Il eût été plus approprié de dire que «Eyebe Ayissi et le RDPC appellent Paul Biya à présenter sa candidature à la présidentielle de 2025». Bien que ce énième appel participe manifestement du plaidoyer pro domo sua de ses initiateurs, il laisse tout de même perplexe. Si l‘on prend en compte qu’à seulement 88 ans, Paul Biya a presque disparu de la circulation et a quasiment tout délégué soit au secrétaire général de la présidence, le ministre d’État Ferdinand Ngoh Ngoh, soit au Premier ministre, Joseph John Ngute, qu’en sera-t-il alors en 2025, lorsqu’il sera âgé de 92 ans ?
Le président de la République du Cameroun, S.E. Paul Biya, est vieux, très vieux même. A son âge, on ne peut échapper aux maladies dégénératives. Il n’a donc plus ni la vigueur d’un Macky Sall (la soixantaine), ni l’énergie d’un Emmanuel Macron (la quarantaine), encore moins la vitalité d’un Patrice Talon (la soixantaine). Dans quatre ans, Paul Biya aura 92 ans, un âge plus qu’indiqué pour aller; se reposer. Et personne ne devrait le lui reprocher ; il aura fait ce qu’il aura pu pour son pays, ce, depuis 1962.
D’éternels assistés effrayés parle lendemain
Malheureusement, c’est à cet âge-là que ceux qu’il aura «créés» lui demandent de rempiler, pour un autre mandat. Lui veulent-ils vraiment du bien, ou est-ce par pur opportunisme politique, sachant que sans lui, ils ne valent rien, qu’après son départ, ils perdraient leurs acquis ? L’homme du 6 novembre 1982 (date de l’accession de Paul Biya à la magistrature suprême) ne devrait-il pas s’en inquiéter ?
En fait, chez les Bantous, il est de coutume que lorsqu’un parent, homme ou femme, sent ses forces l’abandonner, il prépare sa relève. Et dans le cas d’espèce, Paul Biya ayant déjà rappelé que le Cameroun n’étant pas une monarchie, des dispositions constitutionnelles y règlent la question de succession à sa tête. L’on se serait donc attendu qu’au niveau de son parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), il en fût autrement.
Mais, ses «créatures», des adultes, et même plus, apparemment sains de corps et d’esprit, se comportent comme de perpétuels enfants, comme d’éternels assistés qui, effrayés par le lendemain, n’arrivent pas à s’affranchir de sa très longue présence aux affaires. Ce faisant, ne se disqualifient-ils pas aux yeux de leur «créateur», tant aucune des «créatures» ne fait montre de capacités pouvant lui permettre de prendre le parti en main, et partant (pourquoi pas), le pays ?
Ces {{mineurs» nous servent plutôt des appels à candidature, cette sorte de charlatanisme politique nui consiste à vendre la poudre de nerlimniiwm aux personnes insignifiantes J 5
L’une des «créatures» de Paul Biya disait un jour qu’«un bon joueur ne manque pas d’équipe». Que de jeunes joueurs se mettent résolument et volontairement à la touche pour laisser s’éreinter sur le terrain un joueur au bout du rouleau ne démontre-t-il pas à l’envi que ces jeunes-là sont des incapables ?
En d’autres termes, ne sont-ils pas de mauvais joueurs qui n’auraient même jamais dû entrer en jeu ? Au mieux, ce sont des joueurs médiocres, au pire, c’est le genre qu’on qualifie chez nous de «mouilleurs». Comme le gui, ils s’accrochent à l’arbre dont ils sucent et se nourrissent de la sève, en attendant son assèchement total. Ce qui nous rappelle fort opportunément cette question que l’on posa un jour à Emmanuel Kant, à savoir, qu’est-ce que les Lurpières ? Le philosophe allemand répondit que «les Lumières, c’est la sortie de l’homme de la minorité dont il est lui-même responsable».
Il ajouta : «(… ) La minorité est l’incapacité de se servir de son entendement sans la conduite d’un autre. » Cela étant, comme le relève Diogo Sardinha, « la minorité apparaît liée, d’entrée de jeu, à l’exercice d’une tutelle par une extériorité puissante, par rapport à laquelle le mineur demeure l’incapable. La devise des Lumières se formule alors comme l’incitation à devenir majeur : “Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement !” ». Au lieu de cela, ces «mineurs» nous servent plutôt des appels à candidature, cette sorte de charlatanisme politique qui consiste à vendre de la poudre de perlimpinpin aux personnes insignifiantes.
En s’essayant ainsi une fois te plus, à la fabrication du consentement, te ministre Henri Eyebe Ayissi s’est indûment arrogé le droit de représenter tout ce département dans le cœur de ses ressortissants.
