Le phénomène se généralise en Afrique francophone depuis plus de deux décennies. Les Chefs d’Etats installés au pouvoir, souvent avec l’aide de l’Occident, ont du mal à quitter les affaires. Cette situation est à l’origine de nombreuses crises à travers le continent.
Considéré comme un facteur de sous-développement, le refus de l’alternance fait réagir des intellectuels africains généralement basés en métropole. C’est le cas de l’écrivaine camerounaise Calixthe Beyala qui dans ses publications dénonce ce phénomène.
Pour cette dernière « Certains chefs d'Etat au bout de vingt ans de voire trente ans de pouvoir tâtillonnent encore sur l'idée de s'en aller vers l'anonymat, vers une vie de simple citoyen. Ils ne songent pas à céder leur place. C'est à ne rien y comprendre. Et l'on a beau leur rappeler que pour le bien de leur peuple, il serait judicieux de s'éclipser... Eh, que non ! Ils s'entêtent, pensant connement qu'ils sont les plus intelligents, qu'ils sont indispensables, que sans eux tout irait à vaux-l'au ! Et ces poncifs pompeux et abjects, gonflés de narcissisme, d'égoïsme, méprisant pour le reste de leurs concitoyens, finissent par s'ancrer dans l'inconscient collectif. »
Ce phénomène est devient encore plus dramatique lorsque des citoyens de ces pays, dans lesquels l’alternance peine à voir le jour, soutiennent leurs dirigeant sous prétexte que le départ de leur ‘champion’ peut conduire à la ‘fin’ du monde. « On entend çà et là : " Mais pourquoi partirait-il ?" et des " Qui va donc le remplacer ?" Je suis attérée face à ces discours d'une débilité absolue. Doit-on répéter inlassablement aux peuples que ce n'est pas un Chef d'Etat aussi lumineux soit-il qui dirige un pays? Qu'un Chef d'Etat n'est qu'un symbole et que les pays sont en réalité dirigés par des gestionnaires, des administrateurs ? Que n'importe quel moins imbécile que la sous-moyenne des idiots pourrait devenir Président ? Souvenez-vous des jeunes Dauphins qui à la mort du Roi était proclamé Roi à cinq ans ! Dirigeaient-ils ? (...) »
Le plus surprenant dans cette histoire, selon Calixthe Beyala est le fait qu’avant de mourir ces présidents à vie trouvent le moyen d’installer leurs fils à la tête du pays. «Pour ces chefs d'Etats éternels, ces Présidents à vie dont certains trouvent le moyen sale d'installer leurs progénitures au pouvoir en mourrant, créant de facto des Royaumes, quoique défendant âprement la souveraineté des États, j'éprouverais quelques difficultés à les défendre contre les agressions extérieures qui pourraient prendre prétexte de leur soif inextinguible du pouvoir... Parce qu'il leurs appartient de ne point se mettre dans une situation délicate pour eux et pour leur peuple... Parce qu'il leurs appartient de protéger par leur abnégation la souveraineté de leur pays, la cohésion et la paix entre les diverses franges de leur communauté nationale. Parce qu'il leurs appartient de montrer par l'auto-retrait de la vie politique, qu'ils aiment leur terre..»
A travers cette analyse, l’écrivaine camerounaise se démarque de ces intellectuels africains qui pour des raisons alimentaires exposent aux yeux du monde leurs lacunes. Une position qui force l’admiration quand on sait ces questions sont délicates au Cameroun.