Le ministre des Domaines, du cadastre et des affaires foncières (MINDCAF) a retiré 90 titres fonciers dans le département du Nkam au mépris de certaines décisions du tribunal administratif du Littoral.
L’affaire fait des vagues. Elle alimente des conversations dans les chaumières et fait des gorges chaudes, depuis qu’elle tourne en boucle sur les réseaux sociaux numériques. La décision du ministre des Domaines, du cadastre et des affaires foncières (MINDCAF) du 22 mars 2023, parvenue à la délégation départementale du MINDCAF du Nkam le 26 avril 2023, portant retrait des titres fonciers ; en l’occurrence 90, est diversement appréciée.
Pour cerner les mobiles de l’acte ministériel, il faut aller fouiller une correspondance que le ministre Henri Eyebe Ayissi a faite au délégué départemental du MINDCAF pour le Nkam. De cette correspondance, il ressort que le ministre Henri Eyebe Ayissi, donnait une suite à la requête du chef supérieur du canton Wouri Bwelé, en tenant compte des conclusions du rapport technique du conservateur foncier du Nkam.
Ipso facto, ce retrait proclame l’annulation de tous les droits de propriété associés à ces terrains. Par conséquents, les détenteurs de ces titres fonciers se retrouvent ainsi privés de leurs droits sur les terrains concernés. En outre, parmi eux, beaucoup ont hypothéqué leur titre en banques, au point où celles-ci vont subir de gros préjudices comme la difficulté à recouvrer les prêts bancaires mis à disposition d’une clientèle empêtrée dans des litiges fonciers. Même si, au demeurant, selon ces sources dignes de foi au MINDCAF, « cette mesure vise à lutter contre la fraude foncière et à garantir une meilleure gestion des terres dans le département du Nkam». Ce mobile à lui seul, suffit-il, pour mettre sous l’éteignoir des décisions de justices, prononcés par le tribunal administratif du Littoral en rapport avec des querelles foncières dans le Nkam ? Assurément non !
Irrecevable
Pour illustrer cette posture, le Grand Reporter du journal Le Messager a pu entrer en possession des copies de trois grosses, notamment des extraits des minutes du greffe du Tribunal administratif du Littoral. Primo, une grosse portant recours n°101/RG/FD/19 du 26 avril 2019, dans l’affaire dite «Homba Priso Paul» contre Etat du Cameroun (MINDCAF). La nature de l’affaire porte sur «l’annulation du titre foncier 1050/NK du 12 /11/2019 établi u profit de dame Engome Lembe Thérèse Viviane.
Ce titre foncier fait partie intégrante des 90 retirés par le MINDCAF. En rappel, par requête au greffe sous le n°552, sieur Homba Priso Paul, demeurant à Douala, ayant pour conseil, Me Félix Remy Elundu, avocat au Barreau du Cameroun, a saisi cette juridiction d’un recours contentieux aux fins d’annulation du titre foncier n°1050/NK établi le 12 novembre 2013, au profit de dame Engome Lembe Thérèse Viviane. Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard du requérant, par défaut contre l’Etat du Cameroun, en matière foncière et domaniale, en premier et dernier ressort et à l’unanimité des voix des membres du collège, décide : «le recours contentieux introduit par sieur Homba Priso Paul est irrecevable ». Cette décision date du 24 décembre 2022. Secundo, le recours n°100/RG/FD/19 du 26 avril 2019, pour l’affaire mettant aux prises, Ngangteng Jean Baptiste contre Etat du Cameroun (MINDCAF).
La nature de l’affaire porte sur «l’annulation des titres fonciers n°1044.NK et 787/NK respectivement établis au profit de Ngambi Martin et Bango Jean. Par requête enregistrée au greffe du Tribunal administratif de céans, sieur Ngangteng Jean Baptiste a saisi le cette juridiction d’un recours en annulation, le 18 avril 2019, des titres fonciers susmentionnés. Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard du requérant, défaut contre l’Etat du Cameroun en matière foncière et domaniale, en premier et dernier ressort, à l’unanimité des voix des membres de la collégialité, décide : «le recours introduit par Ngangteng Jean Baptiste est irrecevable ». La décision date du 3 décembre 2020.
Notifications
Tertio, le recours n°255/RG/FD/16 du 20 décembre 2016, pour l’affaire opposant «La Collectivité Diwom représentée par Sa Majesté Nyame Raymond et autres, avec pour conseil Me Sandrine Soppo, contre l’Etat du Cameroun. La nature de l’affaire porte sur «l’annulation des titres fonciers illégalement établis sur les terres de collectivité Diwom, arrondissement de Yabassi». Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière foncière et domaniale, en premier et dernier ressort, à l’unanimité des voix des membres du collège, décide : «il est donné acte à la collectivité requérante de son désistement et à l’Etat du Cameroun (MINDCAF) de son acceptation».
Autant de décisions de Justice superbement ignorées du MINDCAF. Contacté, le responsable de la Cellule de communication du MINDCAF explique. «Lorsque des dossiers sont déposés sur la table du MINDCAF, il statue en l’état, conformément à la réglementation ou la législation. L’usager a la possibilité de faire des recours gracieux pour permettre des rectifications s’il y a eu des omissions, des erreurs ou autres irrégularités. Le principe du contradictoire est de mise dans les procédures contentieuses engageant le MINDCAF». En plus, les décisions du tribunal administratif ne sont pas connues du MINDCAF, qui selon des sources, n’a pas reçu des notifications. Ici, on évoque des lenteurs et lourdeurs administratives qui font qu’au moment où Le Messager mène ses investigations, aucune notification des décisions du tribunal administratif, n’ait été enregistrée dans ce département ministériel.