Actualités of Friday, 27 October 2017

Source: camer.be

Affaire Marafa: voici comment tout a basculé pour l'ex-ministre d'Etat

L'es-ministre d'Etat a été arrêté en 2012 L'es-ministre d'Etat a été arrêté en 2012

Cinq (05) ans que le Ministre d’Etat Marafa Hamidou Yaya a été arbitrairement arrêté puis condamné à une très lourde peine de prison pour complicité dite intellectuelle de détournement de deniers publics, après un simulacre de procès qui déshonore l’institution judiciaire camerounaise. Il est ainsi illégalement détenu dans une cellule infecte du Secrétariat d’État à la défense (le SED de sinistre réputation) en violation flagrante des conventions internationales ratifiées par l’État du Cameroun.

Cinq (05) ans que l’ancien ministre d’État et proche collaborateur de Paul Biya est ainsi reclus et refuse obstinément de se taire en portant régulièrement de grands coups de griffe à un sérail camerounais sensible à ses sorties médiatiques.

9 décembre 2011. A la faveur d’un remaniement ministériel, Marafa Hamidou Yaya est éjecté du gouvernement. Ainsi sonne le glas de vingt (20) ans de carrière administrative au cours de laquelle le natif de Bibemi, à Garoua (nord), a servi tour à tour comme Secrétaire d’État aux Finances, Conseiller Spécial à la Présidence de la République, Secrétaire Général à la Présidence de la République et Ministre d’État en charge de l’Administration territoriale et de la décentralisation (Minatd). Alors que se referment les portes de la gloire, celles de la descente aux enfers ne tarderont pas de s’ouvrir à cet ingénieur pétrochimiste de 62 ans formé à l’Université de Kansas aux États Unis d’Amérique.
Dès janvier 2012, à Garoua, les fins limiers de la Direction Générale de la Recherche Extérieure (une branche des services secrets camerounais rattachée à la Présidence de la République) entreprennent de cuisiner certains hommes politiques du Nord proches de Marafa. Non pas au sujet de l’affaire de l’achat de l’avion présidentiel dans laquelle il serait impliqué.

Mais à propos de leur réaction et de leur sentiment suite à la sortie du Gouvernement de l’ex-Minatd (Cf L’Œil du Sahel N°464 du 23 janvier 2012). Notons que d’après un câble diplomatique révélé par Wikileaks en 2010, l’ex-Minatd aurait avoué ses ambitions présidentielles aux diplomates américains accrédités à Yaoundé. Ce déploiement des services de renseignement intervient au moment où une descente de Marafa est prévue dans les prochains jours à Garoua.

Le 9 février 2012, soit deux (02) mois après sa sortie du gouvernement, Marafa est accueilli en héros à Garoua. Près de 2 000 personnes pour lui offrir un accueil chaleureux. Une démonstration de force à ceux qui le croyaient politiquement mort, analyse certains observateurs. Mais peu importe.

Le Prince de Bibemi fait l’objet d’une surveillance policière de tous les instants. Un journal local proche du pouvoir de Yaoundé (La Météo) va rapporter qu’après le rendez-vous de Garoua, Marafa a regagné précipitamment Yaoundé sur ordre de Martin Mbarga Nguele, le Délégué général à la Sureté Nationale (patron de la police au Cameroun).

Mais pour ses proches, il n’en est rien. Courant mars 2012, Marafa éconduit la douzaine de policiers en faction à son domicile au quartier Melen à Yaoundé. Mais l’étau sécuritaire, lui, se serre, se resserre. Dans son édition du 11 au 17 mars 2012, le magazine panafricain basé à Paris, Jeune Afrique, va, à sa une, présenter Marafa Hamidou Yaya comme « un dauphin en eaux troubles ».

Arrive donc le 16 avril 2012. L’ancien Secrétaire Général à la Présidence est convoqué chez le juge d’instruction près le tribunal de grande instance de Yaoundé, le très redouté Pascal Magnanguemabe. Quelques heures d’interrogatoire et Marafa Hamidou Yaya est inculpé de « détournements de deniers publics ». Il sera immédiatement écroué à la prison centrale de Yaoundé-Kondengui.

