Politique of Monday, 11 December 2017

Source: camer.be

Agression d’un député RDPC au Parlement: la coupable raconte les faits

La député Patricia Tomaino Ndam Njoya  a eu une réaction violente à l’hémicycle La député Patricia Tomaino Ndam Njoya a eu une réaction violente à l’hémicycle

La député Patricia Tomaino Ndam Njoya a eu une réaction violente à l’hémicycle et a blessé son collègue député. Voici les explications de la porte-parole du groupe de l’Udc à l’Assemblée nationale.

Comment vivez-vous cette session qui est perturbée par l’opération « Blocus » lancée par le Sdf ?

Je vais commencer par ce que nous avons subi vendredi dernier à l’Assemblée nationale, parce que c’est un moment important de l’adoption du projet de loi des finances, c’est un moment important pour les parlementaires. Vous savez qu’il y va même de la naissance des parlements à travers le monde, qui ont débuté quand il fallait lever l’impôt dont il s’imposait un contrôle des populations à travers leurs représentants.

C’est toujours un acte politique fort et, étant donné que nous sommes en session budgétaire, en principe, ce moment vaut beaucoup de respect et beaucoup de sérieux. Il est question du bien-être de la population, de l’amélioration de leurs conditions de vie, à travers les finances qui vont être gérées quotidiennement par le gouvernement.

Pour nous, les députés de l’Union démocratique du Cameroun (Udc), il y a bien sûr les étapes exigées par la loi. Parce que nous sommes en République, il y a un contrat, un pacte républicain, entre le Parlement et le gouvernement qui vient pour présenter ce projet de loi et qui attend rassembler une autorisation des représentants du peuple. Pour ce qui nous concerne ici au Cameroun, nous relevons déjà que le délai de dépôt est très court pour une loi comme celle-là : quinze jours au plus tard avant l’ouverture de la session parlementaire.

Cela devrait se faire beaucoup plus tôt, pour une bonne célérité, une bonne préparation et un meilleur travail. Plus grave, le projet de loi des finances 2018 a été déposé quinze jours après l’ouverture de la session. Nous disons que le problème du délai de dépôt est à revoir, et même le temps imparti pour l’examen de ce projet de loi n’est pas suffisant. Nous voyons qu’en un mois de session, on a déjà entamé quinze jours et il est question de recueillir la participation de plusieurs députés, qui doit être reflétée par des amendements qui sont examinés, qui sont discutés et qui sont retenus.

Au final, il faut savoir combien d’amendements ont été apportés. En tant qu’amendement, il faut voir le fond et la forme. Pas des amendements qui ignorent le profil des dispositions et qui se contentent des virgules, des corrections de grammaire ou de vocabulaire. Maintenant, il y a la question de l’information budgétaire.

C’est un droit pour les citoyens ou pour leurs représentants d’obtenir du gouvernement toutes les informations relatives à l’utilisation de ce budget. Qu’elle soit d’ordre financier ou d’ordre administratif, et c’est pour cela que l’Assemblée est là. Cela participe du contrôle. La commission des finances devrait pouvoir avoir des ministres non pas seulement pendant le vote du budget mais à tout temps, et devrait avoir tout document financier ou administratif nécessaire pour sa meilleure compréhension. Ce n’est pas le cas chez nous.

Mes collègues, membres de la commission des finances, disent que certains ministres sont très hostiles à cette transparence, à cette exigence de principe démocratique. Et donc, ils refusent carrément d’apporter les éclairages ou les documents afférents aux préoccupations de la commission ou aux informations demandées concernant les affectations et l’utilisation des fonds. Sous d’autres cieux, on organise même des débats d’orientation du budget avant même que le projet de loi ne soit apporté à la table du Parlement. Lors de ces débats d’orientation qui peuvent avoir lieu au niveau des chambres, le gouvernement recueille le plus d’avis et les orientations pour mieux affûter son projet de loi.

