Actualités of Wednesday, 4 October 2023

Source: www.camerounweb.com

Au Cameroun, un insecte sauve les lamantins et les pêcheurs, selon le grand journal français le Monde

Image illustrative crédit photo Le Monde Image illustrative crédit photo Le Monde

Sadam Ekwalla, âgé de 33 ans, est un pêcheur qui connaît à la fois la fatigue et la satisfaction. Avec un large sourire aux lèvres, il amarre sa petite pirogue en bois au bord du lac Ossa, à Dizangué, dans l'ouest du Cameroun. Parti à 4 heures du matin, il revient après plus de six heures de navigation avec une récolte fructueuse de carpes roses, dont une partie sera vendue et le reste servira à sa famille. Il se remémore les années difficiles où la pêche était devenue impossible en raison de l'invasion de la Salvinia, une plante aquatique envahissante. Le lac ressemblait alors à un terrain de football recouvert de cette plante maudite, privant les pêcheurs de leur gagne-pain. Aujourd'hui, une partie de cette menace a été éradiquée. C’est ce que révèle le journal le Monde dans un reportage bien riche effectue au Cameroun.

Le journal le Monde indique que selon Sadam Ekwalla et huit autres pêcheurs interrogés par Le Monde, le problème a commencé vers 2016-2017 lorsque la Salvinia molesta, une fougère aquatique invasive, a fait son apparition sur le lac Ossa. Cette fougère se multiplie à une vitesse impressionnante, doublant de taille tous les huit à dix jours. Le lac abrite des lamantins d'Afrique, une espèce marine classée comme "vulnérable" sur la liste des espèces en danger de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Ernest Djocky, 53 ans, toujours cité par le Journal le Monde, témoigne des ravages causés par la Salvinia : "Nous jetions nos filets et en quelques heures, la plante avait tout englouti. J'ai perdu deux filets, ce qui représente près de 200 000 francs CFA [300 euros]. Nous ne pouvions même plus voir les lamantins. Certains pêcheurs ont quitté la région à la recherche de nouveaux sites, tandis que d'autres, comme Sadam Ekwalla, ont changé de métier pour devenir moto-taxi ou se sont tournés vers l'agriculture.

Les villages riverains du lac ont organisé des journées de nettoyage pour tenter de se débarrasser de cette plante qu'ils ont surnommée "Boko Haram", "Satan 2" ou "Diable". Cependant, la Salvinia a rapidement repris le dessus, couvrant jusqu'à 50 % de la surface du lac. C'est alors qu'intervient un insecte appelé charançon, surnommé affectueusement le "charançon du docteur Aristide".

Face à la prolifération de la fougère, Aristide Takoukam Kamla, biologiste marin et fondateur de l'ONG African Marine Mammal Conservation Organisation (Ammco), a décidé d'agir en 2019. Après avoir obtenu son doctorat aux États-Unis, où il a étudié le lamantin d'Afrique, il a constaté que la Salvinia se développait en raison de l'enrichissement du lac en azote et en phosphore. Il a alors entrepris de lutter contre cette plante envahissante en utilisant des charançons qui se nourrissent de la Salvinia.

En 2021, précise le Monde, les premiers résultats positifs sont apparus. La Salvinia a commencé à changer de couleur et à disparaître de la surface de l'eau sous l'effet des charançons. Grâce à cette méthode de lutte biologique, la couverture de la Salvinia est passée de 50 % en 2021 à près de 15 % aujourd'hui, permettant ainsi la reprise de la pêche et la visibilité accrue des lamantins dans le lac.

Cependant, pointe le Monde, la bataille n'est pas encore gagnée, car la Salvinia a créé un environnement propice à une autre plante invasive, la Rhynchospora racemosa. Cette lutte nécessite des ressources financières et matérielles importantes. En attendant, il est urgent de déterminer les causes de l'enrichissement en azote et en phosphore de l'eau provenant de la Sanaga, le plus long fleuve du Cameroun.

Les habitants des villages riverains espèrent désormais que la Salvinia disparaîtra définitivement, car cette plante a eu des conséquences dévastatrices sur leurs moyens de subsistance. Cependant, avec la reprise de la pêche, les défenseurs de l'environnement craignent désormais un autre fléau : la reprise du braconnage des lamantins.