Actualités of Tuesday, 11 March 2025

Source: www.camerounweb.com

43 ans de pouvoir suprême ont usé le vieil homme de 92 ans. Mais il ne semble pas avoir dit son dernier mot.

Paul Biya Paul Biya

À l'approche de la présidentielle d'octobre 2025, le mystère plane toujours sur une éventuelle candidature de Paul Biya. Malgré ses 92 ans et 43 années au pouvoir, le président camerounais entretient le flou sur ses intentions, tandis que son propre camp affiche une tiédeur inhabituelle. Entre démonstrations de vitalité et silence stratégique, le chef de l'État continue de maîtriser l'art de l'imprévisibilité, évitant soigneusement le sujet de sa succession tout en observant avec attention un pays qui commence à se projeter vers l'après-Biya.




PAUL BIYA, CANDIDAT OU PAS CANDIDAT

43 ans de pouvoir suprême ont usé le vieil homme de 92 ans. Mais il ne semble pas avoir dit son dernier mot.



Paul Biya ne montre aucun signe qu’il entend quitter Etoudi à la fin de son troisième septennat. Mais nul ne peut prédire s’il sera candidat ou non à sa propre succession à la présidentielle d’octobre prochain. Il a des raisons de réserver sa décisions au regard de la tiédeur de ses partisans qu’on a connus plus motivés autrefois. On se souvient de l’élan des « appels du peuple » venus de l’ensemble du pays et même de la diaspora pour les présidentielles de 2011 et 2018. Bien que critiquée, cette opération traduisait un consensus minimal bien que partisan autour de sa candidature, qui semblait tomber sous le sens. Le contexte a vraiment radicalement changé : on n’observe pas d’effervescence particulière autour d’une candidature de Paul Biya pour un ultime mandat, malgré des appels venus de quelques chefferies et de quelques partenaires bienveillants.

Dans son propre parti le RDPC, les responsables sont à leur tâche ordinaire mais ils n’y a aucune engouement de terrain lié à la présidentielle de 2025. Même dans son camp, les attitudes publiques réservées trahissent un embarras certain, entre la fidélité jusqu’au bout à l’homme du Renouveau visiblement en fin de parcours et le désir de se projeter dans l’avenir avec du sang neuf. Paul Biya voudrait sans doute entendre chaque jour et regarder chaque soir au journal télévisé ses compatriotes appelés à sa candidature, comme ce fut le cas dans les échéances précédentes.

L’ENTHOUSIASME MILITANT EST TIEDE

Paul Biya observe bien le manège qui se déroule sous ses yeux. Il envoie des signaux à ceux qui doutent de sa capacité à gouverner jusqu’au bout, présents à tous les moments de solennité républicaine et à tous les rendez-vous protocolaires. Le chef de l’Etat préside toujours debout le défilé militaire du 20-Mai, il dit ses discours à la Nation avec prompteur debout devant son pupitre. Il procède régulièrement aux nominations aux fonctions civiles et militaires, promulgue les lois, prend des ordonnances et reçoit en audience. Mieux, le chef de l’Etat se montre plus dans sa sphère privée, bien plus ces dernières années que pendant tout son règne. Les images de ses anniversaires de naissance et d’accession au pouvoir sont postées sur ses pages et celles de ses proches. Il tente même de désamorcer quelques foyers chauds chez ses soutiens les plis importants: dans l’Extrême-Nord et dans la Lekié, où il a envoyé son plus plus collaborateur Ferdinand Ngoh Ngoh montrer que son amitié et son accompagnement n’ont pas changé.

Cette communication, ce proving vise à rassurer les Camerounais sur son état physique et sa capacité à gouverner régulièrement remise en cause par une partie de l’opinion publique. Malgré cela, le chef de l’Etat ne dit mot, ni dans un sens ni dans l’autre, sur son futur à Etoudi. A ce jeu du mystère sur l’avenir, Paul Biya reste égal à lui-même. Pendant un certain temps, il a même semé le doute dans l’esprit de son camp en levant le voile de discrétion qui entourait son fils Franck Biya. Le premier fils du chef de l’Etat va ainsi prendre la pose aux côtés des invités de prestige de son père, comme avec Emmanuel Macron en juillet 2022, et être présent à quasiment tous ses déplacements hors du pays. Depuis plusieurs mois, Franck Biya, autour duquel s’est un temps cristallisé le débat sur la succession, semble être rentré dans sa coquille protectrice du silence.

SEUL LE SILENCE EST GRAND

Quoi qu’il en soit, le chef de l’Etat n’est plus aux yeux de ses compatriotes un dirigeant aux fourneaux, les mains dans le cambouis pour résoudre leurs problèmes quotidiens. Paul Biya est devenu une autorité patriarcale, un vieux sage qui mérite de terminer ses jours en paix et qui semble exonéré de l’obligation de résultats. C’est la raison pour laquelle les critiques sur la gouvernance du régime sont orientées vers ses ministres, les élus, les autorités administratives et les forces de défense et de sécurité.

Grâce aux vertus de l’imprévisibilité dont il est maître, le chef de l’Etat a réussi à éviter au pays l’ébullition à laquelle la proximité de 2025 l’expose. Mais il conserve le mystère sur la suite voire évite le sujet. Il a dit le 31 décembre 2024 que sa détermination à servir demeure intacte. Nous n’oublions pas qu’à un journaliste de France 2 intrigué, en juillet 2015, par sa longévité, Paul Biya avait répondu avec sarcasme devant François Hollande, le président français d’alors : « Ne dure pas au pouvoir qui veut mais qui peut ». Que dire de cette réplique à la journaliste Amélie Tulet de Radio France Internationale (RFI), qui l’interrogeait en juillet 2022 sur sa succession devant Emmanuel Macron : « Quand ce mandat sera arrivé à expiration, vous saurez si je reste, ou si je vais au village. » !

LE MOT « DAUPHIN » RÉSONNE MAL

D’ordinaire discret voire secret, le président de la République honnit l’idée même qu’on évoque sa succession en sa présence. Déjà en octobre 2007, interrogé par le journaliste de France 24, Ulysse Gosset, sur sa succession, Paul Biya avait eu cette réponse qui vaut son pesant d’or aujourd’hui : « Nous avons fait tous ces efforts pour bâtir une démocratie. Le moment venu, il y aura des candidats et je crois que l’idée de préparer quelqu’un, cela relève de méthodes proches de la monarchie ou de l’oligarchie. Les Camerounais sont assez mûrs, ils pourront choisir, le moment venu. Je crois que dans une république qui fonctionne bien, le mot “dauphin ” résonne mal. » Pour avoir été préparé pendant de longues années à succéder à Ahmadou Ahidjo et en politicien avisé, Paul Biya sait que l’idée de préparer son successeur n’est ni inappropriée ni saugrenue, même dans une démocratie. Sa déclaration traduisait davantage un agacement devant les évocations récurrentes de son départ alors qu’il considérait que sa « tâche n’est pas terminée ».

Le contexte n’a pas fondamentalement changé, c’est encore plus tabou de parler de la succession de Paul Biya. C’est un sujet que tous ont à l’esprit que personne ne sort de ses lèvres.