Filmée en 2019 dans une salle de torture identifiée comme les services de la Division de la Sécurité militaire (Semil) à Bonanjo Douala, la vidéo qui dévoile les sévices corporels infligés à Longue Longue par ses bourreaux, alors qu'il crie et pleure pour demander sa liberté, a été publiée hier mercredi 23 octobre sur la toile, non sans susciter l’indignation des camerounais.
Ames sensibles, s’abstenir. La vidéo amateure est d’une violence choquante et révoltante. Les esprits fragiles peuvent craquer sous le coup de l’émotion. Tant la brutalité et la bestialité contenues dans ce court métrage qui dure 4 minutes 37 secondes est insupportable. On peut y apercevoir un homme à moitié nu, couché, les mains menottées dans le dos, les membres inférieurs passant à l’intérieur des pieds d’une chaise, les exposant à la merci de deux individus qui lui monte sur les tibias afin de les immobiliser et lui faire ressentir une douleur inqualifiable au niveau des genoux. Un troisième larron tenant une machette en main, se charge de fouetter les plantes des pieds du « prisonnier » qui n’a que pleurs et suppliques pour se défendre. « Wouoooooo : je vais mourir» , s’écrie-t-il. « Commandant, je te promets ; je dis pardon au président de la République. Pardon papa Paul Biya, j’ai toujours chanté pour vous» , hurle l’otage qui rappelle à ses bourreaux qu’il risque succomber à cette torture. Il s’agit en fait de Longue Longue, artiste camerounais « Disque d’Or » en 2000 avec l’album à succès « Ayo Africa » . La pièce dans laquelle ils se trouvent n’est ni une cellule, ni un bureau. Le caméraman de circonstance a pris le soin de bien resserrer l’angle de capture. On dirait un domicile privé transformé le temps d’une séquence de supplice, en un escadron de la mort. Celui qu’on surnomme « l'artiste du peuple » continue de subir des sévices de la part de ses bourreaux qui ne cessent de lui demander qui l'a envoyé (parler du régime). « J'ai toujours chanté pour le couple présidentiel commandant! Je vais mourir pardon. Arrêtez! » Peine perdue ! La machine de torture se remet en branle avec encore plus de brutalité. «J’ai toujours chanté pour le couple présidentiel. Contrairement à d’autres. Je suis le seul. J’ai chanté ‘’Chantal Biya ne connaît pas les marabouts ; il faut demander à Dieu» . Des arguments qui laissent de marbre ses tortionnaires visiblement concentrés à poursuivre la sale besogne
Excès de zèle
Après l’avoir copieusement molesté, ceux-ci demandent à l’auteur de « trop d’impôts, tuent l’impôt » de se lever et de sauter sur place, utilisant ainsi ses jambes déjà flagellées. Une véritable scène d'horreur, au milieu des sanglots du prisonnier qui répond qu’il souffre du nerf sciatique et qu’il lui est impossible avec cette douleur de s’exécuter. Qu’as bien pu faire Longue Longue pour mériter une telle barbarie et une telle humiliation ? Après recoupements, il s’avère que le père de « 50 ans au pouvoir » paie là le prix de son soutien à Maurice Kamto lors de l’élection présidentielle de 2018 doublés de ses prises de position particulièrement austères envers le Pouvoir de Yaoundé. Dans un excès de zèle indescriptible, certains pseudos défenseur s de la République et de son illustre Chef ont donc cru rappeler à l’artiste engagé qu’il est dans un pays où la liberté de ton et les opinions en défaveur du régime ne sont pas les bienvenus. La vidéo de sa torture, devenue virale depuis sa publication sur la toile, a suscité l’indignation collective. Entre hommes politiques, leaders de la société civile, artistes musiciens, l’acte est inadmissible. Surtout dans un pays qui autoproclame protéger et défendre les Droits de l’Homme. Les droits de l’Homme en péril Cette insoutenable atrocité vient démontrer par 20 que le Cameroun, depuis plusieurs années maintenant, a accéléré sa régression en matière de droits de l’homme. Ce qui est fortement regrettable car ces injustices, atteintes aux droit s de l’homme et violences entretiennent un cercle vicieux qui crée une société de terreur. Dans les autres centres urbains, on le voit bien, les citoyens ordinaires ne sont pas à l’abri. Nombreux sont-ils qui se retrouvent arrêtés et enfermés en violation complète du Code de procédure pénal. Nombreux sont-ils qui sont, dans les prisons, détenus depuis des années sans n’avoir été ni jugés ni condamnés. Fautil le rappeler, l’immense majorité des personnes aujourd’hui dans les prisons sont des prévenus en attente de jugement. Que ce soit sur les questions civiles autant que celles qui relèvent du domaine pénal, les citoyens camerounais, à travers l’instrumentalisation et la corruption existant dans les services de police, la gendarmerie, l’administration et la justice, connaissent des violations graves de leurs droits et libertés fondamentales . Ces res trictions et cette volonté de bâillonnement sont à condamner. Le Cameroun a pourtant ratifié des conventions internationales garantissant la protection contre la torture et les traitements inhumains. Les organisations de défense des Droits de l’Homme doivent exiger que les auteurs de ces actes, et leurs commanditaires, identifiés comme étant des éléments de la Sécurité militaire, soient traduits en justice et punis comme le prévoit la Loi. Justice pour Longue Longue !