Selon Jean Paul Pougala, l'opération mode avion contre Orange-Cameroun et MTN Cameroun est l’épilogue d’une prédation coloniale qui continue malgré l’aide technologique de la Chine pour en soustraire le Cameroun.
"Dans la journée d’hier, 25 avril 2023, de 12 heures à 14 heures, de nombreux camerounais ont mis leur téléphone en mode Avion, pour espéraient-ils protester contre le prix exorbitant de la communication au Cameroun.
S’en est suivi un vif débat entre ceux qui ont adhéré à cette forme de protestation et ceux qui y étaient opposés.
Les pour et les contre forment les forces vive de la société civile camerounaise et appartiennent tous les deux à ce qu’on appelle en sociologie, la société civile et que moi je préfère appeler plutôt, société civile active, ou mieux, l’opinion publique active.
C’est-à-dire cette frange de la population qui croit fermement sauver l’Afrique en criant fort sa désapprobation, son mécontentement.
J’ai lu un de ces jeunes qui dit et il écrit que les bouleversements politiques en cours au Mali, au Burkina et en Guinée sont ses œuvres, ce seraient les fruits de son activisme.
Il s’agit du même état d’esprit qui anime les initiateurs de la protestation du Mode d’Avion hier au Cameroun. Ce sont les mêmes qui ont manifesté hier contre le Franc CFA, fermement convaincus que marcher, crier fort contre le Franc CFA aurait fait trembler la France, qui aurait cédé et la pousser à se retirer d’Afrique.
Là où ces activistes africains ont raison, est dans une phrase de Karl Marx qui dit :
"Les hommes font l’histoire, même s'ils ne savent pas l’histoire qu’ils font".
Et c’est cette nuance que fait Karl Marx qui nous intéresse.
Marcher, insulter la France, crier contre les gouvernements, fait l’histoire, puisqu’on aura les traces de ces mouvements dans les livres d’histoire.
Mais ce qui compte c’est quelle histoire font ces mouvements ?
Qu’est-ce que ces initiatives apportent ?
La réponse sans équivoque est : Rien !
J’ai passé des années à fréquenter et surtout à observer les intellectuels africains adeptes de l’égyptologie antique et qui étaient tous convaincus qu’à force de crier fort que leurs ancêtres venaient d’Egypte, les Occidentaux les auraient pris au sérieux, les auraient respectés, les auraient laissés libres, puisque, pensaient-ils, les bourreaux du continent africain auraient compris qu’on ne doit pas et on ne peut surtout pas tenir en captivité, les descendants des prestigieux pharaons d’Egypte.
Ils ont tous fait l’histoire, mais quelle histoire ?
Une histoire nulle, zéro, qui n’a pas fait bouger la moindre mouche sur le continent africain, tout simplement parce qu’ils étaient hors sujet. Ils n’avaient pas pris la peine de se poser la plus importante des questions : est-ce qu’un système de domination peut-il donner à ses victimes, les moyens intellectuels, matériels et humains de le contester, de le combattre et pire, de se passer de lui ?
Tous ces jeunes sortent d’une école occidentale qui enseigne un auteur allemand dans les facultés de sciences politiques qu’on appelle Junger Habermas.
Habermas dit :
“Une théorie qui entend prendre pour objet la pratique humaine dans son ensemble doit se prémunir contre toute tentation idéaliste qui la porte à négliger la confrontation avec les faits.”
Et il ajoute :
“La formation démocratique de l'opinion peut engager quiconque à un niveau d'intégration qui excède celui de l'Etat-nation.”
Dans le cas en examen, nous avons à faire à ce que Habermas appelle, la question de "la formation démocratique de l’opinion politique".
Des jeunes camerounais qui la veille, se déchiraient entre les partisans des Bamileke qui doivent quitter Yaoundé et Douala, pour rentrer chez eux et ceux qui y étaient opposés se trouvent tous, le lendemain devant la dure réalité d’un problème que les politiciens camerounais n’ont pas résolu, celui de l’état-nation, celui de répondre à la question : existe-t-il une nation camerounaise ?
Si oui, quelles sont les valeurs communes partagées par tous les camerounais, si on a voulu leur enlever la fête du 1er janvier 1960, qui est celle de la commémoration des victimes de l’oppression du même maître qu’ils contestent aujourd’hui à travers le Mode-Avion ?
Quelles sont les valeurs communes partagées par un Bassa et un Beti qui se revendiquent tous avoir des ancêtres égyptiens ?
Il n’y en a pas, parce qu’ils n’ont pas pris le temps pour comprendre que si la France a payé et continuent de payer des intellectuels camerounais pour enseigner cette légende en France, c’était uniquement pour justement faire en sorte que ces deux tribus se perdent sur la route de la recherche de la construction de leur premier Etat-Nation.
Avant la colonisation, il n’y avait pas de Cameroun. Toute la priorité de ce nouveau peuple après l’indépendance aurait dû être de construire une Nation Camerounaise, en se basant justement sur le côté Repoussoir de la colonisation. Ce n’était pas dans l’intérêt de la France que le Beti et le Kirdi s’unissent sur la base de la souffrance coloniale.
Alors, on les a divisés avec la religion et là où il restait des résidus de résistance, on leur a offert et gratuitement comme pour Jésus, l’Egypte antique. Qui refuserait de découvrir un matin qu’il a des origines nobles d’un peuple qui a fait l’histoire ?
Et nous agrippant à l’Egypte, on a détruit les vestiges de la colonisation, on a laissé mourir les témoins oculaires des massacres de la colonisation allemande, française et britannique. On a oublié d’utiliser ce seul collant qui unit les Camerounais pour construire l’Etat-Nation.
