuite, nous avons publié une liste de 33 agences qui devaient régulariser leur situation.
Nous avons effectué des descentes pour les accompagner et les sensibiliser. Ils ont été outillés sur les documents à avoir. Ils ont eu un mois pour se mettre en règle. Le ministère a fait une rallonge d’un autre mois, et même au-delà, c’est-à-dire 15 jours supplémentaires.
Après tout ce temps, ce n’est plus un problème d’ignorance, mais d’un manque de volonté manifeste et même d’incapacité. Un promoteur qui a un casier judiciaire souillé ne peut pas produire cette pièce pour régulariser son dossier. Certains n’ont pas de licence, ni d’agence et encore moins de hangar où garer leurs véhicules. Ils sont incapables de produire un certain nombre de documents et fonctionnent dans la clandestinité.
Qu’est-ce qui est fait pour contrôler ces agences clandestines ?
Tous les gouverneurs ont été saisis. Les équipes départementales ont été saisies. Le SED et la DGSN aussi. Aucun des véhicules qui portent les noms de ces agences clandestines ne peut traverser un poste de contrôle.
LIRE AUSSI: Chantal Biya, la première dame qui inspire tout Bafoussam
Ni même démarrer leurs bus. S’ils essayent, l’Etat va appliquer des sanctions à la hauteur de leur désobéissance d’un autre degré. Mais, la première police qui doit renforcer les dispositions de l’Etat, c’est l’usager de la route. Les usagers doivent être sensibilisés. Ils doivent consulter les listes des agences pour savoir lesquelles sont légales et ne pas emprunter celles qui ne le sont pas. Ils ne sont pas en sécurité dans les agences clandestines.
Les conducteurs ne sont pas connus, ils ne sont pas formés, ils ne sont pas assurés à la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS), ils conduisent avec des faux documents. Ces véhicules ne sont soumis à aucune visite technique. En cas d’accident, les passagers ne sont pas assurés.
Et parce qu’ils ne payent aucune taxe, ils pratiquent des prix anormalement bas.
L’usager devrait accompagner le gouvernement pour sa propre sécurité. Surtout en cette période de rentrée scolaire, pour qu’ensemble on réussisse à atteindre l’objectif du ministère des Transports et surtout de l’Etat, à réduire le nombre d’accidents de 50% d’ici 2020. La liste des 33 agences clandestines a été publiée en août 2017.
Au bout des deux mois et 15 jours, pourquoi certaines d’entre elles n’ont-elles pas été fermées ?
Notre administration n’est pas là pour être un obstacle pour ses usagers. Mais pour conforter l’économie et sécuriser les personnes et les biens dans le cadre de leurs activités. Après avoir sonné l’alarme, nous avons effectué des descentes inopinées dans ces agences, nous les avons conviées à des réunions pour les sensibiliser sur ce qu’elles ont à faire. Certaines faisaient des efforts de manière progressive. C’était une liste de 33 agences et aujourd’hui il en reste 6. Cela veut dire que dans son approche l’Etat est gagnant parce que nous avons préservé l’activité économique des transports et les emplois.
Imaginez si chacune de ces agences avaient seulement un employé, ça aurait fait 33 Camerounais mis au chômage.
Il y a une série d’activités qui se développent autour d’une agence de voyages. De la maman qui vend les beignets, au vendeur de ticket. Il y a des gérants de call box, des chauffeurs, des chargeurs, des hôtesses, les centres de visites techniques, qui vivent grâce à l’existence de cette agence. Et même les commerçants qui sont sur la route dans les différents points d’arrêts ont une activité liée au trafic des agences de voyage. Nous avons pensé à améliorer leur situation.
La répétition est la maitresse des sciences. Nous avons adopté la méthode pédagogique avec patience et la sanction est arrivée en dernier ressort. Et elle tombe pour les personnes qui ont refusé d’être éduquées. Cette sanction est réversible. Beaucoup reviennent vers la tutelle pour demander ce qu’il faut faire pour être en règle. Et si après les différents contrôles la tutelle se rend compte que tout est fait selon la règlementation, rien n’empêche que le ministre des Transports revienne sur sa décision.