Il y a quelques jours, les enquêtes relatives à l'assassinat du journaliste Martinez Zogo ont été bouclées par le juge d'instruction du Tribunal militaire.
Toutes les personnes arrêtées dans le cadre de cette affaire savent les charges qui sont officiellement retenues contres elles. D'Amougou Bélinga à Martin Savom en passant par Bruno Bidjang, tous les Camerounais savent le rôle qu'ils ont joué dans cette affaire d'assassinat particulièrement violent.
Après les principaux accusés, place maintenant aux acteurs qui ont voulu empêcher la justice de faire son travail. Et parmi les personnes classées dans ce lot, se trouve un puissant colonel membre de la garde présidentielle. Il s'agit en l'occurrence du colonel Evina Ndo, directeur adjoint de la sécurité présidentielle, également originaire de Nnanga Eboko, et proche du SGPR.
D'après une source, le colonel Ndo a "fait pressions sur les magistrats pour obtenir la libération de Martin Savom".
Ce qui est retenu contre toutes les personnes mises en cause
Les mis en cause sont poursuivis pour complicité de torture, complicité d’arrestation, de séquestration, d’assassinat et de violation des consignes. Comment un officier supérieur de la gendarmerie a mobilisé les hommes et moyens pour neutraliser Martinez Zogo ?
Le document révèle qu’une rencontre entre Justin Danwe et Amougou Belinga a eu lieu le 16 janvier 2023 soit un jour avant l’enlèvement du journaliste. 17 personnes soupçonnées d’être impliquées dans l’assassinat du journaliste Martinez Zogo, chef de chaine de la radio Amplitude Fm, dont le corps sans vie a été découvert le 22 janvier 2023 à Ebogo 3 près de Soa seront bientôt jugées devant le tribunal militaire de Yaoundé dans le cadre d’une procédure criminelle.
La phase d’instruction s’est achevée le 29 février 2024 avec la notification aux avocats de la partie civile comme ceux de la défense de l’Ordonnance de renvoi devant le tribunal militaire. La phase de l’information judiciaire vient d’être clôturée 13 mois après la disparition, dans les conditions encore non élucidées du présentateur de la célèbre émission radiophonique "Embouteillage", dont le corps sans vie est toujours gardé à la morgue de l’hôpital Central de Yaoundé.
Dans ce document signé par le juge d’instruction Pierrot Narcisse Nzié, l’on constate que le principal mis en cause dans le cadre de cet assassinat est le lieutenant-colonel Justin Danwe, chef des Opérations à la Direction générale de la recherche Extérieures, (Dgre). Ce haut gradé de la gendarmerie est en prison avec son chef hiérarchique, le Commissaire divisionnaire Maxime Eko Eko, Directeur général de la Dgre au moment des faits pour la même affaire. Jean-Pierre Amougou Belinga, le président directeur général du groupe l’Anecdote et Bruno Bidjang, directeur du groupe des Médias l’Anecdote, sont poursuivis pour complicité de torture pour le premier et de conspiration de torture, d’arrestation et de séquestration pour le second. En dehors de Maxime Eko Eko et le lieutenant Justin Danwe, il y a neuf autres responsables des services de sécurité et de défense travaillant à la Dgre, dans l’armée, dans la police et la gendarmerie.
Au sujet du lieutenant-colonel Justin Danwe, l’Ordonnance de renvoi relève les détails suivants suite à l’audition du mis en cause : « Après avoir navigué entre une opération menée sur sa propre initiative et une action entreprise pour regagner la confiance de son chef, il a finalement fait valoir que cette expédition punitive à l’égard de Martinez Zogo a été tantôt ordonnée par sa hiérarchie, tantôt commanditée par sieur Jean Pierre Amougou Belinga. Qu’il a indiqué qu’il n’a jamais été question de donner la mort à cet individu, mais juste de lui infliger quelques sévices et le laisser en vie, et que ces consignes reçues de son chef hiérarchique ont été répercutées avec insistances aux hommes déployés.