Et puis un jour, on s’est trouvé devant un duo Orange + MTN qui toutes les deux sont déjà inscrites dans une logique de bataille, au-delà de la Nation.
Cela veut dire qu’on s’est retrouvé avec deux entreprises européennes qui avaient deux longueurs d’avance sur les camerounais qui n’ayant pas appris à faire foule autour d’un idéal commun, se retrouvent à s’agiter, sans idéologie de résistance, en face des gens qui ne viennent en Afrique qu’à travers une idéologie de domination.
Orange et MTN sont deux entreprises, une française et l’autre britannique avec son siège africain en Afrique du Sud. Les deux ont le même passé colonialiste et sont dans une continuité de domination c’est-à-dire de cohérence depuis plusieurs siècles.
En face d’eux, on trouve des africains que l’éducation coloniale a formés à ne pas savoir comment faire foule, justement pour ne pas être un danger pour les bonnes affaires de Orange et MTN.
Ce sont deux multinationales qui s’entendent sur un intérêt commun : soutirer le plus d’argent possible des Camerounais. En face d’eux, des individus, des Camerounais dont la formation démocratique de leur opinion aurait dû pour affronter MTN et Oranger, dépasser le niveau de la Nation.
Le problème est qu’ils ne sont même pas encore arrivés au niveau de la Nation. Comment pouvez-vous dépasser une borne que vous ne visez même pas dans votre course ?
On ne peut pas en même temps se perdre dans les considérations tribales et le lendemain, dépasser la Nation, qu’on n’a pas voulu construire la veille.
On ne peut pas céder au piège colonial de rechercher un collant au-dessus de la Nation, dans un pseudo passé égyptien et solidifier la Nation qui est le premier rempart contre les Multinationales qui elles, partent de leurs Nations en Europe, pour dépasser le concept de Nation et donc, prendre une avance stratégique et idéologique sur nous tous.
Et c’est bien à ce résultat de nullité qu’on retrouve dans toutes les actions que mènent les africains aujourd’hui, notamment sur le Franc CFA, comme dans d’autres domaines, lorsque leurs politiciens foulent aux pieds leurs droits naturels les plus élémentaires.
Beaucoup d’intellectuels publient dans leurs paramètres de lutte, le fait que les pays africains ne sont que de simples enclos coloniaux qui sont gérés par les africains eux-mêmes comme tels.
Ils croient en bonne foi ce que l’occident leur a enseigné, que l’esclavage et la colonisation étaient un incident dans une longue période d’histoire soi-disant glorieuse du continent. Ce qui est faux naturellement. Il n’y a jamais eu de passé glorieux du continent africain.
Et il n’y aura pas d’avenir glorieux si on ne met pas comme priorité, la lutte contre les chaines de l’oppression qui sont aujourd’hui solidifiées par les prix exorbitants de l’accès des Camerounais à internet.
L’éducation coloniale a été programmée afin que les récipiendaires en sortent avec une incapacité à comprendre les problèmes avant de chercher de les résoudre. Ils arrivent tous à la conclusion de Habermas de « négliger la confrontation avec les faits ».
Ce n’est pas un hasard si ceux qui passent leur temps à clamer que les Africains viennent d’Egypte sont les mêmes qui disent que Pougala veut une colonisation chinoise alors que l’Afrique doit et peut s’en sortir toute seule, disent-ils.
Il s’agit bien entendu d’une narration et d’un vocabulaire savamment étudiés par les colons européens, pour empêcher l’Afrique d’avoir la moindre aide pour mettre à mal la domination européenne de l’Afrique.
Comment l’Afrique peut-elle faire pour s’en sortir toute seule devant des mastodontes européens qui n’ont pour seul but que de continuer la tutelle colonialiste qui dure depuis des siècles.
Le cas en examen aujourd’hui est emblématique du problème que pose Habermas :
« Négliger la confrontation avec les faits ».
Comment l’Afrique peut-elle s’en sortir toute seule dans la confrontation des faits ? C’est juste impossible. Si elle n’y est pas parvenue en 5 siècles, pourquoi et comment y parviendrait-elle aujourd’hui ? Juste parce que des agités passent plus de temps sur les réseaux sociaux à publier plus de vidéos aux contenus plus que discutables ?
Prenons juste l’exemple de Camtel et Orange.
Au Cameroun, c’est Camtel qui est fournisseur de Orange et de MTN.
Beaucoup de Camerounais s’étonnent du fait que Camtel ne soit pas en mesure de concurrencer ses deux clients MTN et Orange.
J’ai même lu certains prétendre qu’il aurait suffi que 1 million de camerounais cotisent 100.000 Fcfa chacun pour trouver l’argent et marginaliser Orange.
Ce que ces camerounais ne savent pas est que les politiciens camerounais les ont écoutés et pour éviter que le Cameroun devienne comme ils racontent tous les jours, « une colonie chinoise », ils ont confié la suite des services de téléphonie mobile à la France, excluant de fait China Unicom qui était supposée assumer un tel service.
Ainsi faisant, ils ont commis l’erreur de Habermas :
« Négliger la confrontation avec les faits » !
C’est vrai que Orange dépend de Camtel pour la connexion à internet au Cameroun, mais dans les faits, Camtel n’a aucun poids face à Orange, parce que cette dernière est propriétaire de ses propres câbles sous-marins de connexion à internet. Un pays comme la Guinée n’est connecté à internet que grâce exclusivement aux câbles sous-marins de Orange".