A ce niveau, le charlatan est une personne qui prétend, de manière frauduleuse ou par ignorance, professionnellement ou publiquement, disposer des compétences, des connaissances, des qualifications dont il est en réalité dépourvu. En général, il pratique l’imposture ou un jeu de dupes envers autrui, grâce à des trucages, des déformations de la réalité ou des falsifications, en vue de gagner sa confiance ou pour obtenir quelque avantage.
Le plus grand danger avec ce type de personne est que ceux à qui il s’adresse choisissent de renoncer aux vraies solutions pour se sortir du pétrin, au profit de solutions inefficaces prônées par elle. Ce dévoiement peut causer des retards pouvant aller jusqu’à la perdition».
C’est ainsi que s’agissant de la Lékié, de tout le département de la Lékié, tel que le laisse apparaître cet appel à candidature, il s’agit simplement d’une usurpation de responsabilité de la part des appelants. Cette usurpation de responsabilité est préjudiciable, dans un contexte de «démocratie» comme le nôtre, à ceux qui n’appartiennent pas à la même chapelle politique. Il est évident que ces appelants-là n’ont pas reçu mandat pour parler en leur nom.
En s’essayant ainsi, une fois de plus, à la fabrication du consentement (en référence à l’ouvrage de Noam Chomsky et Edward Herman), le ministre Henri Eyebe Ayissi.s’est indûment arrogé le droit de représenter tout ce département dans le cœur de ses ressortissants. Pourtant, à l’observation, il n’est point en position d’imposer ou de décider de ce que le bon peuple de la Lékié a « le droit de voir, d’entendre ou de penser», ou même d’orienter ses choix pour 2025. Ces aspects, assurément, relèvent du leadership, qui lui fait pourtant défaut.
Dispose-t-il de compétences.personnelles (en dehors du fait d’être ministre) lui conférant une différence qui lui permette d’être écouté et suivi par toute la Lékié ? L’on peut en douter, eu égard aux oppositions de points de vue entre lui et Ndong Soumhet, un autre ministre du département.
Élargir les horizons pour l’intérêt de la collectivité
En effet, le leadership, tel que perçu par Peter G. Northouse (Leadership: Theory and Practice, SAGE, 2007), «est un processus par lequel une personne exerce une influence sur d’autres, dans le but d’atteindre un objectif commun».
De ce fait, le leader, ou celui qui est considéré comme tel, propose une vision claire de l’avenir, donne du sens à son action, toutes choses quasiment impossibles dans le contexte camerounais actuel, où la verticalité du pouvoir tue toute initiative dans ce sens. Et comme le font remarquer Bernard et Ruth Bass (The Bass handbook of leadership : theory, research, and managerial applications, New York Free Press, 2008), si le leader influence son équipe, la réciproque existe sous l’effet de la cohésion interne et des normes du groupe, car le leadership est fonction des modes de légitimation et de la culture organisationnelle.
C’est pourquoi, qu’il soit transactionnel ou transformationnel, le leadership met l’accent sur la relation entre le leader et ses subordonnés ; il les pousse à élargir leurs horizons de manière à voir au-delà de leur propre intérêt pour envisager celui d’autrui et de la collectivité. Si l’un utilise des récompenses et des punitions pour motiver les suiveurs, l’autre exploite le charisme et l’enthousiasme pour inspirer ses disciples. Est-ce ce qui a motivé les appelants de Monatélé le 31 octobre dernier? Pas si évident.
De façon générale, chez nous, tous les prétendus leaders pâtissent de la vision négative du pouvoir, de ses excès, de son laxisme et de sa gabegie. Bien que peu suivis par ,1e peuple dans leurs élans, ces «leaders» se lancent malgré tout dans une course effrénée vers la légitimité-crédibilité, préalable incontournable à la manifestation du leadership. Grâce à un acte de nomination, ils se croient illico presto oints de Dieu et, par conséquent, s’adressent désormais aux autres ex cathedra. Comment dès lors favoriser la cohésion entre membres d’un même groupe ou même leur développement personnel sans y susciter la méfiance ?
En dehors des appels à candidature du président de son parti et d’autres appels ou annonces tonitruantes du même acabit, genre «une guerre totale… contre… Boko Haram», quel est l’effet dirigeant du ministre Eyebe Ayissi dans le département de la Lékié ?
En tant qu’effet découlant du leadership et entendu comme impact qu’un leader peut avoir sur la performance ou l’organisation qu’il est supposé chapeauter, l’effet dirigeant dans la Lékié s’illustre plutôt depuis près de quarante ans par son suivisme naïf et sa docilité improductive, tout au moins relativement à son développement global. Malgré tout, l’on veut nous faire croire que c’est ce département, la Lékié,- où la misère galope, qui est en train, une fois de plus, de manquer de lucidité, au point d’en appeler à la candidature d’un homme qui ne pense souvent à lui que comme on pense à la cuiller (c’est un dicton du département), c’est-à-dire au moment du repas ?
