Je suis un Français comme un autre. Ou presque. On m'a laissé enfermé pendant 17 ans dans une cellule de 7m2, sans fenêtre, dans une cave du secrétariat d'Etat à la Défense du Cameroun. Pendant 5 ans, j'ai été placé dans un isolement total. Et il m'a fallu attendre 15 ans pour recevoir la première visite d'un responsable français.
Mon crime, mon seul crime, est d'avoir été accusé de soutenir Titus Edzoa lors de l'élection présidentielle de 1997, alors qu'il se présentait contre le Président Camerounais actuel, Paul Biya, qui est au pouvoir depuis... 33 ans. Au pouvoir depuis 33 ans! Imaginez, en France, qu'un Président reste au pouvoir pendant 6 quinquennats successifs!
Cette histoire vous l'avez déjà entendue. Chacun sait que s'approcher des milieux politiques en Afrique, c'est s'exposer à ce type de risque.
Mais quand je pars à Yaoundé, au Cameroun, en tant qu'expatrié en 1994, je n'ai que 31 ans. Je suis plein d'espoir. Plein de rêves. Plein d'idées pour l'Afrique. Je ne suis qu'un Français ordinaire. Un ingénieur financier, à la tête de ses 4 enfants. Je ne connais rien de la vie. Et je suis bien loin d'imaginer ce qui va suivre.
J'arrive au Cameroun avec une lourde responsabilité: piloter un programme de grandes infrastructures routières, financé par de grandes entreprises occidentales désireuses d'investir dans le pays.
Pour faire simple, je collecte l'argent de ces entreprises et je l'investis pour construire des routes. Des voies de transport dont le Cameroun a besoin pour son développement. Et dont il a toujours besoin à ce jour.
Tout se passe bien jusqu'en 1997. Un matin de 1997, je suis en voiture avec ma femme quand je suis arrêté par un groupe armé à un carrefour. C'est le début de 17 années d'enfer. L'argent destiné au programme routier est confisqué. L'ensemble de mes biens sont saisis. Mes comptes sont gelés. On me prend tout, jusqu'à ma liberté.
Après 56 jours de garde à vue, sans qu'aucune explication me soit donnée, je suis condamné à 15 ans d'emprisonnement. On me reproche en privé de soutenir un candidat opposé au Président en place, Paul Biya. Et on m'accuse publiquement de détournement de fonds publics.
L'intégralité de l'argent que je gère à Yaoundé provient des entreprises pour lesquelles je travaille. Je gère exclusivement des fonds privés. Aucun tribunal ne pourra jamais établir la moindre preuve d'un détournement. Mais il me faudra du temps pour le démontrer. Pendant les 5 premières années de ma détention, je serai placé au secret. Et privé de tout contact avec l'extérieur.
La France, pendant ce temps-là, regarde ailleurs. Mon dossier "disparaît" de l'ambassade. On parle de moi comme d'un "Franco-Camerounais". Alors que je suis Français et que le Cameroun interdit la bi-nationalité. Je me retrouve dans la situation des tennismen ou des footballeurs, qui sont Français quand ils gagnent, et étrangers quand ils perdent. Les soutiens doivent venir d'ailleurs. Ils viennent, et ils sont nombreux.
En 2005, le Département d'Etat américain me reconnaît le statut de "Prisonnier Politique". A partir de cette date, il alerte la France chaque année, dans son rapport annuel, sur ce scandale d'Etat.
En 2013, Amnesty International me reconnaît le statut de "Prisonnier d'Opinion".
Et le 13 novembre de la même année, au terme de 4 ans d'enquête, c'est finalement l'ONU qui déclare ma détention comme étant officiellement arbitraire, dans l'avis n°38/2013 de son Groupe de Travail sur la Détention Arbitraire. Cet avis exige trois mesures immédiates de la part du Cameroun : ma libération ; des sanctions contre les responsables ; mon indemnisation et la restitution de l'argent, ainsi que des biens, qui ont été "confisqués".
J'ai été libéré suite à un décret du Président Paul Biya, le 24 février 2014. Un décret qui m'accorde une grâce présidentielle, mais sans me nommer ni me réhabiliter. C'est une grâce a minima. Officiellement, je suis donc toujours coupable aux yeux de la justice Camerounaise. Et il n'y a ni sanction ni indemnisation ni restitutions possibles. On m'a libéré, mais je garde un pied en prison.
Paul Biya a mandaté une enquête sur "les enjeux financiers cachés de l'affaire Atangana". Cette enquête a été menée par le Chef de la police Camerounaise, en personne. Ses recherches ont abouti à la conclusion suivante: le Cameroun doit... 423 millions d'euros aux sociétés que je représentais. C'est le chiffre que le Cameroun lui-même reconnaît devoir, au terme de ce qui est bel et bien un scandale d'Etat.
La France s'est tellement désengagée de ce dossier que j'ai dû payer moi même mon billet d'avion pour rentrer à Paris. Et que les médias n'avaient pas été convoqués lors de mon audience avec le Président François Hollande.
Voilà maintenant presque 2 ans que je suis sorti et la France comme le Cameroun restent sourds face aux demandes de l'ONU.
Ce qui n'a pas empêché le Président Paul Biya, de visite en France le 16 novembre dernier, de déclaré lors de la 38ème Conférence de l'UNESCO: "A l'issue de la première Guerre mondiale, le Cameroun a été placé sous mandat de la Société des Nations, et plus tard sous tutelle de l'ONU. C'est l'égide de celle-ci qu'il a poursuivi avec bonheur sa marche vers l'indépendance. Le Cameroun se considère donc, à juste titre, comme pupille de l'ONU, et de la communauté internationale".
Le Cameroun sera-t-il le fils ou la fille indigne de l'ONU? Incapable d'exécuter ses recommandations en matière de Droits de l'Homme?
Je tiens à mener ce combat jusqu'à son terme, parce que ce n'est pas seulement pour moi que je me bats. Je me bats également pour obtenir la libération de Lydienne Eyoum, l'avocate française également enfermée par Paul Biya. Nous voulons la faire libérer. Et nous voulons également faire un exemple. Pour que cela ne se reproduise plus jamais.
Vous pouvez nous aider, en signant simplement l'appel que j'ai lancé sur Change.org. On ne peut pas détruire la vie d'un homme, ou d'une femme, impunément. Agissons, tous ensemble, contre la détention arbitraire ! Il est temps!