Elections Cameroon (Elecam) a donc clôturé, conformément à l’article 74 (2) de la loin°2012/001 du 19/04/2012 portant code électoral, l'opération de révision du fichier électoral pour l'année 2017.
Ce sont 403 069 camerounais en âge de voter qui se sont nouvellement inscrits sur la période allant du 02 janvier au 31 aout 2017, portant le nombre total des inscrits à 6 073 530, largement en deçà de l'estimation-cible qui était de 6 500 000. Le nombre de nouveaux inscrits est donc en baisse par rapport à l'année 2016.
Elecam, habitué au peu d’engouement des citoyens à s’inscrire, ne s’en émeut point. En revanche, l’opinion s'en étonne ! L'étonnement est d'autant plus qu'à grand renfort de bruits, de sons et d'images, M. Cabral Libii, agitateur d'idées coordonnateur auto-proclamé de l'opération « 11 millions d'inscrits », nous a dit, la main sur le cœur, qu’il ferait porter au 31 août 2017, le nombre d'inscrits à plus de 11 millions soit au moins 5 millions de nouveaux inscrits !
Nous ne dirons pas comme certaines mauvaises langues que c'est un échec. Nous louons d’abord les efforts et l'investissement personnels de M. Libii dans le chaudron du processus électoral camerounais. Mais, que M. Libii nous permette d’analyser la situation en questionnant la méthode, l'objectif et les conséquences de son « opération ».
Une méthode nébuleuse coincée entre la dérive démagogique et le populisme L'objet était donc l'inscription de presque 5millions nouveaux électeurs, en vue d’atteindre 11millions d'inscrits, sauf erreur ou omission, à la clôture de la révision du fichier électoral !
Il fallait donc répondre à la question « comment faire ? », la question de la méthode. En réalité, il n'y avait pas de méthode. Il y avait juste la conviction d'un jeune homme aux idées simplistes et caractériellement naïf. Le même qui nous disait, il y a six ans que pour rien au monde, il n’irait s'inscrire sur une liste électorale, les dés étant pipés et les résultats des consultations électorales connus d'avance !
Le même qui pérorait partout où besoin était que le code électoral étant taillé sur la seule mesure du Président Biya et des militants de son parti, il ne servait à rien d'aller s'inscrire sur une liste électorale, pour ne pas cautionner la mascarade électorale. Aussi, son revirement d'aujourd'hui ne pouvait voguer qu'entre les rives d'une démagogie jouvencelle et les bords d'un populisme puéril d'un acteur en quête de reconnaissance. Puisque avant l'opération d'aujourd'hui, notre ami a participé à inoculer le venin de la haine des élections.
Sans passer par la case « désintoxication » de l’opinion et en l'absence d'une méthode claire, l'échec d'aujourd'hui était prévisible. Un objectif virtuel pratiquement irréalisable Sérieusement, l’objectif de 11 millions d’inscrits nouveaux au 31 août 2017 était-il réalisable ? Au demeurant, est-il possible d’atteindre 11 millions d’inscrits au Cameroun ? Comment un esprit aussi vif que celui de M. Libii a pensé qu’il suffirait de le dire comme un marabout à la télévision, sur internet et dans les radios, sous les hourrahs de la foule, en donnant l'impression d'une découverte pour que ce qui était virtuel devienne une réalité ?
Il suffisait pourtant d'observer l'amplitude des inscriptions sur les listes électorales depuis 2007 pour conclure, aisément, qu'il faudra, à ce rythme, 27,5 ans pour porter le nombre d'électeurs à 11 millions déjà au Cameroun ! Pour justifier l'échec de l'opération, l'homme accuse les pouvoirs publics qui n'auraient pas mobilisé, à temps et à suffisance, les ressources adéquates en faveur d'Elecam.
Alors qu'on peut démontrer que Elecam a toujours fonctionné ainsi, bon an mal an, au gré de la disponibilité budgétaire du pays. Ce qui, au demeurant, est préjudiciable à l'efficacité de Elections Cameroon. Des conséquences financières insoutenables En ciblant 11 millions d'inscrits, M. Libii et son brain trust ont visiblement omis l'aspect financier du problème électoral chez nous. Imaginons un corps électoral de tant d'électeurs au 31 août 2017. Sachant qu'un électeur coûte en moyenne 10 500 francs Cfa (taux onusien) et qu'en 2018, il y aura trois scrutins directs, c'est une somme de 346,5 milliards de francs Cfa qu'il faut budgétiser pour les 3 scrutins, contre 189 milliards de francs Cfa, en l’état actuel du fichier électoral! La démocratie coûte cher, mais tout de même.
Autrement dit, pour élire le président de la République, les députés à l'Assemblée nationale et les conseillers municipaux, il faudra près de 400 milliards de francs, l'équivalent de la facilité élargie de crédit accordée par le Fmi ! Oui, nous savons qu’en budgétisant 80 milliards par an, on peut y arriver sur cinq ans. Mais, les choses ne fonctionnent pas ainsi.
Par ailleurs, combien de candidats, au Cameroun, sont capables d'assumer une campagne électorale ciblant 11 millions d’électeurs ? Le désintérêt des principaux intéressés D'un point de vue politique, M. Libii a peut-être vu juste ! En effet, avec 11 millions d'électeurs en 2018, l'alternance au sommet de l’Etat est possible.
Ce serait même une véritable révolution mais, qui a intérêt à ce qu'il y ait 11 millions d'électeurs soit 5 millions de nouveaux inscrits? M. Libii ? Le Rdpc ? L’opposition ? Les électeurs eux-mêmes ? La société civile ? En admettant que tous aient intérêt, M. Libii a-t-il fait travailler tout le monde dans ce sens ? Cela pose le problème de sa capacité de sens et de rassemblement. S’agissant de l’opposition camerounaise, est-elle capable de réunir sur l’un de ses noms, connus ou inconnus, 5 millions de nouveaux électeurs ? L'échec de cette opération, sur le nom de M. Libii, ne montre-t-il pas bien la réalité socio-électorale du Cameroun ?
Autrement dit, s’il y avait donc un scrutin aujourd'hui, le candidat Libii ne ferait même pas le plein de ses fans plus nombreux sur la toile, mais visiblement non-inscrits ! Sur les 403 069 nouveaux inscrits, combien se réclament-ils de l’opération ?
Sur les nouveaux inscrits de demain, combien seront-ils ? Personne ne peut y répondre, à cause de l’amateurisme qui entoure cette « opération ». Pourtant, plus déterminé que jamais, l'homme continue à faire des promesses : « l'année prochaine, on ne me reconnaitra pas » lance-t-il, goguenard ! On verra!