Boko Haram a lancé une attaque sur l’île de Tetewa dans la nuit du lundi 13 au mardi 14 juillet, sur le lac Tchad, tuant au moins six personnes. Une incursion qui s’inscrit dans la nouvelle dynamique des islamistes armés, amorcée depuis leur allégeance à l’organisation Etat islamique : surprendre, faire des dégâts et terroriser les populations, sans occuper le terrain.
Dans la nuit de lundi à mardi, une barque accoste sur les rives de l’île de Tetewa, une île située en territoire tchadien, à quelques encablures des rives nigériennes du lac Tchad, à 80 kilomètres au nord de la Ndjamena. A bord, une quinzaine d’hommes lourdement armés débarquent et se faufilent dans les villages. Ils incendient des maisons et tuent six personnes : cinq jeunes muhâjirîn (des enfants élèves dans une école coranique) et un ressortissant malien qui faisait du commerce sur les îles. Face au tumulte soulevé par leur action, les assaillants prennent la fuite.
Vers où sont partis les hommes armés ? La question était sur toutes les lèvres, mardi, à Ndjamena. Pour les autorités, qui pointent la piste Boko Haram, cette attaque, comme celles qui ont eu lieu il y a quelques jours contre des villages de la région, participe de « la nouvelle stratégie » des islamistes qui « ne sont plus en mesure d’occuper des territoires ». Selon les autorités tchadiennes, si Boko Haram multiplie les attentats kamikazes, c’est avec l’espoir de faire peur et de remporter, au moins pour un temps, la bataille psychologique.
Des mesures de sécurité parfois difficile à faire accepter
Face à ces attaques sur son territoire, les autorités tchadiennes ont multiplié les mesures destinées à renforcer la sécurité. Parmi elles, l’interdiction du port de la burqa, décrété le 17 juin, est parfois difficile à faire respecter dans certaines zones du pays, notamment dans le sud. A Bébédjia, le maire de la ville est même menacé de mort pour avoir forcé une femme entièrement voilée à montrer son visage. « J’ai demandé à la femme d’enlever la burqa qu’elle portait. La femme a refusé. Mon garde du corps a enlevé de force ce qu’elle portait », rapporte au micro de RFI Norbert Maïnan, le maire de Bébédjia.
Mais sur le marché où la scène s'esr déroulée, le geste ne passe pas. « Il y avait des gens de son métier qui étaient là en train de manger. Ils se sont levés avec des armes blanches contre moi et il a fallu deux personnes pour me protéger », rapporte le maire de la petite ville. Il assure cependant ne pas se laisser intimider : « Contre vents et marées, le gouvernement a le pouvoir de maintenir la paix, la quiétude de la population », martèle-t-il.
Depuis le début du mois de juin, au moins 80 personnes ont été tuées dans des attentats et des fusillades au Tchad, pays qui participe à l’offensive lancée contre les bastions du groupe armé dans le nord-est du Tchad.
Changements de dénomination, évolution de la communication
Les attaques-suicides qui ont frappé la capitale tchadienne le 15 juin et le 11 juillet ont été revendiquées par Boko Haram, mais sous son nouveau nom : l’Etat islamique, province d’Afrique de l'Ouest. Dès janvier, dans une vidéo, le groupe islamiste avait déjà annoncé un nouveau nom, préférant à « Boko Haram » celui de « Gens de la sunna, de la prédication et du jihad ».
Depuis son allégeance en mars dernier à l’organisation Etat islamique basée en Irak, le groupe dirigé par Abubakar Shekau a donc de nouveau changé de nom. Ce changement d’appellation, avalisé par le porte-parole officiel de l'EI, le syrien Abou Mohamed al-Adnani, a aussi signé une métamorphose de la communication des jihadistes nigérians, avec des vidéos, photos et communiqués plus soignés, et diffusés sur les réseaux sociaux.
L'allégeance à l'EI a aussi coïncidé avec l'apparition d'attaques kamikazes hors des frontières nigérianes, au Tchad, mais aussi au Cameroun, où l’attentat-suicide n’a cependant, pour l'instant, pas été revendiqué.