Je voudrais dire ici, et cela est très important pour nous à l’Udc, depuis notre participation constante au Parlement, on nous a toujours refusé l’accès à la commission de finances. Nous ne participons pas aux travaux en commission, de législature en législature. Ce n’est pas juste, c’est une violation de droits, parce qu’on ne peut pas comprendre que pour un aspect aussi important, qu’il y a des députés qui ne puissent pas participer et contribuer à cette force cruciale. Donc pour nous à l’Udc, nous n’avons que la séance plénière d’examen pour l’adoption des projets de loi des finances, pour nous exprimer.

Vous êtes-vous mise en colère à cause de la parole qui vous a été refusée ?

Justement, cela n’est pas correct. C’est un acte politique aussi majeur, il y a un rituel qui veut qu’avant que le projet de loi des finances ne soit déposé, le Premier ministre vienne à l’Assemblée pour présenter le Programme économique, financier, social et culturel du gouvernement.

Le 29 novembre dernier était le jour consacré à ce rituel. Mais ce que nous avons observé est assez révélateur de la méthode du gouvernement dit des grandes réalisations. Il faut respecter le rituel parce que cela fait partie des méthodes démocratiques des pactes républicains. Le message même que le gouvernement porte est important.

C’est important que le Premier ministre, chef du gouvernement, en personne vienne pour procéder à ce rituel. Mais le 29 novembre dernier, malgré le fait que la séance a été perturbée, les députés présents dans la salle ne pouvaient pas l’entendre, nous étions surpris que le Premier ministre continue de délivrer le programme dans cette ambiance.

La leçon que nous tirons est que non seulement, il y a mépris de ce rituel, il y a mépris du texte, du programme, il y a mépris du lieu. L’hémicycle est un endroit où l’on doit être sérieux, serein, qu’on doit respecter. C’est une arène où l’on attend de prendre des décisions importantes qui vont changer les vies des populations.

Or, il y a mépris des députés puisque le Premier ministre n’en avait rien à cirer qu’ils puissent écouter ou pas. Enfin, il y a mépris des populations que les députés représentent. Et aux yeux du monde entier, on a vraiment été convaincu de comment le Cameroun était gouverné par une méthode au forceps. Et donc ce qui s’est passé encore lors de l’adoption du budget vient le confirmer. Quand on a fini de lire le rapport de 16h30 à 20h, la discussion générale était ouverte. Nous, les députés de l’Udc, avons demandé aussitôt la parole.

Et j’étais surprise de constater qu’aucun député du Rdpc n’avait demandé la parole. Alors que généralement, ce sont tous les députés qui veulent prendre la parole à l’occasion. Le président du groupe Sdf a demandé une motion d’ordre et le président de la Chambre la lui a accordée. Il est passé expliquer que pour eux, on ne devrait pas voter la loi des finances. On l’a écouté pendant 10 à 15 mn. Pendant ce temps, nous, députés de l’Udc, et d’autres comme l’Upc et le Mdr ont continué à brandir nos chevalets, sans aucune attention de la part du président de l’Assemblée nationale.

Nous étions surpris de constater qu’en même temps que les députés du Rdpc ont commencé à applaudir, le président a déclaré la discussion générale close. Alors, on était très frustré. Le chevalet que je tenais en main, pour moi, il fallait le jeter car, cela ne représentait rien. Nous pensions que cela ne vaut pas la peine. Pourquoi est-ce qu’ils continuent d’abuser ? L’Udc n’a pas accès à la commission des finances.

La plénière est la seule occasion pour l’Udc de donner son avis et sa contribution par rapport à la loi des finances. Le président de l’Assemblée déclare clos et il commence à adopter la loi des finances toujours au forceps. Pour nous, il aurait pu retirer la parole, même symboliquement aux députés du Sdf, pour nous la donner. Et même si on n’avait pas pu la prendre parce qu’il y avait un brouhaha, au moins, on aurait compris qu’il nous reconnait en tant que participants et en tant que parti politique qui a son mot à dire.

Mais le fait qu’il ait ignoré notre demande. Nous avons balancé les chevalets par exaspération. Malheureusement, par accident, il y a un chevalet qui est tombé sur le visage d’un de nos compatriotes. Nous étions très désolée, nous lui avons présenté nos excuses et remercier Dieu que l’accident ne soit pas grave. Car cela aurait pu être grave.

