Actualités of Thursday, 4 July 2024

Source: www.camerounweb.com

Affaire de double nationalité: Paul Biya va trancher

Paul Biya Paul Biya

Voici quinze ans que la loi sur la double nationalité annoncée par Paul Biya divise Yaoundé et sa diaspora. Alors que ce serpent de mer a refait surface au Parlement lors des questions au gouvernement, retour sur son histoire, comme le rapporte Jeune Afrique.


La question de la double nationalité, que le Cameroun rechigne à accorder à ses concitoyens de la diaspora, n’a pas fini de susciter les interrogations, comme l'a rappelé Jeune Afrique. C’est au Parlement que cet épineux sujet est réapparu, fin juin, à la faveur des traditionnelles questions des députés au gouvernement. Djeumeni Benilde et Cabral Libii, deux parlementaires de l’opposition, ont décidé de dépoussiérer le dossier en interrogeant l’exécutif sur le double standard qui est observé dans l’application de la loi portant code de la nationalité, mais surtout sur l’information selon laquelle son toilettage serait en étude.

"Je voudrais savoir, monsieur le ministre, pourquoi la double nationalité est à tête chercheuse dans notre pays ?" a demandé Djeumeni Benilde, parlementaire du Social Democratic Front (SDF), en prenant exemple sur le cas d’un aspirant député dont la candidature avait été invalidée en raison de sa double nationalité. "Dans ce même pays pourtant, on se précipite à nommer des sénateurs ou des ministres malgré leur double nationalité, a-t-il dénoncé. J’ai les preuves que certaines hautes personnalités de ce pays ont la double nationalité. Pourquoi cette application à tête chercheuse ?"

Le ministre des Relations extérieures, Lejeune Mbella Mbella, a tenté d'esquiver la question, comme le rapporte Jeune Afrique. "Ce n’est pas moi qui nomme X ou Y", a-t-il affirmé. Cependant, le ministre n’a pas davantage clarifié la question de savoir si le réexamen de la loi était bel et bien à l’étude. "En tant que chef de l’État, [Paul Biya] avait annoncé que le problème de la double nationalité ferait l’objet d’une étude, a rappelé le ministre. Je voudrais donc dire que ce n’est pas une rumeur. Je ne peux pas vous dire quand est-ce que cela sera conclu, mais le projet n’est pas oublié."

À l’Assemblée nationale, cette réponse est devenue une rengaine, comme l'a souligné Jeune Afrique. Pas une année ne passe sans que le sujet ne soit soulevé au moins une fois. En 2022 déjà, Mbella Mbella avait affirmé que "l’avant-projet de loi sur la double nationalité [était] en cours d’élaboration". L’année d’après, il indiquait que "le gouvernement y [pensait] sérieusement". "Quand le texte sera prêt, le président prendra une décision. Il n’est pas opposé à la double nationalité", avait-il précisé.

Cependant, c'est le chef de l’État lui-même qui, le 24 juillet 2009, avait le premier annoncé aux Camerounais de la diaspora que son gouvernement allait étudier la question de l’abrogation de la loi interdisant la double nationalité, comme l'a rapporté Jeune Afrique. Un an après cette annonce, un cadre du ministère des Relations extérieures ajoutait que ladite étude avait été achevée, précisant qu’elle avait permis de supprimer l’alinéa interdisant de conserver la nationalité camerounaise lors de l’acquisition d’une nouvelle.

La crainte d’une diaspora frondeuse
Le débat a beau avoir gagné en intensité au sein de l’espace publique, Yaoundé fait, depuis, la sourde oreille, comme le note Jeune Afrique. L’artiste Richard Bona, naturalisé américain, dénonce ainsi régulièrement les passe-droits accordés à d’autres Camerounais binationaux comme lui. Dans son viseur : l’ancienne vedette du football Samuel Eto’o qui, selon lui, viendrait au Cameroun sans recourir à un visa d’entrée bien qu’il dispose de la nationalité espagnole depuis 2007, alors qu’il évoluait encore au FC Barcelone.

"C’est une loi discriminatoire qui n’a servi qu’à éliminer les dissidents et ceux qui ne pensaient pas comme le régime à l’époque où elle a été adoptée", pense Hervé Emmanuel Nkom, membre du comité central du parti au pouvoir, comme le rapporte Jeune Afrique. "Elle est dépassée." Les revendications de la diaspora en marge de la présidentielle de 2018 semblent cependant avoir poussé Paul Biya à rejeter son projet, même si un réseau de parlementaires dédié à la diaspora a été créé en 2020 pour apaiser les tensions et confié à Louis Henri Ngantcha, un député réputé modéré.

À un an de la présidentielle à laquelle Paul Biya devrait une nouvelle fois être candidat, le pouvoir garde-t-il la modification du code de la nationalité comme un joker pour se réconcilier avec une diaspora frondeuse sitôt le scrutin passé ? "Peut-être qu’une fois les élections de 2025 passées, sachant que ce sera forcément son dernier mandat puisqu’il a 90 ans, le président pourra lever l’interdiction", nous confiait Alice Nkom en 2023, comme le rapporte Jeune Afrique. Pour l’instant, Paul Biya a cependant, comme souvent, choisi de jouer la carte du statu quo.