L'ouverture de la loterie pour la carte verte (green card) aux États-Unis a une nouvelle fois changé le quotidien de César. Un jeune étudiant camerounais en masters 2, biochimie à l'université de Yaoundé 1.
Muni d'un appareil photo numérique, laptop sur les genoux, César inscrit en ligne pour la troisième année consécutive, ceux qui rêvent de séjourner aux Etats-Unis en remportant la loterie du Départment d'Etat.
Pas besoin d'un bureau pour le faire. C'est en plein air qu'il reçoit à un rythme effréné les "clients". Ses services coûtent 1.000 FCFA par personne.
"Je cherche naturellement de l'argent en aidant les personnes à s'inscrire. Je leur fais aussi des photos numériques sur place. Cependant, tous ne remplissent pas les conditions. Par exemple, le niveau scolaire requis ou la maîtrise de l'anglais. Mais ces gens n'ont qu'un seul objectif, aller aux Etats-Unis", reconnait-il.
César n'a jamais participé lui-même à la loterie américaine. "J'ai mes projets au Cameroun," nous confie-t-il.
Pour aguicher ses clients, il a déroulé une banderole sur laquelle, il prétend avoir inscrits avec succès 61 demandeurs de la carte verte américaine entre 2015 et 2017. Ce qui n’est peut-être qu’une pure stratégie marketing en somme, surtout que, nous sommes en zone universitaire.
Au lieu-dit Cradat, la loterie américaine inaugure toujours une période de vaches grasses pour les propriétaires des cybers café conventionnels.
" Avant le 3 octobre à 18h TU, nous avions d'abord enregistré, un grand nombre de personnes venues se pré-inscrire. Et, dès l'ouverture des inscriptions, tous nos ordinateurs étaient occupés", déclare Franck, un gérant d'un cyber café, situé à l'entrée principale de l'université de Yaoundé 1.
Le rêve américain au bout de la chance attire en milieu universitaire. Les jeunes étudiants surtout, sans oublier de nombreux sans-emplois.
"Je suis titulaire d'un doctorat, mais je n'ai toujours pas de travail. Les conditions au Cameroun ne sont pas favorables pour les jeunes, c'est pour cela que je joue à la loterie américaine," se défend une jeune dame qui vient de se faire enregistrer en ligne.
"Aller aux Etats-Unis, c'est mon rêve. Actuellement, je suis étudiant, mais si je suis retenu, j'irai m'adapter au système américain et mieux, continuer ma formation. J'ai des amis qui sont passés par là et sont épanouis aujourd'hui, " soutient Charles, un étudiant camerounais rencontré dans un cybercafé du quartier Cradat.
Certes la green card américaine a déjà fait des heureux dans plusieurs familles camerounaise, elle est cependant loin de faire l'unanimité, même en milieu universitaire.
" Je ne peux pas jouer à la loterie américaine. Etre immigré est un statut péjoratif," avance une étudiante. Pour elle, " si tu es paresseux au Cameroun, tu le seras aussi aux États-Unis ".
Une autre étudiante est plutôt convaincue que " les réalités qu'on dit fuir au Cameroun se retrouvent aussi aux Etats-Unis. Il faut tout explorer chez soi avant de vouloir partir ".
Le 29 septembre 2017, l'ambassade des États-Unis au Cameroun, annonçait déjà, une communication spéciale via sa page Facebook, sur la loterie américaine. Le vice-consul, Éric Elliott, devait répondre en direct aux questions des internautes.
Mais, en lieu et place de ce direct, il est loisible d'écouter sur la page Facebook de l'ambassade, un extrait d'une interview qu'Éric Elliott, a accordé à la radio nationale en prélude à l'ouverture des inscriptions pour la green card 2019. Il met en garde les Camerounais contre les arnaqueurs.
Une mise en garde qui n'atténue pas les appréhensions d’Amely James Koh Bela experte consultante en questions de migration. Elle s'insurge contre le phénomène d'immigration qu'il soit régulier ou pas.
" Pour partir du Cameroun en pareilles circonstances, il faut débourser entre 3 et 7 millions de francs CFA. Les candidats à cette immigration vendent tout ce qu'ils possédaient afin de réunir ces sommes. Parfois, c'est un terrain qu'un parent va vendre, un crédit qu'il va contracter dans le seul but de faire voyager la personne, " décrie Mme Bela.
C'est un mauvais signe pour la jeunesse camerounaise, mais aussi "un appel aux pouvoirs publics à répondre aux besoins des jeunes," avertit la consultante en questions de migration.
"Pourquoi n'y a-t-il pas d’affiches qui annoncent aux jeunes camerounais la disponibilité des financements pour leurs projets?" s'interroge Mme Bela.
Elle conclut que "les jeunes Camerounais sont des dormeurs, ils sont sur internet, ils ne pensent qu'à partir, parfois pour faire des tâches ingrates".
Combien sont prêts à arrêter l'aventure américaine ? Jusqu'au 7 novembre prochain, date de clôture des inscriptions, de milliers de jeunes Camerounais ne vont certainement pas abandonner leur rêve.