Actualités of Monday, 31 July 2017

Source: camer.be

Accusations de torture: Amnesty reçoit un soutient de taille

L'Etat camerounais a contesté les accusations de torture soulevées par Amnesty L'Etat camerounais a contesté les accusations de torture soulevées par Amnesty

Le rapport de l’Ordre des avocats sur l’état des droits de l’Homme au Cameroun relève que les personnes suspectées d'infractions à la loi portant répression du terrorisme sont souvent victimes de « torture » et « d’atrocités aiguës » perpétrées par les forces de l’ordre.

La deuxième édition du rapport du Barreau sur l’état des droits de l’homme au Cameroun présentée vendredi dernier à Yaoundé déplore la persistance de la pratique de la torture notamment sur les auteurs présumés d’infractions à la loi portant répression des actes de terrorisme. « Il y a lieu de constater que les personnes suspectées d’avoir commis des infractions à la loi portant répression des actes de terrorisme sont gardées dans des locaux qui ne sont pas des unités d’enquête ni même des maisons d’arrêt.


Dans ces conditions, elles sont souvent victimes de traitements inhumains, de torture et d’atrocités aiguës perpétrés par les forces de l’ordre dans le seul but d’extorquer l’aveu de celles-ci. »

Le Barreau du Cameroun va plus loin reprenant à son compte le constat d’Amnesty International qui a conclu dans son rapport 2016/2017 que « Des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants accusés de soutenir les membres de Boko Haram ont été torturés par des membres du Bataillon d’intervention rapide, une unité d’élite de l’armée, sur la base militaire de Salak, non loin de Maroua ainsi que les agents de la Direction générale des recherches et d’études (Dgre) (Sic), un service de renseignement à Yaoundé, certains ont succombé à ces tortures et d’autres ont disparu.»

Remèdes contre le terrorisme

Pour remédier à cette situation, le Barreau cite un extrait fort du discours de Kofi Annan, alors Sg de l’Onu, le 18 janvier 2002, devant les membres du conseil de sécurité : « Chacun d’entre nous devrait être pleinement conscient que la protection des droits de l’homme ne doit pas céder le pas devant l’efficacité de l’action anti-terroriste.Al’inverse, si l’on se place sur le long terme, on voit que les droits de l’homme, la démocratie et la justice sociale forment l’un des meilleurs remèdes contre le terrorisme. »

Le Barreau en tire trois recommandations : « Sensibiliser les forces de maintien de l’ordre et les forces de défense sur la notion et la valeur de la dignité humaine. Renforcer les capacités des forces de maintien de l’ordre dans la prise en considération des droits humains lors de la gestion des situations de crise. Ouvrir sans délai des enquêtes conformément aux orientations fournies par le protocole d’Istanbul, un manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, Hcdh, Genève 2004. »

200 peines de mort

Le Barreau réitère, sur la problématique de la peine de mort en vigueur au Cameroun, que son application n’est pas efficace comme le démontre la situation dans l’Extrême Nord, où la loi sur le terrorisme « a fait son lit » pour les condamnations à la peine de mort en 2016 au Cameroun. « Du 1er janvier au 31 décembre 2016, souligne le rapport, même si aucune exécution n’a été enregistrée, force est de relever qu’environ 200 condamnations à cette peine [Ndlr peine de mort] ont encore été prononcées par le tribunal militaire de Maroua, soit 114 des décisions de condamnation à mort entre août et décembre 2016. »

Crise anglophone

Dans un autre chapitre, le Barreau de manière quasi obsessionnelle indexe le manque de précision de la loi antiterrorisme qui ouvre le champ à des interprétations diverses: « Comment rapprocher la qualification de terrorisme dans le cadre du conflit armé non international (Cani) en cours dans la région de l’Extrême Nord avec, les mouvements sociaux, mieux les situations de violences internes ayant eu cours dans les régions du NordOuest et du Sud-Ouest entre octobre et décembre 2016 ? », interrogent les avocats faisant référence ici à la crise anglophone.

« C’est dire, déplore le rapport, qu’il y a là une telle confusion qui n’est pas de nature à assurer une meilleure garantie des droits et libertés des citoyens, ce qui est source d’insécurité juridique et judiciaire. » Ici, le barreau recommande de sensibiliser les juges à l’application des instruments juridiques internationaux et régionaux en matière de terrorisme.

Mais aussi de « Réécrire, sans plus attendre la définition du terrorisme de manière claire et précise pour une totale prise en compte des éléments de dol spécial et de contexte spécifique. »

Le rapport sur l’état des droits de l’Homme au Cameroun, outre les droits politiques et civils, fait aussi un état des lieux des droits économiques sociaux et culturels, des droits catégoriels comme ceux des réfugiés, de l’enfant, de la femme, du handicapé… Après l’édition de 2015, la version de 2016 compte un peu plus de 100 pages. C’est une publication de la commission des droits de l’homme du Barreau, avec le soutien financier de l’Union européenne.