Torture et harcèlement judiciaire


Une plainte contre l’ancien régisseur de la prison d’Eseka


Selon la famille du détenu à la prison de Yoko, Lionel Huislem Taneke Fou aurait administré 600 coups de machette à leur fils Thomas d’Aquin Ntep et lui doit plus de 7 millions Fcfa





Sur le corps de Thomas Ntep, les séquelles d’un séjour trouble à la prison principale d’Eseka. Malgré les soins hospitaliers dont il bénéficie depuis quelque temps, après son transfert à la prison de Yoko, Thomas d’Aquin Ntep ne voit toujours pas son état de santé s’améliorer. Déféquant et vomissant du sang depuis plusieurs mois, il n’est pas aisé pour l’homme d’affaires de se tenir sur ses deux pieds. Pour sa famille qui a signalé ce malaise à travers une note ouverte adressée au ministre de la Justice et au chef de l’Etat, « C’est inhumain ce qu’il a subi à la prison d’Eseka pendant 8 mois. Nous voulons savoir pourquoi ce régisseur le maltraitait de la sorte. Vous vous imaginez qu’il lui a administré 600 coups de machette à la plante des pieds. Nous demandons justice ». Sur le certificat médical délivré le 26 juin dernier par Dr Bertrand Aroga Afian, médecin en service à l’hôpital de district de Yoko, le patient Thomas Ntep « présente une pathologie sévère, nécessitant un suivi en milieu spécialisé en urgence et service d’hépato-gastro-entérologie ». En effet, l’ancien régisseur de la prison principale d’Eseka dont il est question ici est le nommé Lionel Huislem Taneke Fou, actuellement en service à la prison de Monatelé, chef-lieu du département de la Lekié. « Quand ce monsieur travaillait encore à Eseka, on n’avait pas accès à la prison pour rendre visite à notre fils. Après, on nous apprend que Ntep a été transféré à la prison de Yoko. C’est donc en cours de route qu’il décide de l’emmener d’abord à la prison de Ntui où, il va lui administrer 600 coups de machette à la plante des pieds. L’actuel régisseur de la prison de Yoko voulait refuser de le garder parce qu’il était sérieusement blessé et vomissait du sang », ajoute le frère de l’homme incarcéré.



Mandat d’arrêt


En réalité, tout est parti d’une affaire qui opposait Thomas d’Aquin Ntep à un haut gradé de l’armée camerounaise. «Il a travaillé avec ce haut gradé de l’armée pendant 10 ans. C’est quand il voulait réclamer ses droits que les problèmes ont commencé. Il va le mettre en prison pour abus de confiance. Puisque l’affaire était floue, il était libre. Pendant ce temps, il y avait des mandats d’arrêt et d’interdiction de sortie du territoire contre notre fils. Le nommé Georges Bakang qui lui doit 3 millions Fcfa, avec son cousinMathias Djeng vont se servir de ces mandats qu’ils ont présentés au Sed pour l’interpeller », explique la famille Ntep. Justement, il sera interpellé le 25 mai 2022 par des éléments du Secrétariat d’Etat à la défense chargée de la gendarmerie, au quartier Mendong à Yaoundé. Selon des témoignages, il semble que ce jour-là, Thomas Ntep était à bord de son véhicule. « Il avait dans sa voiture : des objets de luxe et appareils téléphoniques. Il faisait aussi dans la vente en ligne. Quand on l’a arrêté, Georges Bakang a dit que le procureur d’Eseka a demandé qu’il prenne le véhicule. Jusqu’aujourd’hui, on ne sait pas où est passé le véhicule et ce qu’il y avait dedans », la famille Ntep d’ajouter.



Prison



Deux jours après son séjour dans les locaux du Sed à Yaoundé, le supplicié sera déféré à la prison principale d’Eseka. Nous sommes le 27 mai 2022. « Il a été condamné le 12 janvier 2021 à une peine privative de liberté de 02 ans ferme, 15 millions de dépens et 300 millions de dommages et intérêts à verser à la partie civile. C’est donc à la prison d’Eseka que Thomas Ntep va vivre le calvaire jusqu’au 1er juin 2023, date de son départ pour la prison de Yoko. Face à cette situation trouble que vit le quadragénaire, la famille Ntep appelle au secours les pouvoirs publics, organismes de promotion des droits de l’homme et de lutte contre la torture. « Ses amis Cabral Libii, toutes les autorités administratives de la Lekié qui ont soutenu ses actions autrefois. Nous les prions de se retourner pour sauver notre fils Thomas Ntep de cette situation qui risque lui coûter sa vie », alerte la famille.



Escroquerie



Selon les informations fournies par nos sources proches du dossier, l’opérateur économique réclame environ huit millions Fcfa à l’ancien régisseur de la prison principale d’Eseka. « Il a d’abord pris une somme de 6 millions dans son local en prison. Du 14 au 15 décembre 2022, il a encore pris 415 000 Fcfa. Le 23 décembre 2022, encore, il a pris 310 000 Fcfa. Et il l’a empêché de rencontrer personne », confie la sœur aînée de l’homme d’affaires. Dans la plainte déposée auprès du procureur de la République, près du tribunal de première instance de Ntui, le 25 juillet dernier, son avocat, Me David Ngambi Boog, convoque les articles 74 ; 96 ; 97 ; 277-3 et 316 alinéa 2 et 3 du code pénal. Contacter pour avoir sa version des faits, l’ancien administrateur pénitencier d’Eseka s’est montré laconique : « Je n’ai rien à vous dire à ce sujet ».


Humanitaire


Dans la ville d’Eseka, Thomas Ntep est connu pour les multiples dons et services rendus à la population. Certaines se souviennent encore du don qu’il avait fait à la prison d’Eseka en 2014. Un geste qui avait été évalué à plus de 12 millions Fcfa. Pour les jeunes de cette localité, il reste un modèle à travers le championnat de vacances qu’il organisait chaque année pour rassembler les fils et filles de ce village. C’est d’ailleurs ces actions pour le développement local et la promotion sociale qui lui ont valu les prix de l’excellence patriotique, et prix spécial de crystal 2013, 2014, 2015 et 2016 aux Awards 2016, organisés par l'Association de la presse pour la promotion et le développement (Approdev). Aujourd’hui sous le choc, il lance un cri de détresse aux proches et amis.