Un autre scandale épingle le ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières, Henri Eyebe Ayissi et sa coterie, accusés d'orchestrer un véritable hold-up sur le patrimoine de l’Etat et celui des particuliers, comme l’illustrent à suffisance l’expropriation illicite du groupe BAT au quartier Bastos à Yaoundé, la tentative de spoliation des milliers d’hectares de la réserve foncière de Tibati… et les 400 000 hectares de Nanga Eboko.
Dans le rapport sur l’état de la lutte contre la corruption en 2022, rendu public le 27 octobre 2023 à Yaoundé par la Commission nationale anti-corruption (Conac), le ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières vient en tête des ministères les plus corrompus au Cameroun. A en croire la Conac, le Mindcaf est l’institution la plus gangrenée par la corruption au Cameroun. C’est dans ce département ministériel que l’on recense le plus grand nombre de plaintes. Le commun des camerounais est convaincu que si une guerre se déclenchait dans notre pays aujourd’hui, elle tirerait sa source dans le foncier.
En poste depuis 2019, Henri Eyebe Ayissi, ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf) selon des sources fiables aurait mis sur pied des cabinets noirs dans son département ministériel avec pour mission de spolier les terrains des gens et le domaine privé de l’Etat, avec la collusion de certains pontes du régime. Ces cabinets ciblent des terrains titrés et annulent à leur gré des titres fonciers dûments acquis par les propriétaires.
Ils agissent avec la complicité de certains magistrats véreux et des personnes qu'ils mettent à contribution pour la cause. Rarement un ministre n’a été autant décrié sous le régime du Renouveau, du fait de ses actes et actions qui friseraient la méchanceté, voire l’incompétence. On se rappelle de cette lettre à lui adressée le 12 février 2021 par le ministre d’Etat, secrétaire général à la Présidence de la République Ferdinand Ngoh Ngoh dans laquelle on peut lire : sur « ordre du président de la République » proscrit à ce dernier toute vente ou attribution relevant du domaine privé de l’Etat, à moins qu’elle ne bénéficie de son « très haut accord formel ». « D’ordre de monsieur le président de la République, j’ai l’honneur de vous répercuter ses très hautes instructions demandant que toutes les ventes et attributions relevant du domaine privé de l’Etat, quelle que soit la superficie concernée, soient désormais préalablement revêtus de son très haut accord formel, sous peine de nullité ».
Malheureusement, le natif de la Lékié n’en fait qu’à sa tête. Il exécuterait la danse Bafia mieux que tous les Mbamois réunis. Ce qui a fait dire à un lanceur d’alerte que le ministre Eyebe Ayissi peut vous signer un titre foncier à 8 heures et l’annuler à 14 heures. Les scandales fonciers sous son magistère ne se comptent plus.
Le chef de l’Etat voit rouge
Face à l'ampleur de la situation, le président Biya a réagi avec fermeté. Dans une correspondance datée du 23 juillet 2024, qualifiée de "très urgente" , le secrétaire général de la présidence a ordonné la création d'une commission mixte gendarmerie-police. Cette commission est chargée d'enquêter sur "une liste non-exhaustive des cas d'atteinte à la propriété foncière" impliquant le ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf) sur la période 2020-2024. Cette décision présidentielle souligne la gravité de la situation, plaçant les atteintes au patrimoine privé de l'État et à la propriété des particuliers au même niveau que des crimes graves comme l'enlèvement et l'assassinat. Dans un développement ultérieur, le 26 juillet, de nouvelles instructions présidentielles ont été transmises directement au Mindcaf, ordonnant l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2024 qui avait dépossédé BAT de sa propriété foncière dans le quartier Bastos.
Cette volte-face témoigne de l'urgence de la situation et de la volonté du président de corriger rapidement les irrégularités constatées. Alors que l'enquête se met en place, l'attention se porte sur les conséquences potentielles pour Henri Eyebe Ayissi et les autres personnes impliquées.
