Le 02 juin 2017, aux environs de 11h, le corps de Mgr Jean-Marie Benoît Bala était ramené sur la rive du fleuve Sanaga, au lieu dit « Pont d’Ebebda ».
De sources officielles, corroborées par le pêcheur qui l’aurait découvert en premier, il aurait été retrouvé flottant, à un mètre de profondeur, à une vingtaine de kilomètres de là, à Tsang, par Monatele.
La fin de soixantaine douze heures de recherches qui auront tenu en émoi l’Église, le Cameroun et le monde. C’est dans la matinée du 29 mai que le véhicule de Mgr Jean-Marie Benoît Bala est retrouvé garé sur le pont d’Ebebda.
Sur la banquette arrière, les pièces du véhicule, ses pièces personnelles et un papier entête du diocèse de Bafia portant l’énigmatique inscription : « Je suis dans l’eau ».
Celle-ci orientera naturellement les médias et l’opinion sur la piste du suicide. Mais très vite, les contradictions s’amoncellent.
L’évêque aurait quitté l’évêché la veille, peu avant minuit. Ce qui est surréaliste pour ceux qui le connaissent. Il serait allé tourner et venir garer son véhicule dans le sens qui va à Bafia, avant de se jeter dans le fleuve.
Le véhicule, celui de l’évêque ordinaire des lieux, serait resté toute la nuit sur un pont, ce pont là, à deux voies, sur l’un des axes les plus fréquentés de nuit, à quelques dizaines de mètres d’un poste de gendarmerie.
Mgr Bala, de l’avis unanime de ceux qui le connaissaient, était un excellent nageur. L’idée qu’il se soit noyé passe très mal.
À son retour sur la berge, la dépouille est entièrement vêtue, chaussée de sandales dont les pieds sont inversés, le ventre plat, la peau fraîche, sans le moindre œdème.
Les experts s’accordent à dire que, pour avoir passé trois nuits et deux jours dans l’eau, c’est de l’ordre de l’extraordinaire. Certains se risquent même à affirmer que ce corps là n’a pas passé plus de six heures dans l’eau.
D’autant que la dépouille flottante aurait parcouru plus de sept kilomètres en une dizaine d’heures, pour ne pas être retrouvée par les chercheurs, le 29 mai.
Obstructions judiciaires et administratives
Alors que des révélations fleurissent sur les commanditaires présumés de ce qui est désormais un assassinat, l’enquête ouverte pour « mort suspecte » piétine.
Les évêques montent au créneau pour affirmer que « Monseigneur Jean-Marie Benoît Bala ne s’est pas suicidé, il a été brutalement assassiné ».
Le procureur conclue, sur la foi d’une présumée expertise internationale qui n’aurait noté « aucune trace de violence sur le corps du défunt », que « la cause la plus probable du décès est la noyade ».
Les références des experts s’avèrent erronées et leur compétence pour le cas d’espèce inappropriée. Le mensonge d’État prend corps.
Les évêques s’insurgent et rappellent que le corps qu’ils ont vu et reconnu au bord de la Sanaga et déposé à l’Hôpital général de Yaoundé « portait bien des traces de violence ».
Ils exigent les conclusions de la première autopsie et accusent des barons du système gouvernant d’entraver la recherche de la vérité.
l’État forcera la main à l’Église et utilisera la famille, avec des relents de tribalisme et politiques, pour reconnaître le corps et en prendre possession.
Mgr Akonga accuse
Dans une oraison funèbre à l’éloquence explosive prononcée le 02 août, en la cathédrale Notre-Dame des Victoires de Yaoundé, Mgr Joseph Akonga Essomba désigne les coupables de cet assassinat.
Pour lui, corroboré et acclamé par une cathédrale en fusion, l’Église est entre des mains diaboliques. « Ce sont des membres de cette Église qui la livrent aux forces du mal ».
L’ancien Secrétaire Général de la Conférence Épiscopale Nationale du Cameroun (CENC) accusera « les faux frères, amis et bienfaiteurs » d’assassiner les prêtres au Cameroun.
Pour l’opinion, c’est la confirmation des accusations portées contre Martin Belinga Eboutou. Le Directeur du Cabinet Civil de la présidence de la République est, depuis le début de ce drame, pointé du doigt comme étant le commanditaire de l’enlèvement et du meurtre de l’évêque de Bafia.
Comme un banal fait divers
Mgr Bala est inhumé sous haute tension le 03 août. Sous la bronca d’une foule en colère, Laurent Esso, ministre tremblotant de la Justice, Garde des Sceaux, le décore à titre posthume à la Place des fêtes de Bafia.
Depuis, sa tombe et la cathédrale Saint Sébastien dans laquelle il repose ont été profanées. Le coursier de l’évêché de Bafia est mort de manière tout aussi suspecte.
Mgr Piero Pioppo, Nonce apostolique en fin de séjour au moment des faits, s’est retiré discrètement. Il a même été célébré, il y a quelques jours par le pape François, en qualité de nouveau représentant du Saint-Siège en Indonésie.
L’abbé François-Xavier Olomo, abondamment cité par la presse dans ce drame, est toujours Chancelier de L’Archidiocèse de Yaoundé et Recteur de la cathédrale Notre-Dame des Victoires.
Seul Mgr Samuel Kleda, archevêque métropolitain de Douala et président de la Conférence Épiscopale Nationale du Cameroun, véritable héros de la recherche de la vérité dans cette affaire, continue de demander aux acteurs (qui seraient connus de l’Église) de dire la vérité.
C’était il y a deux mois !