Qu’il n’a jamais nié que c’est lui qui a organisé l’opération, choisi les hommes, rassemblé les moyens et, par la filature, les renseignements utiles, avant de coordonner le déploiement des éléments du commando sur le terrain. Qu’il a allégué à répétition pendant tout ce processus, il a bel et bien agi dans le cadre du service ». Le lieutenant-colonel Justin Danwe reconnait que c’est lui qui a instruit le déploiement du groupe d’arrestation et de torture constitué par Clément Ebo’o Godje Oumarou, Sylvain Bakaiwe, Lenoir Dawa et Martial Nzockmenping. Ces éléments étaient munis des matériels parmi lesquels une décharge électrique qu’ils ont utilisés pour affaiblir Martinez Zogo. Ils ont également utilisé la farine et l’huile rouge qu’ils ont déversée à la victime pour lui infliger les sévices avant d’introduire une barre de fer à l’anus.
Amougou Belinga se défend
Le Pdg du groupe l’Anecdote a totalement nié les faits qui lui sont reprochés : « Il a fait valoir qu’il est totalement innocent dans cette affaire où il n’a jamais envoyé Danwe Justin, ni qui que ce soit, tuer Martinez Zogo qui ne représentait en rien une menace pour lui, malgré le climat de tension qui existait entre ce dernier et tout le groupe l’Anecdote. Qu’il a insisté sur le fait que l’argent remis à Danwe n’était pas un financement de l’opération contre Martinez Zogo ». Lors de la confrontation le 10 février 2023 devant les officiers de police judiciaire en charge de l’enquête, Justin Danwe a affirmé avoir rencontré le 29 décembre 2022, le PDg du groupe l’Anecdote et au cours de cette rencontre, le Pdg lui avait confié la mission de « faire taire » Martinez Zogo.
Séance tenant Justin Danwe avait reçu une somme de 2 millions de FCfa des mains de Jean-Pierre Amougou Belinga. Selon l’Ordonnance de renvoi, les images vidéos ont démontré que le 16 janvier 2023, Justin Danwe est passé rencontrer Amougou Belinga lui faire savoir que la mission qui lui a été confiée est prête à être exécutée. Pour ce qui est de Maxime Eko Eko, il nie avoir donné les instructions à Justin Danwe pour mener une opération contre le journaliste et précise que ce lieutenant-colonel avait manipulé les collaborateurs en leur faisant croire que c’est le Dgre qui a instruit cette mission. Le véhicule pick-up, l’armement et le personnel utilisés pour préparer et conduire cette mission appartiennent à la Dgre, dont Maxime Eko Eko était le responsable et que la réunion de préparation de l’opération s’est tenue dans la salle de crise de la Dgre.
Il est reproché au journaliste Bruno Bidjang d’avoir eu un échange whattsap avec un journaliste dans lequel il annonçait que les journalistes de Vision4 allaient être « sans pitié » à l’égard de Martinez Zogo. Mais cette expression, selon Bruno Bidjang, signifiait juste que l’animateur radio qui dénonçait bien avant son enlèvement « les détournements des deniers publics » de certaines personnalités parmi lesquelles Amougou Belinga devait répondre de ses actes devant la justice le moment venu. Me Charles Tchougang, l’avocat de Jean-Pierre Amougou Belinga et de Bruno Bidjang, dénonce une procédure entachée des violations flagrantes des droits de la défense. L’avocat affirme que ces violations ont débuté en février avec l’interpellation de Jean-Pierre Amougou Belinga sans mandat d’arrêt.
L’avocat décrie également une procédure judiciaire qui vise à présenter son client comme l’auteur, alors qu’il n’est détenu sur la base d’aucune preuve matérielle. Il s’appuie sur cette note du juge Sikati, Ordonnance dans laquelle le juge avait ordonné la levée du mandat de détention provisoire d’Amougou Belinga et Maxime Eko Eko. Alors que Me Tchougang s’apprêtait à mener les diligences pur obtenir la libération de son client suite à la signature de cette Ordonnance, l’avocat dit être surpris d’avoir été informé quelques minutes après qu’il venait de décharger cette Ordonnance, que ledit document était plutôt faux.