La justice camerounaise a ouvert des enquêtes sur le bilan de récentes violences en zones anglophones au Cameroun, notamment lors des manifestations indépendantistes du 1er octobre dans ces régions du nord-ouest et du sud-ouest où les forces de sécurité n'ont pas fait usage de leurs armes à feu, affirment les autorités.
"(...) En plus de l'évaluation des dégâts matériels, il y a également des enquêtes précises qui ont été ouvertes par les autorités judiciaires sur le bilan (des) événements", a déclaré le ministre de la Défense Joseph Beti Assomo dans une intervention vendredi à la radio d'Etat.
Le ministre s'est rendu jeudi à Buea, le chef-lieu du sud-ouest, où il a présidé sur "instructions" du président Paul Biya une réunion sur la situation sécuritaire dans ces zones anglophones, en proie depuis novembre 2016 à une grave crise socio-politique.
Selon un décompte de l'AFP, au moins 14 personnes ont été tuées le 1er octobre lors de la proclamation symbolique de l'Ambazonie, du nom de l'Etat que les sécessionnistes anglophones veulent créer. Des ONG et des responsables de l'opposition avancent un bilan beaucoup plus lourd, accusant militaires et policiers d'avoir ouvert le feu sur les populations, notamment depuis des hélicoptères.
Pour sa part, le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, porte-parole du gouvernement, chiffre le bilan à 10 morts alors que les gouverneurs des deux régions l'établissent à 12 tués.
"Nous avons une armée républicaine; des forces de défense et de sécurité qui ont fait leur travail de manière responsable, sans perdre leur sang froid", a réagi M. Beti Assomo au terme de la réunion de jeudi, dénonçant ceux qui "jètent l'anathème" sur ces forces de l'ordre.
Les évènements du 1er octobre "sont le fait de certains extrémistes violents" dont le "plan diabolique" a été déjoué et qui voulait "provoquer une réaction vigoureuse des forces de sécurité, entraîner un bain de sang (...)", a affirmé de son côté le ministre de la Communication jeudi à Yaoundé. "Aucune manifestation intervenue à cette occasion n'a fait l'objet d'une répression par des tirs à balles réelles", a-t-il assuré.
Dans un communiqué publié vendredi, l'ONG Amnesty international a fait état d'"au moins 500 personnes toujours détenues dans des (prisons) surpeuplées suite à des arrestations massives et arbitraires dans les zones anglophones".
Selon l'organisation, ces arrestations ont eu lieu notamment lors des évènements du 1er octobre dans une dizaine de villes anglophones.
Au Groupement mobile d'intervention (GMI, unité de la police) de Buea, les détenus sont entassés "comme des sardines", selon Amnesty qui appelle à leur libération et dénonce le recours par la police et l'armée à une "force inutile ou excessive" lors des arrestations.
De nombreux manifestants blessés le 1er octobre ont fui les hôpitaux par peur d'être arrêtés, d'après Amnesty qui établit par ailleurs à 20 le nombre de tués.
Le Social democratic front (SDF), principal parti d'opposition - qui de son côté a dénoncé l'usage de "balles réelles" contre les manifestants - a prévu d'organiser le 21 octobre à Douala une marche pour exprimer sa solidarité aux populations des zones anglophones.
La manifestation a été autorisée par l'administration, selon une décision consultée par l'AFP, une première au Cameroun où jusqu'à présent toutes les manifestations de rue projetées par l'opposition et la société civile étaient systématiquement interdites ou réprimées.