C’est important de relever pour le saluer à juste titre, l’action en cours engagée par le Ministre des Finances visant à assainir le fichier solde de l’Etat par l’éradication des fonctionnaires et agents fictifs qui émargent frauduleusement chaque mois dans les caisses de l’Etat en contrepartie de rien.
Il faut signaler que l’éradication des fonctionnaires et agents fictifs n’est qu’un pan dans la vaste opération à mener pour l’assainissement complet du fichier solde car cet objectif ne peut être atteint que si elle inclut dans les actions curatives, la maîtrise des missions fictives ou de complaisance qui constituent un autre pôle important de détournement par les fonctionnaires et agents de l’Etat, et dans l’aspect préventif, la refonte profonde et générale des procédures administratives, financières et comptables incluant l’informatisation totale de la gestion de tous les fichiers personnel, financier, comptable et matériel de l’Etat. Cette réforme devant être confiée non plus aux fonctionnaires au risque qu’ils les taillent encore sur mesure, mais plutôt aux experts privés reconnus compétents en la matière.
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Le détournement de deniers publics par des moyens divers et variés est devenu la règle dans l’administration publique camerounaise à tel point qu’un fonctionnaire qui ne le pratique pas est considéré comme un insensé dans la société et parfois combattu dans son environnement professionnel.
Tout se passe comme si la gouvernance sur le plan de la volonté politique dominante, est expressément favorable à ce genre de pratique. Ceci s’explique d’abord par le fait d’entretenir une pratique telle que les fonctionnaires soient eux-mêmes faiseurs des lois et règlements qui vont régir leur travail (constatons qu’alors que la constitution dit que les lois émanent du gouvernement en termes de projets de loi, ou du parlement en termes de Propositions de lois, toutes les lois qui sont en vigueur dans notre pays sont l’émanation du gouvernement en dehors des règlements intérieurs des deux chambres du parlement), ils sont contrôlés par leurs collègues et amis (notamment le CONSUPE) étant donné que le Parlement ne joue presque pas son rôle de contrôle effectif de l’action gouvernementale et se contente pour cela à quelques rares questions orales, les Conseils d’Administration des entreprises publiques et parapubliques sont constitués généralement des gens nommés beaucoup plus en récompense de leur loyauté politique que de leurs compétences et par conséquent ne font pas le travail.
L’article 66 de la constitution n’est pas appliqué 22 ans après la promulgation de cette constitution et les fonctionnaires sont presque tous appelés à jouer le rôle de personnalités ressources du parti au pouvoir dans leurs villages respectifs et ce rôle est prioritairement financier dans un contexte où la fonction publique camerounaise est réputée pour le paiement des salaires les plus bas. Lorsqu’on regarde le niveau de salaire d’un fonctionnaire et qu’on le compare avec son train de vie quotidien et son patrimoine, on n’a pas besoin d’une expertise pour savoir qu’il puise ailleurs que dans son minable salaire.
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Un pays où les fonctionnaires sont les plus mal payés de l’Afrique Centrale mais qui sont réputés être les plus riches ne peut être qu’un pays corrompu. Les réseaux de détournements prennent leurs sources aux niveaux les plus insoupçonnables et les plus insoupçonnés du pays et la chaine de solidarité qui s’est installée, fait que les uns et les autres se protègent mutuellement, en profitent mutuellement et trouvent refuge dans le parti au pouvoir. La CONAC ne peut rien car non seulement on lui a expressément refusé le pouvoir d’ester en justice en ne laissant que la compétence de constat et de compte rendu, mais aussi on a l’impression qu’elle entre aussi dans la danse en se faisant des amitiés intéressées avec ces potentielles cibles.
S’il y a un sursaut d’orgueil et de prise de conscience de la gravité de la situation, on ne peut qu’encourager le Ministre initiateur et lui demander de ne point se limiter à la répression mais d’inclure la prévention en engageant les actions suggérées ci-dessus ; notamment l’informatisation totale et la refonte impartiale de toutes les procédures.
Rien n’est aussi facile que de contrôler et prouver l’enrichissement illicite des fonctionnaires ; seule la volonté politique de le faire efficacement et profondément fait défaut dans notre pays parce que le système politique gouvernant a finalement fait de la corruption, sa colonne vertébrale pour son maintien.