Les deux parties s’affrontent par médias interposés au sujet du journaliste accusé de collusion avec Boko Haram .
C’est à une passe d’armes entre l’armée camerounaise et Radio France internationale (RFI) qu’on assiste depuis le 30 juillet 2016. Au centre de cette bataille qui s’est déroulée par médias interposés, l’affaire Ahmed Abba, du nom du correspondant en langue haoussa de RFI à Maroua, la capitale régionale de l’Extrême-Nord du Cameroun, inculpé notamment pour «complicité d’actes de terrorisme».
C’est la radio publique française qui attaque la première. A l’occasion du premier anniversaire de détention de son correspondant, elle a engagé une campagne pour «demander sa libération». A coup d’articles et d’interviews, la radio accuse l’armée de «grave entraves» et de manquer de preuves et de témoins: «Le rapport dʹenquête préliminaire de la gendarmerie ne contient aucun élément indiquant une quelconque sympathie et encore moins une quelconque collusion dʹAhmed Abba avec Boko Haram. RFI a réécouté les interventions à lʹantenne dʹAhmed Abba : nous pouvons attester de la totale impartialité de son travail de journaliste», assène le media.
Riposte
La contre-offensive de l’armée a été donnée la semaine dernière à travers l’émission «Honneur et fidélité» diffusée sur la CRTV, la radio publique. A l’artillerie, le colonel Didier Badjeck, chef de division communication du ministère de la Défense, le chef de bataillon Pierrot Nzie, commissaire du gouvernement auprès du tribunal militaire de Yaoundé.
Pour sa première salve, le Colonel Didier Badjeck soutient que «Ahmed Abba est un justiciable qui ne représente aucun levier politique, stratégique au point d’en faire une focalisation d’influence. Il ne représente même pas un instrument de conditionnement d’un baroud d’honneur qui pourrait justifier un quelconque acharnement sinon qu’il est selon l’application de la loi inculpé.»
Pour le chef de division communication du ministère de la Défense, son seul problème est d’être «en contact permanent avec les membres de la secte Boko Haram et rentre en réalité dans leur plan de communication ».
Contrairement à ce que défend RFI, le colonel soutient notamment que Ahmed Abba aurait fait «étalage des succès de certaines attaques dont quelques-unes sont médiatisées avant le passage à l’action». Et se serait sur cette base qu’il aurait été inculpé «parce que le code pénal réprimande à son article 106 toutes personnes qui entretient une intelligence avec l’ennemi », justifie encore Didier Badjeck.
Le commissaire du gouvernement (l’équivalent du procureur de la République dans les juridictions civiles) venant en renfort, a pour sa part expliqué que «si le ministère public a décidé de traduire monsieur Abba devant le tribunal, c’est parce que à l’issue de la phase d’enquête, les indices réunis à son encontre était suffisamment pertinent ».
En ce qui concerne les renvois décriés par la défense, Pierrot Nzie argue que «la première circonstance qui a conduit au renvoie était le changement des responsables à la tête du tribunal et le second renvoie l’a été à la demande de la défense». Qui dit vrai? A la justice de trancher…