• Tout juste au lendemain de la fête de nationale, une autre affaire refait surface.
• Des médias se sont saisis de l’affaire et ça part dans tous les sens
• Mauvais temps pour Cyrus Ngo’o, directeur général du Port autonome de Douala
Tout juste au lendemain de la fête de nationale, une autre affaire refait surface et défraie farouchement la chronique de part et d’autre. Mauvais temps pour Cyrus Ngo’o, directeur général du Port autonome de Douala. L’on indique que le manager a été interpellé par la police à sa descente d’avion à l’aéroport international de Douala, alors qu’il revenait d’un long voyage qui l’avait conduit au Canada, en Hollande, en France et à Londres où il vient d’obtenir un permis de résidence.
Des médias se sont saisis de l’affaire et ça part dans tous les sens. D’autres le soutiennent d’autres non. Mais au-delà de tout ça, pour Serge Aimé Bikoi, cette affaire fait entrevoir une bataille au sommet de l’Etat avec l’apparition à nouveau, de la guerre de l’opinion publique.
Lire ici, l’analyse et du journaliste et sociologue Serge Aimé Bikoi :
Dans un tir groupé, ces journaux dénoncent, ce qu’ils appellent, un « harcèlement judiciaire » dont est victime, disent-ils, le patron du Pad. Dans une symphonie bien agencée similaire à une dictée préparée, ces Directeurs de publication écrivent, chacun, à la une : « La justice aux ordres n’entend pas lâcher le Directeur général du Port autonome de Douala (Pad). Suite aux dénonciations faites par Lazare Atou au Tribunal criminel social (Tcs), la condamnation dans l’affaire de recouvrement des redevances domaniales détournées par le Libanais Cana bois, le Tribunal de première instance du Littoral tente de faire embastiller Cyrus Ngo’o alors que l’amende qui lui a été infligée intuitu personae a été payée. Que veut la justice camerounaise au Dg du Pad? »
Sans doute à travers ces publications, certains patrons de presse ont-ils pris fait et cause pour le DG du Port autonome de Douala au regard de l’orientation éditoriale desdits journaux. Soit! Ce randam médiatique sur l’affaire Cana bois, qui va, à coup sûr, se poursuivre dans les débats audiovisuels dès ce soir et ce dans les prochains jours, participe, sans conteste, d’une guerre de l’opinion publique alimentée autant par des journaux que par des cyber activistes connus de tous. Il y a quelques mois, l’affaire Cana bois avait défrayé la chronique, certains annonçant la prochaine interpellation du Dg du Pad.
Des directeurs de publication en avaient fait écho comme à l’accoutumée bien qu’étant diamétralement opposés. En effet, il y avait les laudateurs et les pourfendeurs de C. Ngo’o qui s’étaient mis en opposition de phase les uns polissant son image et les autres flinguant ce manager. Cette bourrasque était, néanmoins, passée tel un buzz qui n’est qu’éphémère. Aujourd’hui, ce nouveau vent souffle encore dans l’agora avec les mêmes acteurs au centre de la manœuvre. C’est, sans conteste, la guerre des lobbies du sérail qui se déroule là.
Alors que tel baron veut neutraliser tel gestionnaire de société, tel autre thuriféraire veut esquinter tel opérateur économique. Au fur et à mesure que les jours vont s’écouler, ces guéguerres auront droit cité. Et des patrons de presse seront au centre de l’instrumentalisation pour défendre tel ou tel comme d’habitude. C’est la matérialisation d’une presse à la solde des lobbies pouvoiristes, clientélistes et opportunistes, qui les tiennent et qui les manipulent au gré de la distribution des espèces sonnantes et trébuchantes.
Il est impérieux de faire une analyse sociologique en profondeur de cette bataille de l’opinion publique. En effet, Ce qui se passe aujourd’hui nous incline à scruter, ces derniers mois, des antécédents ou, du moins, des faits relatifs au contentieux judiciaire opposant le Directeur général des impôts (Dgi) au promoteur du Groupe de presse « L’anecdote ». Il y a trois mois, le ministre d’État Secrétaire général de la Présidence de la république (Sgpr) a, sur instruction de son patron, ordonné une investigation des lignes 94 et 65 des Minepat et Minfi, dont les noms de certains bénéficiaires ont circulé sur la toile. Des documents confidentiels avaient, d’ailleurs, fuité sur les réseaux sociaux sur ces entrefaites.
