Depuis hier, la langue utilisée dans les tribunaux de Bamenda est l'anglais. Comme l'ont exigé, avec menaces à l'appui, les avocats de la partie anglophone du Cameroun. Une grande première.
Les avocats de cette région s’étaient donné la journée du 17 mars 2015 pour voir si les plaidoyers dans les tribunaux du ressort du parquet général allaient se faire encore en français. Eh bien ! Non, nous dit Me Robert Nso, président de Nowela (Northwest Lawyers Association), l’association des avocats de la région.
«Depuis ce matin (18 mars 2015, ndlr) les plaidoyers du jour sont en anglais et même les magistrats ont présidé les audiences en anglais». Il s’agit de la principale résolution des réunions entre le procureur général, le président de la cours d’appel du Nord-Ouest et le bâtonnier de l’ordre des avocats du Cameroun, Me Francis Jackson Ngnie Kamga qu’accompagnait le président de l’Assemblée générale, Me Nico Halle, par ailleurs élite et porte parole des Fon du Nord-Ouest.
Dans l’après-midi de cette journée du mardi, Me Ngnie Kamga et Me Nico Halle ont réuni ces avocats dans un hôtel de la place pour le compte rendu de leurs entretiens avec Procureur général et le président de la cours d’appel.
Avant de passer la parole au porte-parole de l’Ordre, Le nouveau bâtonnier a tenu a remercié ses collègues du nord-ouest qui l’ont porté à la tête de l’Ordre des avocats du Cameroun. Il a placé comme priorités de son mandat : la «recherche des solutions concrètes aux problèmes des avocats», en mettant notamment l’accent sur la restauration de la dignité des membres de la corporation, ainsi que la qualité du travail dans les Palais de justice. L’Ordre en lui-même doit retrouver la parole dans la société civile, a estimé Me Ngnie Kamga.
L’on retiendra que ces échanges ont été fructueux, et vont s’implémenter à cours et à long terme. Pour la solution à cours terme, «les magistrats du ressort de la Cours d’appel du Nord-Ouest, tous des francophones, se sont donné un délai de 06 mois pour bien apprendre l’anglais, mais entre-temps, ils vont se débrouiller avec cette langue», précise Me Nzoh Divine Mbokeh, porte-parole de l’Ordre des avocats du Cameroun. Pour ce qui est de la solution à long terme, le porte-parole du Conseil de l’Ordre souligne qu’un mémorandum sera adressé au ministre de la justice pour corriger ces manquements.
Me Robert Nso ajoute qu’«il faudra que les magistrats envoyés dans toutes les régions du Cameroun s’expriment plus ou moins bien dans une deuxième langue officielle, en dehors de sa première langue parlée.»
Ntumfor Nico Halle, apôtre de la paix
Prenant la parole, le président de l’AG de l’Ordre des Avocats, va exhorter ses frères et sœurs avocats à suivre la voix de la paix et du dialogue pour venir à bout de ce problème. «Nous ne sommes pas là pour la Common Law ou civil Law, mais parce que vous avez un problème ; ce n’est pas le problème qui compte, mais la manière dont nous posons notre problème ; les autorités du parquet général se sont montrées coopératives ; c’est par le dialogue qu’on aura de bon résultat, car la confrontation n’a jamais produit de meilleurs résultats.
Dans les jours à venir, les problèmes que vous avez posés vont avoir des solutions définitives », Me Nico Halle. Présent également à cette réunion, l’ancien bâtonnier, Me Sama Francis et le bâtonnier émérite, Luke Sendze. Ce dernier, tout en louant cette initiative qui va renforcer la cohésion entre les avocats, exhorte ses jeunes confrères dans la profession à se battre pour un Cameroun meilleur.
Pour rappel, les avocats du Nord-Ouest, regroupés au sein de la Nowela (Northwest Lawyers Association) avaient adressé une correspondance le 20 février dernier au président de la cour d’appel du Nord-Ouest. Dans cette correspondance, les avocats s’insurgeaient contre la langue française, utilisée par le parquet général dans l’une de ses conclusions soumise à un avocat le 17 février.
En fait, ils estiment que l’anglais est et doit demeurer la seule langue utilisée dans les tribunaux du ressort de la cour d’appel du Nord-Ouest. Dans une interview accordée par le patron du parquet, Marcel Oyono Abah, le nouveau procureur général près la cour d’appel du Nord-Ouest, «le tribunal n’est pas un forum politique dont les politiciens peuvent se servir pour faire leurs pétitions par exemple (seule la langue anglaise doit être utilisée devant cette cour)».
Selon lui, c’est anticonstitutionnel dans un pays bilingue comme le nôtre, d’imposer une seule langue, l’anglais en l’occurrence dans les tribunaux et Cour d’appel du Nord-Ouest.
© La Nouvelle Expression : Frédéric Takang