Actualités of Wednesday, 29 June 2022

Source: Le Zenith N°404

Barrage de Memve’ele : les membres de la commission d'indemnisation aux portes de la prison

Barrage de Memve'ele Barrage de Memve'ele

De faramineuses sommes d’argent, selon certaines sources, seraient indûment sorties des caisses publiques pour tomber dans les escarcelles des personnes chargées de cette opération, suite à certaines manœuvres consistant, entre autres, à ajouter dans les listes de bénéficiaires des arrondissements de Ma’an et Ambam, des noms fictifs. Le Sed interpellé.


Depuis le 06 juin dernier, les populations d’Ambam et de Ma’an victimes des pertes des droits fonciers ou destruction des cultures inhérentes aux travaux de construction du barrage hydroélectrique de Memvé’ele, se frottent les mains. En effet, à partir de cette date, elles reçoivent par vagues, leurs indemnisations octroyées par l’Etat. Toutefois, si ces moments appellent à la joie et la satisfaction, surtout pour les bénéficiaires qui n’ont pas été roulés dans la farine, comme cela est souvent vécu dans certaines localités, il est à noter tout de même que les voix s’élèvent de plus en plus pour dénoncer dans les arrondissements d’Ambam et Ma’an, les manœuvres savamment orchestrées par les membres de la commission chargée de cette opération pour se faire de petites fortunes sur le dos de l’Etat. Toute chose qui fait dire que ce processus d’indemnisations a gravement, selon les mêmes sources, été entaché.
En effet, d’après des informations glanées ici et là, les membres de la commission se seraient fait un bon bas de laine en essorant illicitement les caisses de l’État. Parmi les ma- nœuvres adoptées pour arriver à leur sinistre fin, on évoque l’ajout des noms de personnes fictives sur les listes de bénéficiaires de la quasi- totalité des villages concernés. « J’ai été contraint de signer plus de fiches dans mon village, par rapport aux noms qui figuraient sur les listes Whatsapp, que cette commission avait envoyées. Quand je me suis rendu à l’évidence qu’il se passait déjà le faux, j’ai inter- pellé l’un des membres de la commission qui a fait semblant de ne pas reconnaître ce que je suis en train de dire ; puis je suis allé signaler à son rapporteur. Et… Ce dernier m’a demandé de signer et de ranger les fiches en deux lots : ceux portant les noms de ma communauté d’un côté et, de l’autre côté, ceux qui ne me semblaient pas familiers », indique un ressortissant du village Oveng-Essakoran, sous le sceau de l’anonymat.

Personnes fictives

A en croire ces sources, de longues listes comportant des noms des personnes fictives portant l’estampille du Premier ministère pour faire perdre à l’Etat plusieurs millions de Fcfa. Et selon elles, hormis le faux observé par rapport au nombre de bénéficiaires sur les listes, il y a eu également au niveau des signatures. « De plus, j’ai remarqué que, certains chefs de village qui arrivaient avec un petit retard trouvaient que les membres de cette commission signaient les fiches à leur place. » Et, par ailleurs, soutiennent des sources diverses et concordantes, le fait de vouloir mieux comprendre ce qui se passait en posant des questions aux membres de cette commission soulevait leur ire. « Lorsque j’ai demandé qu’on me remette les fiches dont les noms inscrits n’étaient pas ceux de ma commu nauté afin de retirer ma signature, il m’a demandé de déposer une lettre d’opposition ce, tout en me disant que les fiches appartiennent à Edc et qu’il ne pouvait pas me les remettre.» Ces faits qui, s’ils se révèlent vrais, sont assez grave au moment où l’État du Cameroun, financière- ment à genoux, fait des pieds et de mains pour répondre à certaines obligations, commencent à faire monter la fièvre dans les populations des arrondissements du Sud concernés par les indemnisations liées à la construction du barrage hydroélectrique de Memve’ele. Comment, peut-on se demander, malgré la lutte que mène le gouvernement avec acharnement contre les pratiques de corruption et de détournements, certains Camerounais, sans sourciller et sans scrupules, peuvent-ils encore se lancer dans une entreprise criminelle consistant à eux seuls, à prendre illicitement des millions voire des milliards à l’Etat pour s’enrichir à tire-larigot et ce, en utilisant le filon des indemnisations des populations ? On parle aujourd’hui, même si les autorités de Ma’an continuent à retenir l’information par rapport au nombre de villages à indemniser, de quatorze à Ambam où ces pratiques auraient été mises à nu. D’ailleurs, nous renseigne-t-on, l’échec de la première tentative d’indemnisation qui était prévue du 27 mai au 4 juin dernier se justifierait par la multiplication de requêtes à étudier.


