Tout se déroule dans la crise anglophone comme il l'avait décrit. De la révolte, au plan de sécession, en passant par des assassinats tout azimut des civils, militaires et des sécessionnistes, des ingérences étrangères, à la consolidation du pouvoir de Biya, aucun détail n'est jusqu'alors avéré.
L'activiste Boris Bertolt appelait les anglophones il y a un an à ne pas s'aventurer sur la voie "périlleuse" de la sécession. Un post qu'il avait publié en mars 2017, soit 6 mois avant le début des répressions dans la région Sud Cameroun. Les faits lui donnent raison apparemment au regard des atrocités qui s'y déroulent.
Voici les mises en gardes de Boris Bertolt sur la crise anglophone
Chers frères anglophones, la sécession n’aura pas lieu. C’est un projet politique illusoire, démagogique et à la limite insensé. Croyez-moi, si un mouvement armé venait à naître en affichant cette ambition, c’est un casus belli. Le régime de Paul Biya se fera fort de mater dans le sang cette rébellion armée. Je puis vous assurer que les camerounais dans leur grande majorité seront tous derrière le gouvernement et les forces de défense et de sécurité. Ils accepteront une diminution des effectifs militaires dans l’ l’Extrême-Nord pour faire face à l’insurrection armée dans la zone anglophone. Nous serons à ce moment obligés de fermer les yeux sur la répression « dégâts collatéraux » au nom de la sécurité et la souveraineté nationale.
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Les pertes en vies humaines seront énormes, l’économie prendra un sérieux coup , les migrations s’accéléreront et ce sera le chaos. Au nom de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, l’Union Africaine à la limite fera des communiqués de forme pour appeler à la négociation, mais rien de plus. La Grande Bretagne qui depuis 1959 ne s’est pas beaucoup engagée pour garantir la préservation de son héritage colonial au sein de la fédération, puis de l’Etat unitaire ne fera pas grand chose. Les américains ne feront pas grand-chose non plus, très préoccupés par leur situation interne. Vous vous contenterez alors simplement, des déclarations du State Departement. Et puis rien. La France protégera le régime de Yaoundé militairement, politiquement et diplomatiquement.
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Les conséquences de votre démarche seront très graves côté francophone. Vous aurez permis à un régime affaiblit par 34 ans de gouvernance politique et un président âgé de trouver de nouvelles ressources politiques pour se maintenir au pouvoir, au nom de l’unité nationale, qu’il a lui-même torpillé. Les efforts militaires déployés par l’Etat serviront de justification pour éteindre définitivement les revendications des corporations tels que: les enseignants, les médecins, les agriculteurs, les étudiants et autres… Vous allez mettre en insécurité nos frères anglophones qui vivent et travaillent dans la zone francophone. Vous allez donner une caution politique à l’accentuation de la répression et les brutalités policières. Le Cameroun sera une fois de plus en état de belligérance avec ses restrictions, ses lois d’exception et la chasse aux sorcières. Avec ce tableau hideux, vous comprenez très bien que personne ne peut prendre le risque de vous soutenir dans cette démarche suicidaire. Ce serait irresponsable.
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Nous savons très bien qu’il existe un problème anglophone au Cameroun. Depuis octobre, les actions que vous avez entrepris : grèves des avocats, grève des enseignants, mouvement des villes mortes, manifestations de rue, s’inscrivent dans un cadre républicain. Je sais que 95% d’entre vous, n’êtes pas favorable à la sécession, mais vous devez tout faire pour mettre en minorité les extrémistes de votre mouvement. C’est, non seulement dans votre intérêt, mais également dans l’intérêt de la nation toute entière.
Dans les documents confidentiels et d’archives que j’ai rendus public récemment, vous pouvez vous rendre aisément compte qu’à aucun moment, la sécession n’a été envisagée.
Si elle n’était pas possible en 1961, ce n’est pas en 2017 qu’elle sera possible. Vous devez faire face aux réalités. Ne succombez pas à la cécité stratégique de certains de vos leaders qui n’ont pas conscience des réalités à la fois sociologiques et politiques du Cameroun. Tous les camerounais sont conscients de la crise de gouvernance dans ce pays. Ils savent qu’ils n’ont pas d’école, pas d’hôpitaux, pas de travail, des salaires de misère, pas d’électricité, ni eau courante etc. Ils savent majoritairement qu’il a un problème à la fois anglophone, mais également d’identités où les discours tribalistes pullulent régulièrement dans l’espace public. Beaucoup de camerounais, dont moi dénonçons la répression, la stigmatisation dont vous êtes victimes depuis des décades. Nous n’acceptons pas que vous soyez traités comme des camerounais de seconde zone. Vous et nous devons avoir les mêmes droits, la même justice et un traitement équitable. Laissez ces francophones zélés et arrogants qui vous méprisent, ils ne représentent rien.
Mais sachez qu’aucun camerounais rationnel en dépit de tous les problèmes que Paul Biya a pu créer ne donnera son accord pour une sécession. Au contraire, Paul Biya aura le feu vert pour garantir l’intégrité et la souveraineté du territoire. Son successeur fera la même chose. Je le dis et je le martèle depuis des mois, la bataille se situe autour de la décentralisation effective ou encore de la fédération. Pour finir en tant que partisan de l’intégration africaine, de la circulation des africains sans passeport sur toute l’étendue du continent. Acteur de la mobilité et soutien d’une défétichisation de la différence, en aucun cas je n’accepterais l’idée d’une sécession.