Actualités of Friday, 9 June 2023

Source: www.camerounweb.com

Business du bois au Cameroun: un camionneur livre tous les acteurs impliqués au sommet de l'Etat

Franck Biya a longtemps été cité dans les affaires d'exploitation du bois au Cameroun Franck Biya a longtemps été cité dans les affaires d'exploitation du bois au Cameroun

Il s'agit d'une affaire d'énorme sous, des milliards qui vont plutôt dans les poches des membres du sérail, que vient de dévoiler Le Monde Afrique dans une enquête publiée il y a quelques heures.

Des hommes d’affaires, des cadres de l’armée, de l’administration ou des députés camerounais sont devenus riches, grâce au business illégale et de l'exploitation à titre personnelle des forêts en complicité avec des Vietnamiens. Dans l'enquête, notre confrère dévoile comment ces personnalités paient ou profitent de leur autorité pour échapper aux contrôles instaurés dans le cadre de l'exploitation des bois au Cameroun.

Le témoignage d'un camionneur a aidé nos confrères à identifier quelques acteurs de cette mafia du bois.


Voici un extrait de l'article de Le Monde


"« Au Cameroun, la loi de la jungle » (1/3). Pendant un an, « Le Monde » et « InfoCongo » ont rencontré des dizaines d’acteurs du trafic de bois. Leurs témoignages, ainsi que des documents officiels, montrent l’impuissance des autorités à endiguer ce phénomène.

Il est 2 h 25 à Yaoundé. Sur une route goudronnée du quartier d’Emana, deux camions chargés de grumes roulent à vive allure. Comme chaque nuit, ils seront des dizaines, venus des régions forestières du Sud, de l’Est ou du Centre, à traverser la capitale du Cameroun. Les chargements de bois se ressemblent tous, à un détail près : certaines grumes sont marquées, d’autres pas, comme dans ces deux camions croisés aux premières heures à Emana.

Si le transport nocturne de bois en agglomération est autorisé au Cameroun, la circulation des « grumes non revêtues des marques réglementaires prescrites dans le cahier des charges », elle, est prohibée. Une interdiction qui n’empêche pas les nombreux camions chargés de bois non marqué de passer les postes de contrôle des forces de l’ordre, des douanes et des agents du ministère des forêts. Et pour cause : « Chaque contrôleur sait que tu es en train de venir », ils sont prévenus et laissent faire, assure Derek*, un chauffeur de camions grumiers.
Depuis 2008, ce quadragénaire parcourt chaque semaine des centaines de kilomètres pour des livraisons dans des scieries vietnamiennes, chinoises et aux ports de Douala et de Kribi. Derek est surtout un habitué du transport de bois illégal, surnommé « warap » ou « sans caleçon » (sans marquage) dans le milieu. Les cargaisons sont constituées de bois autorisé à l’exportation mais coupé sans autorisation. Des grumes prélevées sans respect du diamètre des troncs – qui indique le degré de croissance de l’arbre – ni des essences interdites de coupe ou d’exportation.

Pendant un an, Le Monde et InfoCongo ont rencontré des dizaines de trafiquants de bois, d’habitants et de conducteurs de grumes illégales au Cameroun. Leurs témoignages, ainsi que des documents officiels du ministère des forêts et de la faune (qui n’a pas souhaité répondre à nos questions), montrent que l’exploitation illégale de bois s’accélère.

« C’était pour un colonel »

D’après Derek et son collègue Raoul*, rencontrés en novembre 2022 à Yaoundé, les commanditaires sont le plus souvent des personnalités influentes. Des hommes d’affaires, des cadres de l’armée, de l’administration ou des députés qui paient ou profitent de leur autorité pour échapper aux contrôles. Quelques jours avant notre rencontre, Derek livrait ainsi du bois coupé illégalement dans les forêts du Centre à une scierie tenue par des Vietnamiens dans le quartier Ahala, à Yaoundé. « C’était pour un colonel », confie-t-il.

Si ce père de famille nombreuse en sait autant, c’est qu’à force de travailler dans le secteur, il a appris à prendre des précautions. Ainsi, le « colonel » lui a passé un « appel vidéo depuis son bureau pour [le] rassurer » : « Voici mon contact, si tu as n’importe quel problème, je vais débloquer », lui aurait-il promis. Le commanditaire « gère tout, il paie, il prend les immatriculations et les envoie par WhatsApp » aux postes de contrôle, renchérit Raoul. D’après ces conducteurs, la majorité de leurs livraisons se font auprès des scieries vietnamiennes, qui les blanchissent pour l’exportation via les ports de Douala et Kribi".