Dans sa parution du mardi 8 décembre dernier, le quotidien Mutations révélait que l’ex ministre de la Défense, Edgar Alain Mebe Ngo’o, avait été auditionné dans son cabinet, au sujet d’un virement de 315 millions effectué sur son ordre sur le compte du directeur (un colonel sénégalais) du Centre interrégional de coordination pour la sûreté maritime dans le golfe de Guinée.
Dans son édition n°4041 en kiosque jeudi 10 décembre, le journal à capitaux public revient sur cette affaire et révèle la «vraie affaire des 310 millions détournés au ministère de la Défense». Le journal révèle que le 14 octobre dernier, soit deux mois après que le président Paul Biya ait ordonné le virement, le contre-amiral Jean Mendoua convoquait à son bureau, situé dans la zone dite Intendance à Yaoundé, le Colonel Abdourahmane Dieng, directeur exécutif du Centre inter-régional de coordination (CIC), une école inter-Etats créée par les chefs d’Etat de la zone du Golfe de Guinée et gérée collectivement par la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) et la Commission du Golfe de Guinée (CGG).
Ce jour-là, le contre-amiral Jean Mendoua a fait signer à l’officier sénégalais une feuille de papier sur laquelle était griffonné: «Cabinet du contre-amiral: 232 millions de francs Cfa (Jean Mendoua); «Centre inter-régional de coordination: 77.751.000 francs Cfa (colonel Dieng)». Sous la pression du lieutenant Koumou Okono, qui lui présentait un document à signer, le Colonel Abdourahmane Dieng signe avoir reçu cette somme, mais promet de la transporter l’argent qui lui était présenté dans un sac, le lendemain.
«Il sort de l’intendance militaire d’abord sans dommage, contacte Mme Kounou Okono le lendemain, lui précise que cette somme d’argent ne saurait entrer dans le compte du Cic parce que ne correspondant à aucun chapitre des recettes attendues de la part des contributions camerounaises. Aussi préfère-t-il communiquer son compte bancaire personnel pour y loger cet argent», écrit Mutations.
Le Lieutenant Koumou Okono fait effectivement virer la somme dans le compte personnel du colonel Dieng logé à Ecobank, agence poste centrale à Yaoundé gérée par Flavie Bifounou. Le jour où Abdourahmane Dieng ordonne à Flavie Bifounou de retourner cet argent à son envoyeur, celle-ci oppose un refus catégorique, argumentant que «le contre-amiral avait ordonné que le compte ayant reçu le virement soit suspendu de mouvements pendant dix jours», apprend-on.
Le propriétaire du compte, le colonel Dieng, s’étonne par ailleurs qu’un «montant initial de 310 millions de francs, représentant les charges camerounaises liées au pays de siège et relatifs au protocole de fonctionnement du CIC, soit amputé sans explication de 232 millions de francs par le contre-amiral Jean Mendoua, qui n’est nullement mandaté par les trois institutions qui supervisent la structure». Pour lui, il s’agit rien moins que d’un détournement de fonds publics, relate Mutations.
L’affaire a donc fait grand bruit et est arrivée dans les oreilles du président Paul Biya qui a instruit que l’ex ministre de la Défense Edgar Alain Mebe Ngo’o soit entendu. L’on apprend dans les colonnes de Mutations que le colonel Claude Ebeni Ebozo, chef de service des affaires générales, a imploré la clémence et la compréhension d’Abdourahmane Dieng, en ces termes: «Mon colonel, votre argent a mis du temps dans mes coffres. Je ne connaissais pas votre numéro de compte, je l’aurais déposé là-bas depuis longtemps… Couvrez-nous, mon colonel, je vais demander aux officiers qui ont pris l’argent de vous le restituer».