Comprenez-vous la réaction de plusieurs députés du Rdpc qui s’en sont presque pris à votre personne après votre geste malheureux ?

D’abord, je redis ici mon regret pour l’accident causé à mon collègue. J’ai eu deux réactions des députés Rdpc. Certains sont venus me dire qu’ils comprenaient que nous soyons frustrés, mais que nous devons savoir qu’eux aussi se retrouvent dans cet état de frustration.

J’ai tenu à leur relever qu’ils étaient ceux qui ont applaudi dans leur grande majorité. Je leur ai dit que je ne pouvais pas comprendre qu’ils ne soient pas d’accord par rapport à une situation et qu’ils applaudissent. Quant à ceux qui étaient plutôt violents, j’ai un message particulier à leur passer.

Je leur dis, certes ils obtiendront peut-être cette deuxième rallonge de 20 ans. Nous sommes à la veille des échéances électorales et, jusqu’ici, la Constitution et le Code électoral n’ont pas été révisés. Comment vont-ils les obtenir ? Que vont-ils en faire sinon que de continuer dans l’optique des 35 ans qu’ils ont déjà eus pour que le Cameroun se retrouve au niveau où l’on est. Tout ce que je peux dire c’est que Dieu ait pitié de leurs âmes de pécheurs, de tricheurs, de méchants.

N’êtes-vous pas coupable d’avoir balancé un objet au milieu de personnes ?

Si nous étions devant un tribunal, les motifs premiers de l’acte devraient compter. Il faut ensuite s’acheminer vers la deuxième question, à savoir si nous étions dans une séance plénière normale où le député était respecté, si on nous avait donné la parole et nous avait permis de travailler sereinement.

Entre 16 heures 30 minutes et 20 heures 30 minutes, j’ai préparé ma communication. Je ne suis pas à l’Assemblée pour y figurer, ni pour m’amuser. J’ai été élue par des centaines de populations qui attendent que notre projet puisse être connu de tout le monde, alors je crois qu’il faut plutôt vous diriger vers le comment en est-on arrivé à cela. Ça aurait pu être plus grave et ça peut être plus grave.

Vous êtes-vous sentis victime de l’affrontement entre le Rdpc et le Sdf ?

Je ne me suis pas sentie victime, mais je n’ai pas accepté d’être une figurante. Mon questionnement porte sur le fait que je n’ai vu aucun chevalet du Rdpc brandi. Les députés ont applaudi. Cela veut dire qu’ils ont eu un mot d’ordre de ne pas demander à prendre la parole pour discuter de la loi des finances. Cela veut dire qu’ils savaient que le Sdf allait une fois de plus empêcher que les travaux ne se tiennent. Alors est ce que cela est juste pour le Camerounais, est ce que c’est juste pour les partis politiques qui ne sont ni Rdpc, ni Sdf, d’avoir été élus par des centaines d’opinion différentes.

C’est pour cela que j’ai exigé de prendre la parole et c’est pour cela que j’ai balancé le chevalet pour exprimer que cela ne sert à rien, qu’il faut qu’on nous prête une attention, c’est une obligation. Je peux me sentir victime mais je refuse d’être une figurante parce que le Rdpc et le Sdf ont leur jeu. Et nous on est là, on a été élu, on a des projets, une façon de faire qui est différente de celle du Rdpc et du Sdf. Et ils doivent le reconnaitre parce que nous sommes en démocratie et en République. Je tiens à relever aux yeux de toute l’opinion nationale et internationale comment dans un pays on laisse des situations pourrir.

Je me suis demandé l’effort qui a été fait, que ce soit au niveau de la hiérarchie de l’Assemblée nationale ou du gouvernement pour permettre que des députés puissent vaquer sereinement à leurs occupations. Au lieu de demander aux députés du Rdpc d’applaudir sans discussion, on aurait pu faire un effort du côté du Rdpc pour régler le problème qui fait que le Sdf empêche les travaux de se dérouler sereinement. Cela aurait pu être fait diplomatiquement, par une concertation pour aboutir à un consensus. Cela n’a pas été une préoccupation ni de la part des autorités de l’Assemblée, ni même de la part du gouvernement, qui tous les deux relèvent en fait du même parti politique, à savoir le Rdpc.

