Le rappeur et activiste Gaston Abé (Valsero) a déclaré récemment qu’il est devenu apatride parce qu’on lui a retiré sa nationalité camerounaise et son passeport. Depuis, les interventions se multiplient sur les réseaux sociaux et les différents médias traditionnels. Le gouvernement a-t-il le droit d’empêcher Général Valsero de se réclamer citoyen camerounais ?

A ce question, l’avocat Me Christian Bomo Ntimbane répond que « le refus de délivrance d'un passeport à un citoyen vivant à l'étranger peut effectivement s'assimiler dans ses effets à une déchéance de sa nationalité au niveau international.

Car le passeport, au-delà de son aspect de document de voyage est une pièce d'identité et la preuve matérielle dans un pays étranger de l'appartenance d'une personne à un pays. Ainsi une carte nationale d'identité camerounaise n'aura pas de valeur de pièce d'identité à l'étranger comme elle l'a au Cameroun. C'est le passeport qui jouera ce rôle lorsque le Camerounais est à l'étranger.

En France, le passeport peut constituer la preuve matérielle du pays d'origine ou dont il a la nationalité d'une personne demandant un titre de séjour français ou qui fait l'objet d'une mesure d'expulsion.

En retirant ou en refusant la délivrance d'un passeport camerounais à un Camerounais vivant à l'étranger, je précise bien vivant à l'étranger, il y a là une subtile déchéance de sa nationalité camerounaise au niveau international ».

A cette intervention de l’avocat, l’écrivaine Calixthe Beyala répond que « c'est vrai et c'est faux, d'autant qu'on peut rentrer dans son pays avec un passeport périmé. De deux, il s'agissait d'une demande de prorogation d'un passeport, ce qui dorénavant ne se fait pas.

Il faut en redemander un nouveau. Personne ne peut déchoir l'autre de sa nationalité. Il y a eu au Cameroun des cas de pénuries de passeports, cela n'a jamais signifié déchéance de sa nationalité. Enfin, aucun policier au monde n'a ce pouvoir.

Personne n'a le pouvoir de retirer à un Camerounais sa nationalité. Malgré mille magouilles que nous dénonçons, le passeport est un document de voyage et non une preuve de la nationalité. Le non renouvellement d'un passeport peut obéir à la mauvaise foi du personnel d'une ambassade, à un manque de matériel, ou à un décret prévoyant qu'un passeport se doit d'être renouvelé et non prolongé.

On peut aller au Cameroun avec son passeport périmé. Le certificat de nationalité est le seul document qui prouve la nationalité, suivi de la CNI. Des choses dysfonctionnent au Cameroun, mais pas à ce point. En principe et à ma connaissance, les hommes de Martin Mbarga Nguélé respectent le droit ».

Dans un autre, Me Christian Bomo Ntimbane réexplique que « le refus de délivrance ou de renouvellement de son passeport à l'artiste Valsero reconnu très critique à l'égard du régime de Yaoundé, qui d'ailleurs lui a toujours fait payer sa liberté d'expression par de multiples gardes à vue arbitraires et un emprisonnement de dix (10) mois sans jugement, est un acte de pure de dictature.

C'est la preuve que le respect des libertés et droits fondamentaux souvent revendiqué par le régime de Yaoundé, est un mensonge, une vue de l'esprit. Les Camerounais ne sont pas libres », lit-on.

Le lanceur d’alertes Shance Lion a donné son avis sur la question : « La perte de la nationalité camerounaise. Il faut dire à Général Valsero qui veut se créer la sympathie autour de lui, afin de noyer le savon et les révélations de Koppo sur sa personne que : seul le ministère de la Justice est habilité pour les questions de "perte de nationalité ou d'octroi de nationalité".

Donc dès que j'ai lu que le délégué général de la police camerounaise puis j'ai vu nationalité par la suite, j'ai compris que c'est du pipo, mon tatat là est un gros menteur. Lorsque vous faites votre carte nationale d'identité (CNI), l'une des pièces exigée est le certificat de nationalité qui est délivré par le ministère de la Justice.

C'est la justice qui certifie de votre nationalité, pas la police, encore moins le délégué général à la sûreté nationale, le patriarche Martin Mbarga Nguélé.
Ne pas se voir renouveler son passeport pour x ou y raison ne vous fait pas perdre votre nationalité camerounaise. C'est archi-faux.

On perd d’office la nationalité camerounaise lorsqu’on acquiert ou conserve une nationalité étrangère. Un camerounais qui occupe un emploi dans un organisme international ou étranger au mépris d’une injonction du gouvernement camerounais l’enjoignant de libérer le poste occupé, perd d’office la nationalité camerounaise.

L’on ne perd pas d’office la nationalité camerounaise mais par sa volonté ; lorsque l’on épouse un étranger, lorsque l’on est né au Cameroun de parents étrangers. Sans son consentement, une personne naturalisée camerounaise peut être déchue de la nationalité camerounaise à titre de sanction.

L’acquisition de la nationalité camerounaise par fraude entraine la perte de cette nationalité. Dans l’hypothèse d’un contentieux, un Camerounais peut perdre sa nationalité lorsque l’on prouve devant les tribunaux qu’il a une nationalité étrangère par le biais d’une exception d’extranéité. Le législateur pose le principe de la perte de plein droit de la nationalité camerounaise, mais rend inefficace ce principe lorsqu’il parle d’action en contestation de nationalité.

La perte d’office de la qualité de Camerounais doit être prouvée par un constat judiciaire. En l’absence de cette preuve, ceux ayant, doublement, la nationalité camerounaise et une nationalité étrangère, peuvent continuer, illégalement, à jouir des droits attachés aux Camerounais ayant une seule nationalité.

Ainsi, au regard du cadre juridique de la perte de la nationalité camerounaise, la double nationalité est théoriquement non admise, mais le dispositif légal n’assure pas efficacement cette proscription ».