Aucun projet structurant
Faudrait-il rappeler qu’en dépit de son indéfectible soutien à la politique du Renouveau, le département de la Lékié est loin d’avoir reçu l’équivalent de ce qu’il a donné. Un des pontes du régime avait pourtant proclamé que « politique na ndjangui » (la politique c’est du donnant-donnant).
Ce qu’il a reçu, c’est tout juste un ministre et un sous-ministre, de temps en temps ; un directeur général, un directeur général adjoint, par-ci par-là, ce qui ne développe guère une localité. Malgré le dynamisme de ses ressortissants et le potentiel du département, l’Etat n’y a lancé aucun projet structurant, n’y a construit aucune industrie, aucune route digne de ce nom, en dehors des deux routes nationales (numéros 1 et 4) qui le traversent fortuitement, et du reprofilage récent de l’axe Emana-Monatélé.
En fin de compte, un triste constat s’impose : sous le Renouveau, la Lékié a régressé. Pour l’illustrer, jusqu’aux années 1980-1990, de l’eau y coulait dans les robinets, l’électrification de^ villes et même de certains villages était une réalité, et le téléphone filaire était bien présent dans les bureaux et les domiciles. De nos jours, les robinets sont à sec, l’électricité illumine au petit bonheur la chance, le téléphone filaire a complètement disparu. Les villes du département reculent à vue d’œil, et les pistes qui les relient demeurent dans un piteux état.
Tenez ! Le lundi 22 octobre 2012, le Premier ministre (PM) du Cameroun d’alors, M. Yang Philemon, inaugura le pont de l’Enfance réhabilité à Elang, dans l’arrondissement de Sa’a. En fait, c’est un pont qui relie cet arrondissement à celui de Ntui, dans le Mbam-et-Kim. Pour s’y rendre, le PM et sa suite ont soigneusement évité le trajet, très court, qui passe par l’arrondissement de Sa’a, préférant emprunter carrément le double de l’itinéraire qui traverse le département du Mbam-et-lnoubou. Raison ?
La route reliant Sa’a au pont de l’Enfance ressemble depuis des décennies à une piste d’éléphants. L’inauguration de ce pont avait pourtant suscité un espoir de la part de la population de Sa’a, qui escomptait ne fût-ce qu’un nivellement de la piste qui y mène.
De surcroît, à cette occasion, lors de son allocution, M. Philemon Yang annonça « le démarrage prochain des travaux de reconstruction du tronçon de route Sa’a-pont de l’Enfance-Ntui ». Depuis lors, rien, absolument rien n’a été entamé sur cet axe pourtant si vital pour l’évacuation des produits vivriers et des billes de bois. Les autres villes du département ne sont guère mieux loties.
En revanche, avant chaque échéance électorale, le ministre Eyebe Ayissi s’illustre par son entrain à susciter des cotisations en espèces sonnantes et trébuchantes, pour voler au secours et du RDPC et de son président, sans rien exiger en retour. Un peu comme l’eau qui retourne à la source ! Cette politique de la manipulation conduit leurs meneurs à bâillonner la vérité, leur seul but étant de perdurer au pouvoir, par tous les moyens.
Et le meilleur moyen d’y parvenir est de détourner la réalité à leur avantage. Pour se servir et non servir. La Lékié nouvelle doit punir de tels «politiciens» pris en flagrant délit de tromperie, en vaccinant les populations contre leurs différentes techniques de duperie. Dans leur «motion de soutien, de déférence et d’encouragement» du 31 octobre 2021 à Mona-télé, rien, dans leurs «considérant», en termes de bilan, n’a été mentionné pour motiver ou expliquer le soutien de la Lékié, une fois de plus, à Paul Biya. Ce département n’est pourtant pas la propriété de certains apparatchiks.
Le candidat de la Lékié sur les starting-blocks pour 2025
Au crépuscule de l’actuel régime, le département de la Lékié doit se montrer plus ambitieux : on y trouve des têtes bien faites, bien pleines, bien-pensantes, des hommes et des femmes physiquement aptes à conduire le Cameroun vers de meilleurs horizons. D’aucuns, comme cet universitaire, déclament encore que «Paul Biya reste et demeure l’homme de la situation».
Soit ! Cependant, ne reste-t-il pas et ne demeure-t-il pas aussi «l’homme de la situation»… catastrophique que vit à l’heure actuelle le Cameroun ? Une situation où le vol, les détournements gigantesques de deniers publics, le népotisme, le favoritisme, le laxisme, la corruption, les injustices de toutes sortes, la gabegie, etc. ont fait leur lit ? En 20’25, il s’agira de tourner résolument la page, et la Lékié se doit dès maintenant de positionner son candidat sur les starting-blocks. Avec ou sans le RDPC.