Actualités of Thursday, 31 March 2022

Source: Info Matin N°1051

30 mille tonnes de riz : Ngoh Ngoh tient (enfin) Laurent Esso

Le premier tente de pousser le second à la faute Le premier tente de pousser le second à la faute

Le premier tente de pousser le second à la faute, à vouloir l’amener à violer la loi. Le Sg/Pr, à travers un document qui n’arrête plus de faire le buzz sur les réseaux sociaux, instruit le Minjustice d’interférer dans un contentieux commercial, autour d’une cargaison bloquée au port de Douala, au nom des «très hautes instructions».

Les «très hautes instructions» du chef de l’Etat, à la mode ces dernières années et très régulièrement répercutées aux membres du gouvernement par le ministre d’Etat et secrétaire général de la présidence de la République (Sg/Pr), viennent de revêtir une nouvelle coloration. Le document fait le tour du monde, via les réseaux, depuis le weekend dernier. Le 11 mars, en effet, Ferdinand Ngoh Ngoh a adressé une étrange correspondance au ministre d’Etat, ministre de la Justice, garde des Sceaux, Laurent Esso, instruisant la «levée de la saisie conservatoire du riz ordonnée dans le cadre du contentieux opposant les entreprises Asian Trade Finance Found 2 et Phoenix Global Dmcc». Dans le détail, le Sg/Pr, répercutant «les très hautes instructions de Monsieur le président de la République», demande au Minjustice de veiller à ce que le contentieux opposant lesdites entreprises «se limite sur le patrimoine propre de la Société Agriex Cameroun Sarl», partie au contentieux judiciaire, «notamment ses biens meubles et immeubles, ainsi que ses comptes bancaires, à l’exclusion du riz saisi à titre conservatoire, dont la propriété a été transférée depuis le mois de décembre 2020 aux entreprises Adji Holding, Show Off Sarl et à leurs partenaires, conformément aux stipulations des accords de vente et d’achat établis à cet effet». Il est ainsi demandé à Laurent Esso de «prescrire aux autorités judiciaires compétentes, les mesures nécessaires à prendre en
vue de la poursuite de l’enlèvement, par les sociétés Adji Holding et Show Off Sarl, du riz stocké dans les magasins de la société Agriex Cameroun Sarl, dont la date de péremption est imminente».

A ce niveau de l’histoire, certains seraient tentés de se demander si Paul Biya arbitre désormais des problèmes de riz au port de Douala. Sauf que l’affaire relève du plus que cocasse. Code pénal. Comment, en effet le garde des Sceaux va-t-il pouvoir manœuvrer dans un contentieux n’ayant pas été porté devant les juridictions par le ministère public ? On voit ainsi mal Laurent Esso, par ailleurs magistrat, enjoindre les parties à un procès, ou encore le juge, à statuer au-delà ou en-deçà d’un contentieux dont le juge est saisi. Au nom de la séparation des pouvoirs, le Minjustice, précise un avocat, pouvant agir au niveau du parquet, mais pas au niveau du siège, ne saurait prescrire aux juges de prendre telle ou telle mesure, alors qu’il n’est point partie à une affaire. Bien plus encore : l’article 126 du Code pénal camerounais réprime sévèrement tout empiètement sur le pouvoir exécutif et sur le pouvoir judiciaire. La loi punit d’un emprisonnement de 6 mois à 5 ans, le représentant de l’autorité exécutive qui intime des ordres ou des défenses à des cours de tribunaux, ou le magistrat qui intime des ordres ou des défenses à des autorités exécutives ou administratives.

Diplômé en droit, premier magistrat du Cameroun et président du Conseil supérieur de la magistrature, on voit mal Paul Biya, le légaliste, instruire à son ministre de la Justice de violer la loi. D’où ces interminables interrogations, depuis des années déjà, quant à l’authenticité de la plupart des «très hautes instructions» que son secrétaire général lui prête à longueur de correspondances. Et celle concernant l’enlèvement d’une cargaison de riz au port fait partie des plus insolites. Une formule galvaudée au fil des événements, tant elle est devenue un terme de moquerie dans les quartiers pour arracher des faveurs. Alors question à zéro franc: qu’est-ce qui peut bien expliquer l’immixtion aussi curieuse que bruyante de Ferdinand Ngoh Ngoh dans cette ffaire? Suivez notre regard...