Dès l’annonce de son arrestation, c’est le deuil à Garoua. Le lendemain, 17 avril 2012, les partisans de Marafa au sein du parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais, décident de boycotter la cérémonie d’installation du nouveau gouverneur du Nord, Otto Wilson.

Un mouvement dénommé Jeunesse arc-en-ciel du Septentrion voit le jour dans cette localité. Son porte-parole, Mocktar Oumarou, va déclarer dans les colonnes du journal Le Messager : «Biya s’acharne sur les nordistes. Le combat commence ». Des propos qui ont le don de mettre les services de sécurité et de renseignement sur les dents. Ces derniers vont se mettre aux trousses du jeune leader politique.

Les lettres de Marafa

2 mai 2012. Quelques semaines après son incarcération, Marafa Hamidou Yaya décide de rompre le silence. Dans une première lettre qu’il adresse au chef de l’État Paul Biya, on en apprend des tonnes. A titre d’exemple : « Cette indépendance d’esprit m’avait permis de vous dire, après l’élection présidentielle de 2004, que ce septennat devrait être le dernier pour vous et que nous devrions tous nous mobiliser pour le succès des « grandes ambitions » afin que votre sortie de la scène politique se fasse avec fanfare, que vous jouissiez d’un repos bien mérité, à l’intérieur de notre pays ». Tiens ! tiens ! « Est-ce donc la raison de la déchéance » ?, se demandent quelques uns. L’on est tenté de répondre par l’affirmative.

La saga épistolaire de Marafa se poursuit de plus belle avec la 2e lettre à Paul Biya publié le 13 mai 2012. Ici, ce qui n’était alors que de simples rumeurs et supputations est révélé au grand jour par le concerné : « je suis porteur d’un projet mettant en avant les exigences de PAIX et de JUSTICE permettant de bâtir une société de confiance ».Voilà qui est dit. Et bien dit

Au sein de l’opinion, on blâme les sorties tardives de Marafa : « Pourquoi en parle-t-il seulement maintenant ? Où était-il pendant tout ce temps ? ». D’autres vont même jusqu’à dire : « il devrait s’expliquer sur ce qui l’amène en justice, pas sur ses supposées ambitions politiques ». Marafa semble avoir été sensible aux préoccupations de cette dernière catégorie de l’opinion.

Sa 3e lettre aux Camerounais datée du 24 mai 2012 portera justement sur l’affaire de l’avion présidentiel. Il choisit naturellement de se dédouaner : « Je ne sais ni quand ce détournement a eu lieu, ni sur quoi il porte, ni de quel montant il s’agit, ni qui en est l’auteur principal, ni quels sont les complices.

Je présume qu’il s’agirait de l’affaire relative à l’acquisition d’un avion pour les déplacements du Président de la République, pour laquelle le juge d’instruction aurait été instruit de m’imputer une indélicatesse et pour laquelle il avait rendu une ordonnance de disjonction en janvier 2010 et dont j’ai eu connaissance …s’il s’agit effectivement de cela, je réitère solennellement mon innocence ».

Pour le pouvoir de Yaoundé, la plaisanterie de mauvais goût a assez duré. Il faut sortir l’artillerie lourde pour exploser les révélations fracassantes de Marafa Hamidou Yaya qui ne cesse de déshabiller publiquement le système en place. Ce sera fait dans l’Action, le journal de propagande du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), parti au pouvoir.

Dans son édition n° 848 du 30 mai 2012, le journal du Rdpc (dont Marafa est encore membre du bureau politique) mobilise sa rédaction, des avocats et quelques experts pour rappeler à Marafa qu’il « n’est pas Kafka », que sa 3e lettre n’est qu’un « faux fuyant », qu’il est un « homme d’État dans la rue », qu’il « gagnerait à faire profil bas » et qu’il met en péril « le secret de l’information judiciaire ». « Écrira bien qui écrira le dernier »…