Cadre de la police

« Au lieu de 9 fiches en dehors de celle qui avait un nom mal écrit, je me suis retrouvé en train de signer plus de 20 fiches. Ce qui n’est pas tout à fait juste. Avec un tel écart, on se retrouve dans les calculs avec un peu plus de 3 800 000 mille francs. Imaginons maintenant qu’on multiplie cette somme seulement par les quatorze villages comme c’est le cas dans notre arrondissement» , se gendarme une source après avoir cherché en vain à obtenir les explications de la commission. Aux dernières nouvelles d’ailleurs, celle-ci aurait une fois de plus saisi, le 16 juin 2022, le commissaire principal du département de la Vallée du Ntem. De ce haut cadre de la police, le plaignant attendait du soutien pour oblitérer sa signature sur les fiches portant des noms fictifs des bénéfi ciaires de ces indemnisations.
Selon nos sources, cette sollicitation ne relevant pas de la compétence de la police, une plainte lui sera rédigée dans l’optique d’engager l’ouverture d’une enquête. « Je suis le représentant du chef du village Oveng –Essakoran. Je viens ici pour dénoncer le faux et l’usage de faux observés lors des indemnisations (sic).» disait-il. Et de poursuivre : « Je vais, dans les prochains jours, monter pour déposer une requête au Sed (Secrétariat d’État à la Défense (Ndlr)) et à la Primature pour que nul n’ignore ce qui se passe avec la commission chargée des indemnisations. (resic) » Cette plainte malheureusement dont nous avons pris connaissance, sans permission de la conserver par rapport à certaines raisons de confidentialité.

Un micmac

A tout prendre, sur la base des cal- culs, l’opération d’arithmétique qui porte sur la multiplication de la somme de 3 800 000 par 14, le nombre de villages d’Ambam, nous donne en termes de résultat le montant de 53 200 000 francs Cfa, ceci en excluant les villages de l’arrondissement de Ma’an où le premier jeu mafieux se serait passé. Argent qui aurait été escroqué à l’Etat et que s’apprêteraient à se partager les membres de la commission des indemnisations des populations d’Ambam et de Ma’an. Il faut souligner que dans ce micmac, certaines populations ne manquent pas de pointer un doigt accusateur sur les autorités qu’elles cataloguent de complicité. Déjà, on est prompt à se demander qu’au cas où est démantelé ce réseau de faux, où ira l’argent, si jamais il n’est pas encore dilapidé, sorti en plus des caisses de l’Etat ?
Nonobstant cette situation confuse, des sources multiples soutiennent mordicus qu’on pourrait, dans les jours à venir, continuer avec le paiement de ces indemnisations, pour en finir. « Nous espérons que les dégâts de la route seront régularisés d’ici la fin du mois de juillet ou alors mi-août » , indique une source ayant requis l’anonymat. Ainsi, commente-t-elle : « au lieu de 53 200 000 francs à perdre par l’Etat par rapport à cette opération, cette somme pourrait être multipliée par 5, puisque presque tous les villageois habitant à proximité de la route sont concernés » . In fine, comme en 2019 lors des indemnisations liées à la basse tension émaillées d’astronomiques vols, si rien n’est entrepris pour faire pièce à ce plan échafaudé par des architectes de détournements des fonds publics, l’État pourrait encore se trouver à perdre plusieurs milliards de Fcfa. A suivre.