Engagez-vous ici la responsabilité du gouvernement, coupable d’avoir laissé la session s’ouvrir sachant qu’on allait droit dans le mur ?

Je trouve que c’est un manquement très grave de par ses responsabilités, du fait qu’on est en République, qu’il y a des citoyens dans ce pays, aussi parce que l’Etat doit se préoccuper de la situation économique, politique, sociale et culturelle, et à cause de ce que nous vivons au Cameroun.

Je trouve que c’est un manquement grave et que le gouvernement doive répondre de ce manque de dignité. Nous, quand nous demandions à prendre la parole, il était question de faire passer le message important que le Dr Adamou Ndam Njoya, notre président, nous a invités à développer sur le terrain. Il a dit qu’il fallait qu’on sorte du système de confrontation permanente.

Nous traversons au Cameroun une phase délicate et, pour sauver l’unité nationale, cette cohésion et le vivre-ensemble, il faut pouvoir se détacher et éviter ce genre d’attitude où on arrive à des points où on est comme obligé de se confronter.

Il nous a demandé un sursaut démocratique, patriotique et républicain. C’est pourquoi nous, en tant que républicains, démocrates, patriotes, députés en mission, nous nous sommes apprêtés à venir prendre la parole à l’Assemblée nationale, une vitrine que nous avons pour pouvoir nous exprimer normalement.

C’est pourquoi nous nous sommes apprêtés à venir faire normalement notre travail et on se rend compte qu’entre temps, il y en a qui empêchent même que ce soit possible pour nous de nous exprimer, de dire quelle est notre position et de dire que nous demandons aux Camerounais d’être focalisés sur l’unité nationale, la cohésion et éviter d’entrer dans la confrontation systématique.

A vous comprendre, vous ne partagez pas la manière de faire du Sdf qui bloque tout débat ?

Depuis le début à l’Udc, nous ne voulons pas nous prononcer par rapport à la question des journalistes qui veulent que nous disions si oui ou non nous sommes d’accord. Nous ne sommes pas le Sdf. A l’Udc, nous avons notre façon de faire. Dès la session de 2016, l’Udc avait déjà dit que l’Assemblée nationale devait prendre ses responsabilités, le Parlement devait, en tant que pouvoir, utiliser des dispositions du règlement intérieur et de la Constitution, qui fait de lui le représentant de la souveraineté nationale et de l’Etat.

Il devait pouvoir, par rapport au problème majeur du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, composer une commission spéciale comme le prévoit la loi, une commission d’enquête parlementaire pourquoi pas.

Nous n’avons cessé de le dire. Nous avons fait état de la mauvaise gestion de la crise anglophone par l’Assemblée nationale, parce nous avons constaté qu’au lieu d’être indépendante et de prendre en main ses responsabilités, elle se pliait à l’exécutif. Pourtant en tant que pouvoir, elle pouvait, indépendamment de la démarche gouvernementale, entreprendre ses propres actions. Nous étions outrés en mars et juin 2017 qu’on n’ait pas pu organiser un débat sur cette question à l’Assemblée.

Que vaut finalement le budget, cette loi des finances, qui a été adopté au forceps, par le président de l’Assemblée nationale ?

Si la loi des finances permet de lever l’impôt, à un gouvernement d’utiliser les moyens financiers de l’Etat pour des projets en vue de trouver des solutions aux problèmes des Camerounais, je pense que là où les 35 ans de pouvoir du Rdpc nous mènent : pas de routes, pas d’hôpitaux dans les zones reculées du pays, la grève des étudiants qui n’ont pas de toilettes, de dortoirs, de restaurants, je peux continuer à citer la qualité délétère de vie des Camerounais.

Or, des budgets sont votés chaque année. On comprend pourquoi s’il y a un budget qui est accordé à un exécutif qui ne se soucie pas des principes démocratiques et républicains, qui président à l’adoption et au contrôle du budget, alors cela ne peut donner que la situation dans laquelle nous nous retrouvons aujourd’hui.