Actualités of Wednesday, 3 February 2016

Source: Sans Détour

Basile Louka condamne l'intervention militaire des USA

Basile Louka Basile Louka

En présentant ses vœux à la presse à Bafoussam le 15 janvier dernier, le Secrétaire général de l’une des factions de l’UPC a fait des déclarations détonantes qui ont surpris autant l’auditoire que nombre d’observateurs, sur deux sujets fort préoccupants : l’alternance au pouvoir et la présence militaire américaine au nord Cameroun dans la cadre de la lutte contre Boko Haram.

«Avez-vous entendu que l’UPC a dit qu’elle n’était pas d’accord avec l’installation d’une base militaire américaine à Garoua sous le couvert de la lutte contre Boko Haram ? Le président de l’UPC, Victor Onana ici présent, l’a dit lors du comité Directeur tenu le 5 décembre 2015 à Edéa.

Le Secrétaire général Louka Basile a appuyé cette condamnation en rappelant qu’elle était conforme au mandat que l’UPC s’est donné dans la dénonciation de tout ce qui était contraire aux intérêts du Cameroun. Tout le monde voit le danger de cette présence militaire américaine au Cameroun, mais l’UPC est la seule à dénoncer parce que les autres sont dans des calculs. Les autres se taisent parce qu’ils guettent les soutiens, qui des Américains, qui des Français, ou de leurs alliés, dans la perspective du 2018 ».

Un discours dissonant qui a résonné dans quelques oreilles délicates comme une subversion à l’union sacrée que les camerounais dans leur ensemble ont scellée dans la lutte contre Boko Haram. Qui plus est, émanant d’un parti politique présenté souvent comme un allié du Rdpc, depuis les accords passés entre feu Augustin Fréderic kodock et le pouvoir de Yaoundé. En tout cas, ce discours du Secrétaire général de l’UPC tranche net avec l’alignement quasi-obsessionnelle des camerounais de tous bords sur la position du Chef de l’Etat dans la lutte contre la nébuleuse secte islamiste.

Même les opposants les plus radicaux au régime de Biya n’ont jamais franchi ce rubicond, Fru Ndi et Ndam Njoya par exemples s’étant bornés à regretter que le Chef de l’Etat n’ait pas eu à consulter la représentation nationale pour décider de cette intervention américaine en terre camerounaise. Et ceux qui savent décrypter au-delà des lignes, de s’interroger sur les desseins et enjeux cachés de cette sortie.

En évoquant les éventuels soutiens des opposants qui se murent derrière le silence au sujet de cette intervention américaine et notamment la France et les Etats unis, Basile Louka aurait-il voulu dissimuler les siens propres ? La prise de virage langagière de ce Secrétaire général de l’UPC intervient dans un contexte marqué par le regain de rivalité larvée Est-ouest, au moment où une certaine opinion estime que les Etats unis et l’Arabie saoudite ont orchestré la chute du prix du pétrole pour affaiblir la Russie.

Suffisant pour comprendre, même sans les justifier, les prises de position contre les Etats unis. Et à l’UPC, beaucoup se rappellent que, comme bon nombre de ses camarades d’aujourd’hui, Basile Louka est originellement d’obédience « manidemiste », donc pro communiste, ce qui le rapproche de la Russie qu’il n’évoque pas dans sa communication. Et dire que cette sortie surprenante intervient après le message à la nation du Chef de l’Etat le 31 décembre 2015, dans lequel Paul Biya a clairement magnifié, pour s’en féliciter, l’intervention militaire américaine au Cameroun.

Crise de légitimité

Pour des analystes plus futés, cette position de Basile Louka épouse les contours d’un véritable pied de nez lorsqu’on évoque l’autre pan de ses attentes pour 2016 exprimées auprès de la presse, à savoir l’alternance. Si beaucoup d’observateurs lui reconnaissent le mérite de sortir le sujet du tabou dans lequel certains voudraient le plonger, en revanche, ils ne s’en expliquent pas l’obstination de la part d’un allié. « Le changement dans la paix (…) La presse camerounaise en rend pas suffisamment justice à l’UPC en oubliant de dire qu’elle a la paternité de cette thématique depuis au moins le 14 juillet 2012 lors de son comité Directeur dans la région du Sud-ouest.

Ce jour-là, la direction de l’UPC par la voix de Louka Basile, son président d’alors, avait appelé les « pays amis » du Cameroun à pousser le régime à discuter dès maintenant avec son opposition pour trouver les conditions qui conduiraient à une alternance dans la paix. Pour l’UPC et sa direction, lorsqu’un régime dure trop longtemps et se maintient grâce aux mauvaises lois, la tentation est grande d’emprunter des voies autres que celles des urnes pour le faire partir », a-t-il clamé à Bafoussam face à la presse.

De quoi susciter des craintes chez ceux qui redoutent cet appel à la communauté internationale pour des discussions en vue de l’alternance, au regard des dégâts que la démarche a déjà causés dans beaucoup de pays africains. Reste à savoir si ces prises de position reflètent les vues des UPCistes dans leur ensemble, dont beaucoup croient encore à l’alliance avec le Rdpc, qui n’a du reste jamais été dénoncée, et le risque est désormais grand de voir s’aggraver la crise de légitimité qui plombe Basile Louka et son bureau.