La réaction ferme du président Biya laisse présager des sanctions sévères en cas des preuves de malversations
L’affaire de la réserve foncière du Djerem
L’affaire de la BAT ne serait donc que la partie visible de l’iceberg. Le Mindcaf visiblement serait en mission commandée. En effet, en date du 06 mai 2022 le Directeur général de la société Tawfiq Agro-industry a adressé au ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières, une demande d’occupation d’un site en bail pour l’agro-industrie et l’élevage dans la réserve agro industrielle de l’Etat du département du Djerem, dans la Région de l’Adamaoua. Avec une célérité extraordinaire, c’està-dire moins d’une semaine après la réception de ce courrier, Eyebe Ayissi marquait son accord à travers une correspondance adressée au préfet du Djerem, passant outre les instructions présidentielles de février 2021 : « j’ai l’honneur de vous faire connaitre que je marque mon accord de principe pour l’occupation provisoire par ladite société d’une superficie de 95 000 h de la réserve foncière de Tibati, objet des titres fonciers n° 515 et n° 516/Djerem, en vue de la mise en place du projet agroindustriel ».
En réalité, cette célérité de façade cachait le fait que le demandeur était un ami de Franck Emmanuel Biya, le fils du chef de l’Etat à qui on voulait faire plaisir, révèle une source sous anonymat.
Malheureusement, comme tous les actes délictueux posés par le Mindcaf ces derniers temps, sous la pression du Collectif des organisations de la Société civile du Djerem, Eyebe Ayissi a été contraint de revenir battre en retraite. Non seulement il a suspendu les titres fonciers querellés, mais aussi, il a annulé l’acte d’attribution du terrain à la société Tawfiq. C’est un titre foncier de l’Etat à utilité publique qui s'est vu octroyé à un particulier qui s’est présenté comme un agro industrielle et pourtant après des investigations, cet opérateur économique du Dimanche n’avait pour seule ambition que de chercher à lever les fonds à l’international pour finalement brader lesdites terres après aux Asiatiques.
Les 400 000 hectares de la Haute Sanaga
La société Lyrebird Capital Company LTD n’obtiendra finalement pas une superficie de 400 000 hectares pour la production industrielle du manioc dans l’arrondissement de Nanga-Eboko, dans la région du Centre du Cameroun. En effet, la tentative de cette entreprise de se faire attribuer des assiettes foncières dans cette unité administrative a été stoppée par la présidence de la République. C’est du moins ce que révèle une lettre confidentielle du ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières, adressée le 29 avril 2024 à M. Jean Baptiste Nganda, le représentant de cette entreprise au Cameroun. « Prenant acte des informations contenues dans la correspondance sus référencée en date du 5 avril 2024, par laquelle le ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République m’a interpellé relativement à l’objet repris en marge, j’ai l’honneur de vous faire connaître qu’en exécution des hautes instructions de la présidence de la République, les termes de ma correspondance (…) du 12 décembre 2023 vous accordant une dérogation spéciale pour la mise en œuvre de la procédure de concession provisoire sur une parcelle du domaine nationale d’une superficie d’environ 400 000 hectares, répartie dans 12 groupements (…) de l’arrondissement de Nanga-Eboko, ont été rétractés », écrit le ministre Eyébé Ayissi. La révélation de ce projet n’avait pas manqué de susciter de l’émoi au sein de l’opinion, notamment par rapport à la superficie en passe d’être cédée à la société Lyrebird Capital Company LTD. « Chères autorités administratives, municipales et traditionnelles de l’arrondissement de Nanga-Eboko, il n’est pas possible, quelles que soient les motivations qui sont les vôtres, de valider un projet qui tend à céder à une entreprise fictive ou à n’importe quelle d’ailleurs, 400000 hectares de terre sur les 700000 que compte l’arrondissement de Nanga-Eboko.
Les populations restent très attentives aux conclusions de la réunion convoquée le 2 avril 2024. La paix sociale est l’une des caractéristiques des populations de cette unité administrative », avait prévenu sur Facebook l’universitaire Joël Meyolo, fils du coin. L’indignation populaire n’est pas sans rappeler les contestations précédentes concernant d’autres projets industriels dans le pays, comme celui de Neo Industry (cacao) et Herakles Farms (palmier à huile).
Le premier avait vu sa concession provisoire (26 000 hectares) être annulée en 2021, au terme d’un bras de fer de 5 ans entre les populations et l’État. Face à la pression des ONG en charge de la protection de l’environnement et de défense des intérêts des populations riveraines des plantations industrielles, le 2e avait simplement jeté l’éponge, après le démarrage effectif de ses palmeraies dans la région du Sud-Ouest, fruit d’une concession de 20 000 hectares obtenue de l’État du Cameroun. Sur le projet de la société Lyrebird Capital Company LTD, la superficie en jeu était 20 fois plus importante. Et Eyebe Ayissi reste toujours en poste, droit dans ses bottes !!! Seul l’avenir nous édifiera!