Dans une interview accordée au quotidien Le Jour n°2074 en kiosque jeudi 3 décembre 2015, l’universitaire Hubert Mono Ndjana se dit indigné de ce qui se passe à l’IRIC, «parce que nous sommes dans un milieu où c’est l’idéalisme qui doit régner. L’idéalisme au sens propre du terme, c’est-à-dire le règne des idées, de l’honnêteté et de la loyauté. En plus, s’agissant de l’IRIC, nous sommes en face de diplomates qui doivent jouer d’honnêteté et du sens de l’honneur. C’est attristant d’apprendre que des choses de ce genre ont lieu dans une école comme l’IRIC».
Dans le monde intellectuel aussi il y a des feymans
Cependant des raisons peuvent expliquer les situations de plagiat: «Je pense que certains collègues sont pressés de boucler un article, un livre ou même de boucler une expertise quelque part. Ils se sentent obligés de piocher, de voler les travaux d’autrui. Pour moi il s’agit de «feymania intellectuelle». Le feyman est celui qui se fait passer pour ce qu’il n’est pas. C’est un pauvre hère qui n’a rien, mais qui fait croire à un émir arabe ou un ministre camerounais, qu’il est un homme d’affaires à qui on peut faire confiance. Il achète des costumes, des belles voitures, gonfle à la télé, etc. Dans le monde intellectuel aussi il y a des feymans. C’est-à-dire des gens qui n’ont pas de base personnelle et qui veulent passer pour de fieffés intellectuels. Alors, ils volent les œuvres d’autrui exactement comme le feyman qui vole les biens de l’émir», explique le philosophe.
Hubert Mono Ndjana plagié
«Moi-même j’ai été victime de plagiat, explique-t-il. Un jeune collègue a pris mes cours manuscrits, il a saisi sur ordinateur et a appelé ça «Cours du docteur X». Mes étudiants m’ont montré le document. J’ai comparé et je me suis rendu compte qu’il avait tout pris. Il ne m’a même pas laissé une virgule. Pourtant il a signé «Cours du docteur X». J’ai saisi le ministre d l’Enseignement supérieur et le recteur. Ni au ministère, ni dans mon institution on n’a réagi avec la vigueur à laquelle je m’attendais pour un aussi flagrant délit. Au contraire, mon jeune plagiaire a changé de grade et a atteint celui où on peut examiner les doctorats d’autrui. Et chaque fois qu’il examine des doctorats que je dirige, il les bloque comme s’il voulait se venger».
Comme dans son cas et ceux révélés récemment à l’IRIC, Hubert Mono Ndjana pense que c’est une tolérance académique qui n’est pas du tout compréhensible. «Il ne faut pas de tolérance à ce niveau-là parce qu’on laisse ainsi des faux jetons devant les étudiants. Il faut les élaguer. Il faut les mettre hors-jeux et ne montrer aux étudiants que l’idéal du professeur honnête. A titre personnel j’ai décidé de saisir la justice pour que ce gars reconnaisse qu’il a pris chez moi».
Quant aux cas redondants de plagiat à l’IRIC, le philosophe pense que «ce qui est sûr, c’est qu’on n’attrape même pas tous ceux qu’on devrait attraper. Beaucoup d’enseignants publient trop rapidement. C’est trop beau pour être vrai».
Onana N. Aaron