Dans un jeu corrosif, ces documents diffusés, de manière ostentatoire, visaient à montrer la collusion entre un membre du gouvernement et cet entrepreneur économique aujourd’hui sur le grill en dépit de la détention, comme qui dirait, des bras longs de jour comme de nuit dans les cercles du pouvoir. La preuve, une fonctionnaire des impôts est écrouée, depuis le 19 mai 2022, à la prison centrale de Yaoundé tant elle a été inculpée pour « tentative d’escroquerie en bande organisée, de concussion et de corruption ».
Ces derniers temps, des investigations ont été, dans la même veine, orchestrées dans l’optique de contrôler le ministre d’État ministre de la Justice, garde des sceaux, à qui sont attribuées certaines interactions et corrélations. C’est, d’ailleurs, cette personnalité publique qui est criblée de balles dans les parutions de ce jour tant elle est « accusée de persécuter le patron du Pad ». Info ou intox? A chacun (e) d’en juger fort opportunément !
Ces jeux de correspondances, qui fuitent à temps et à contre-temps, à tort et à travers, ne sont pas anodins. Fort au contraire, ils sont significatifs. Comme le dit le Sociologue dynamiste et critique, Georges Balandier, ces courriers confidentiels sont porteurs de « sens et de puissance ». Par ailleurs, ces décisions visant à enquêter sur les lignes 94 et 65, lesquelles remontent à plusieurs années, ne sont pas actées de manière futile et inutile. Il y a un sous-bassement informatif porteur de signification que toute personne consciente peut bien décrypter de façon rationnelle et causale.
Par le passé, les cas de Polycarpe Abah Abah, Jean- Marie Atangana Mebara, Basile Atangana Kouna, Marafa Hamidou Yaya, Titus Edzoa, Urbain Olanguena Awono, Emmanuel Gérard Ondo Ndong, Edgard Alain Mebe Ngo’o, Emmanuel Etoundi Oyono, Gilles Roger Belinga, Zacchaeus Forjindam, Ntongo Onguene, Yves- Michel Fotso, Henri Engoulou, Gervais Mendo Ze, etc avaient défrayé la chronique. Les journalistes avaient joué, comme à l’accoutumée, leur partition à travers des publications et contre-publications régulières. Certains avaient, de surcroît, créé des comités de défense pour la libération de tel ou de tel autre.
Certains comités de défense sont morts de leur mauvaise mort tant ces barons croupissent encore dans les geôles des prisons centrales de Yaoundé et de Douala. Tous ces bonnets de la république avaient été condamnés par la justice camerounaise, d’autres sont écroués en prison et continuent d’être jugés au Tribunal criminel spécial. Quelques-uns ont rendu l’âme antérieurement alors que certains ont, curieusement, bénéficié d’une évacuation sanitaire à l’étranger. Ils ne sont jamais revenus au pays.
Ce développement argumentatif consiste à démontrer, manifestement, que la guerre des lobbies, au sein du sérail, ne date pas de ce jour. Elle remonte, fort au contraire, à plusieurs années depuis la fabrication de ce que certains acteurs socio-politiques avaient nommé, à l’époque, le G11, Brutus, etc. Ces luttes de pouvoir et ces enjeux de positionnement participent, de manière perpétuelle, à structurer la guerre de l’opinion publique, la guerre médiatique et, par conséquent, la guerre des créatures du créateur, qui s’entrecroisent et s’enchevêtrent dans le jeu de la scénographie du contrôle du pouvoir.
L’hégémon central, aimant et affectionnant le paradigme de la division pour mieux régner, préfère laisser ces apparatchiks du système gouvernant en place s’entretuer pour la conquête du fauteuil présidentiel comme cela se fait depuis des lustres. Entre-temps, la logique du pourrissement perdure, les batailles interpersonnelles s’échelonnent, les rancœurs entre membres du gouvernement se démultiplient et le bas-peuple raffole, au quotidien, des faits divers alimentés sous forme de buzz sur la toile tant ces affaires politico-judiciaires entraînent, in extremis, une certaine catharsis sociale.
Serge Aimé Bikoi