Les Bamoun sont bien connus des ethnologues et des voyageurs. Représentant le peuple le plus méridional de l'Islam, ils sont particulièrement pittoresques. Ils habitent dans la fourche du Noun et du Mbam, sur le plateau montagneux du Nord-Ouest du Cameroun. Par leur civilisation et leur aspect physique, ils contrastent avec leurs voisins. Ils paraissent faciles à reconnaître, mais leur type anthropologique n'a pas été défini. Il présente pourtant des caractéristiques intéressantes, que nous allons essayer de mettre en évidence (mais en faisant abstraction de tout ce qui est ethnologique).
Le premier point sur lequel il faut attirer l'attention, c'est que l'on mêle indistinctement, sous le vocable de Bamoun, tous les individus parlant cette langue et habitant la région ; alors qu'on doit distinguer, d'une part, les descendants des conquérants qui organisèrent le pays, d'autre part, la masse du peuple asservie et plus ou moins assimilée. La population Bamoun est un exemple de ces tribus hétérogènes, où se mêlent le type court et trapu avec le type élancé, le faciès grossier et le faciès à traits fins.
Or le type physique qui caractérise les Bamoun et les fait reconnaître, est celui qui est venu des conquérants : car on le trouve particulièrement net dans les familles des notables, dans celle du Sultan. Nous insisterons sur ceux-ci et les opposerons au reste de la population (les villageois), afin de dégager les éléments constitutionnels du type Bamoun.
Il faut rappeler que les Bamoun se composent :
1° de conquérants venus du pays Mboum par le pays Tikar ;
2° de familles probablementBamiléké ayant accepté la domination et la civilisation des conquérants. Mais la plupart des Bami- léké refusèrent de se soumettre et émigrèrent au delà du Noun. L'histoire des Bamoun est riche en batailles avec ces Bamiléké.
Mais les familles, ou clans, asservis, se sont plus ou moins mêlés aux conquérants. Ainsi, d'après le Pasteur Martin (auquel nous d evons la majeure partie de notre documentation ethnographique, ce dont nous le remercions), les familles Mamben, Pangouet, Paménian, et d'autres encore, seraient restées pures de tout mélange avec les conquérants ; si bien qu'elles sont étiquetées «Ba- moun » à tort, car il s'agit de descendants des Bamiléké autochtones. Nous allons voir dans quelle mesure ils leur ressemblent. D'ailleurs les notables savent bien qu'il y a des <
(selon leur expression), à caractères différents de ceux des villageois et aussi des tribus voisines. Sont particulièrement caractéristiques : la haute taille,' la forme de la tête et celle du nez, auxquelles nous ajouterons quelques mots sur la main et le pied.
La taille. — Chez les « purs Bamoun », donc chez les notables, la taille est franchement grande : 177,1 cm chez les hommes, 170,1 chez les femmes. Cette stature élevée n'est pas là le fait de cette élévation de taille que l'on trouve en général chez les chefs de tribus, et dans les castes mieux nourries de tous les peuples ; car l'augmentation n'est en moyenne que de 2 ou 3 cm ; alors qu'ici elle est de 7,4 cm chez les nommes et de 9,2 cm chez les femmes.
D'où vient cette grande taille qui les distingue de toutes les populations voisines ? D'après la tradition indigène, les premiers conquérants étaient peu nombreux et de taille moyenne, presque petite. Ils n'acquirent la prépondérance que par l'habileté de leurs chefs et la division des autochtones. Quant à la haute stature des chefs actuels, elle viendrait du mariage du premier sultan, Nehara, avec une femme autochtone (Bamiléké) qui était de très grande taille. Par la suite, ce caractère fut entretenu par des mariages locaux avec des femmes de la famille de « Bama- niane », famille de taille élevée, habitant au Sud de l'actuel pays Bamoun, et actuellement considérée comme faisant partie de la population Bamoun. Nous n'avons pas pu faire de mensurations dans cette famille, qui a encore des représentants dans la famille du Sultan actuel : la mère de la première femme est une Bamaniane.
Par contre, outre nos mesures de notables, nous avons pu effectuer des sondages parmi : 1° d'autres autochtones : Manben, Pangouet, Paménian, etc. ; 2° parmi les tribus voisines des Bamoun : Tikar, Bamiléké, Babouté, Foulbé (ou Peul).
En photo: Le tableau résume nos résultats :
Du point de vue de la taille, les Bamoun (villageois et autochtones) sont à peine plus grands que les Bamiléké, Tikar et Babouté, groupe dans l'ensemble homogène. Mais la plus grande taille des Foulbé n'explique nullement celle des Bamoun notables. Bien que les contacts aient été fréquents Í guerres et mariages), nous verrons plus loin que la brachycéphalie de ceux-ci s'oppose à la dolichocéphalie de ceux-là.
Extrait du livre "Bulletins et Mémoires de la Société d'anthropologie de Paris, IX° Série. Tome 9, 1948."