En fin du mois dernier, patatras. Les Camerounais apprennent que le Tchad a rappelé son ambassadeur en poste à Yaoundé. Derrière le rappel de son ambassadeur basé à Yaoundé, un communiqué de la présidence tchadienne accuse les autorités camerounaises d’avoir laissé « plusieurs de ses lettres sans réponse ». La crise a éclaté autour de l’affaire du rachat des actions de la société américaine Exxon Mobil par la société britannique Savannah Energy. Une acquisition à laquelle le Tchad s’oppose.
La machine s’emballe, encouragée par le fait que le Tchad qualifie Savannah Energy de nébuleuse. En effet, en décembre 2022, Exxon Mobil qui assure le transport du pétrole tchadien jusqu’à Kribi au Cameroun avait annoncé avoir vendu ses parts à la société Savannah. Seulement, pour le Tchad, cette dernière ne « dispose pas de capacités ni de garanties demandées par le Tchad ».
Ce qui irrite davantage Ndjamena c’est que selon la présidence, les autorités ont appris le 20 avril 2023, « par voie de presse, la signature d'un accord prévoyant la cession par une filiale de Savannah Energy PLC de 10 % du capital social de Cotco, en contradiction avec les conventions et les statuts de COTCO, à la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) du Cameroun ». Ainsi, les spéculations vont aller bon train, couplées aux analyses et pseudo-révélations qui vont pointer du doigt le premier fils du président de la République du Cameroun, Franck Emmanuel Biya, comme l’un des actionnaires de Savannah Energy.
Le cas Franck Biya
Dans une interview accordée ce 26 avril au quotidien Le Jour, le vice-président Afrique de Savannah Energy, Yacine Wafy, réagit aux multiples polémiques qui ont été suscitées au lendemain de l’accord de cession de 10% des parts que l’entreprise détient dans la Cameroon Oil Transportation Co (Cotco) à la Société nationale des hydrocarbures (SNH).
Dans un communiqué signé le 20 avril, la présidence tchadienne avait rappelé son ambassadeur au Cameroun pour manifester son courroux face à la décision de son voisin de pactiser avec la « nébuleuse » Savannah Energy contre laquelle le pays bataille pour la reprise des actifs d’ExxonMobil. « Cette accusation est sans fondement. Elle relève de la diffamation et est aux antipodes de ce que nous sommes et des valeurs qui sont les nôtres », a réagi Yacine Wafy.
« Nous sommes cotés à la Bourse de Londres, avec tout ce que cela implique comme responsabilités, obligations règlementaires et normes… Notre entreprise est membre de l’ITIE avec laquelle nous collaborons en bonne intelligence. Nous avons levé sur les marchés financiers internationaux 1,8 milliard de dollars US de notre création à ce jour », a-t-il brandi comme gage de crédibilité.
Par ailleurs, le communiqué de N’Djamena accusait « de nombreuses personnalités camerounaises et africaines » d’être liées à Savannah Energy. Une accusation que le vice-président Afrique de la junior pétrogazière rejette en bloc. « Aucune autorité camerounaise, de manière directe ou indirecte, n’est actionnaire de Savannah. Je vous invite à consulter nos registres », a-t-il affirmé. Alors que la presse avait identifié Franck Emmanuel Biya, fils du président Paul Biya, comme celui qui, dans l’ombre, tire les ficelles pour le compte de Savannah Energy, Yacine Wafy s’est voulu péremptoire : « Savannah Energy, ses dirigeants, ses employés et ses conseils n’ont jamais eu de contact avec M. Franck Biya relativement à notre transaction avec la SNH. Jamais. Cette personnalité camerounaise n’a jamais été impliquée dans nos interactions avec les autorités tchadiennes et camerounaises ».
Par contre, il reconnaît que « deux délégations officielles de la République du Cameroun » se sont rendues à N’Djamena dans le cadre de cette affaire. Il s’agit de feu Ahmadou Ali ancien vice-Premier ministre et Paul Elung Che, ministre, secrétaire général adjoint de la présidence de la République. Les deux personnalités s’étaient respectivement rendues au Tchad négocier avec les autorités afin qu’elles acceptent de céder au Cameroun une partie des actifs alors aux mains d’ExxonMobil et Petronas. Sollicitations qui n’ont pas trouvé un écho favorable auprès des autorités tchadiennes.
Jeu de dupes
L’affaire est un dossier entre deux Etats amis. Notons bien que 80% du linéaire (1100 km) du pipeline Tchad-Cameroun est situé sur le triangle national. Et, en termes d’actionnariat, le Cameroun ne dispose que de 5%. Voilà au moins 20 ans que ce contrat de dupes dure et, le pays de Paul Biya n’a pas voulu louper l’opportunité de glaner des parts alors que Exxon Mobil avait décidé de se retirer du jeu. Notons aussi que le Cameroun se battait depuis de nombreuses années pour que ses parts soient revalorisées, mais cela, le Tchad ne le dit pas.
Tout chemin mène-t-il à Franck Biya ?
Dans une ambiance de fin de règne, les ombres chinoises se découpent sur les murs de la conspiration. Ces dernières années, le fils du président de la République , Franck Emmanuel Biya, est à son corps défendant projeté dans l’arène publique et politique. L’on a vu des associations naître spontanément, avec pour ambition de le pousser à s’intéresser à la succession de son père. Il n’en fallait pas plus pour jeter un pavé dans la mare. Pourtant, Franck Biya a toujours gardé ses distances vis-à-vis des milieux politiques.
C’est à peine s’il ose se pointer à certaines cérémonies d’apparat telles les prestations de serment présidentielles. Il a toujours su rester en retrait alors que rien ne l‘empêche d’avoir des ambitions politiques. Il est connu de tous qu’il préfère se cantonner dans le milieu des affaires où il excelle, mais en toute discrétion. Seulement, certaines voies insondables se sont donné pour mission de lui prêter des ambitions présidentielles, alors qu’il n’en est rien. Elles usent et abusent de quelque poussière que ce soit.
Franck Biya présent lors du dernier sommet des chefs de la Cemac à Yaoundé, ou encore cette photo prise au palais de d’Etoudi lors du séjour du président français en terre camerounaise… donnent lieu à mille et une interprétations. Il fait peur à certains, alors il est victime de tacles en série. Cependant, les Camerounais n’en sont pas dupes.
Ils savent qu’il s’est toujours tenu loin des affaires publiques. Raison pour laquelle il continue à jouir d’un capital sympathie qui ne se dément pas. En l’affichant ainsi, ceux qui dans l’ombre, y pensent en se rasant chaque matin, affûtent leurs armes.Et même, en l’indexant dans le dossier Savannah Energy, il est question de l’affaiblir, d’écorner son image. Non, Franck Biya n’est aucunement actionnaire de Savannah Energy.
Même lorsqu’il s’est rendu au Tchad il n’y a pas très longtemps, où il a rencontré Mahatma Idriss Deby, cela n’avait rien à voir avec l’affaire Savannah. Non il n’a pas d’ambition politique. Du moins , pour le moment. Toute autre interprétation n’est que ruine de l’âme.