Depuis plusieurs semaines, voire des mois, les robinets sont à sec. Face à cette situation, les populations ont adopté des systèmes alternatifs pour se ravitailler en eau. Elles ne cachent pas leur amertume.
Certains quartiers de la ville de Yaoundé comme Emana, Messassi, Olembe, Etoudi et Ngousso passent des jours, voire des mois sans recevoir de l’eau dans les robinets. Ces coupures d’eau très récurrentes causent de nombreux désagréments dans les ménages. Vendredi 26 août au quartier Etoudi, au lieu-dit Carrefour du palais, Roland Mvogo, commerçant, un bidon de 20 litres sur la tête et un autre de 10 litres en mains dégouline de sueur. Il revient du robinet de la présidence où il est allé s’approvisionner. « Cela fait un mois que les robinets sont secs. Nous venons ici pour avoir un peu d’eau et elle est gratuite. C’est notre point d’approvisionnement pour le moment, en attendant que la situation revienne à la normale. Nous avons la vaisselle et la lessive à faire », déclare cet homme. Comme lui, d’autres habitants de ce quartier sont à la quête de l’eau. En file indienne, ils attendent impatiemment chacun son tour. « Je suis arrivée vers 10 h et j’ai trouvé du monde. C’est ici que le quartier vient s’approvisionner. L’eau coule lentement. Certaines personnes viennent avec plusieurs récipients et ne veulent pas passer le relais à d’autres si tous leurs récipients ne sont pas remplis », se lamente Monique. Ce phénomène est un véritable mal pour les populations. « Comment allons-nous vivre sans eau ? S’il faut réfléchir sur comment nourrir nos familles et aussi sur comment avoir de l’eau alors nous avons des robinets, c’est une situation très lamentable », s’indigne Julienne, toute furieuse. Et de poursuivre : « On ne peut plus faire la lessive normalement. Il faut maintenant utiliser l’eau de façon rationnelle sans perdre une seule goutte. Ça ne vaut pas la peine de dire que tu as fait un branchement à la Camwater ». Pour une autre dame, c’est un calvaire. Il faut développer des astuces pour essayer de faire des économies d’eau. L’eau de la lessive et de la vaisselle sont conservées et servent à désengorger les toilettes, explique-t-elle. « Depuis plusieurs mois, nous avons de l’eau deux ou une fois la semaine. C’est une situation très difficile étant donné que le quartier ne dispose pas de puits. La seule source présente coule au compte-gouttes », se désole une dame. Pour avoir cette eau, il faut se lever vers 3 ou 4h du matin. Le cliché est le même pour Ursule Mballa qui vit avec ses quatre enfants. « J’utilisais 15 litres d’eau pour mon bain. Ce n’est plus le cas. Je me retrouve en train d’utiliser 10 litres d’eau et c’est très gênant lorsqu’on est habitué à avoir de l’eau en abondance. Même en cuisine, ça devient difficile », raconte-t-elle A la source Au quartier Olembe, les populations sont confrontées à la même situation. Il faut parcourir des kilomètres pour avoir de l’eau dans une source, acheter ou encore profiter de la générosité d’une âme de bonne volonté qui décide de partager l’eau de son forage. « L’eau c’est la vie, il faut aider quand on le peut. J’ouvre le portail de 7 à 9 h pour que le voisinage puisse avoir quelques litres d’eau. Je le fais deux fois par semaine », déclare Aimée. Huguette, quant à elle, s’approvisionne dans une source à près de 1,5 km de sa maison. « Tous les matins, je m’organise avec mes enfants pour que nous puissions faire 3 à 4 tours d’eau. Dans l’après-midi, nous faisons 2 tours pour avoir des réserves », renseigne-t-elle. Le weekend, sa famille et elle vont faire la lessive à la source. Son voisin, Ibrahim, un autre père de famille, gère ses réserves avec des bidons et autres récipients. « Tous les matins, je sors avec des bidons et des bouteilles à l’arrière de ma voiture. Là où je trouve un point d’eau, je me gare et je remplis mes récipients. C’est de cette manière que nous fonctionnons à la maison », confiet-il. Un autre citoyen va avec ses bidons dans son garage au quartier Fouda et les remplit d’eau pour la maison. Acheter de l’eau Certains détenteurs de forage profitent de cette situation pour commercialiser de l’eau. Comme l’explique un vendeur, il faut arriver très tôt pour avoir de l’eau. « Il y a des personnes qui viennent laisser leurs récipients et les récupèrent le matin. Pour que tout le monde puisse avoir quelques litres d’eau, nous limitons le nombre de bidons. Pas plus de cinq bidons par personne », confie Roland Ngatchui. Il faut débourser entre 200 et 300 fcfa pour les familles peu nombreuses et 350 à 500 Fcfa pour celles qui sont nombreuses. « C’est très coûteux pour nous. S’il faut dépenser 200 ou 300 Fcfa chaque matin, vous pouvez imaginer ce que nous dépensons au bout d’un mois », s’exaspère une mère de famille. Le comble c’est que quand la distribution de l’eau est rétablie, plusieurs ménages affirment qu’elle n’est pas bonne pour la consommation. « L’eau est de couleur jaunâtre. Il faut d’abord la laisser reposer avant de l’utiliser. Elle est juste faite pour la lessive ou la vaisselle. Il faut avoir un filtre si jamais on veut la boire », s’indigne Nicolas Ombe.