15 avril 1948-15 avril 2023, cela fait 75 ans que le nationaliste Jean Mbouende était relaxé de prison après y avoir passé 07 mois 15 jours sans charges, juste parce qu’il a encouragé ses concitoyens à s’intéresser à la caféier-culture, source de richesse à l’époque.
Jean Mbouendé est ce nationaliste camerounais né à Badoumven-Banka dans le département du Haut-Nkam vers 1890.
Il a vécu sur 03 siècles et deux millénaires et est mort à 114 ans sur son lit sans agitation comme il avait souhaité.
Il n’a fait que moins de 03 jours à l’école allemande et est retourné à Badoumven se former auprès d'un de ses oncles à la chasse.
Un jour, son piège va attraper une biche. Mais son tuteur Soh Tiegué va la vendre au marché Batcho à 08 Mark et confisqué l’argent, ce qui va rebeller le jeune garçon qui va le quitter pour se rendre en aventure à Bana
Y étant, il va rencontrer un commerçant sénégalais, ancien combattant reconverti en vendeur d’huilé de palme . Son petit nom était Menta, à cause de sa minceur.
Ses clients étaient à Nkongsamba et le déplacement se faisait à pieds.
Il va donc l’enrôler dans son équipe et grâce à sa bonne conduite, il fera de lui son homme de main, chargé de tenir sa caisse et d’effectuer des commissions à son compte.
C’est à Nkongsamba que Jean Mbouendé découvre le train et son vœu est de voyager à bord.
Son vœu se réalise en 1920 et le conduit à Dibombari, puis à Douala où il est recruté à la RW-KING en 1921.
En 1926, il devient chauffeur dans la même société et gagne 650 FCFA mensuellement.
Son deuxième employeur est Sango Mas à Kribi.
Il va parcourir le sud Cameroun jusqu’en 1928 où il retourne à Banka construire sa première maison.
Ayant déjà intégré la notion du vivre ensemble, il avait déjà pris pour épouse Eboutou Marie, originaire de Sangmelima dans le sud Cameroun en 1926.
Il quitte définitivement le sud en 1934, ayant déjà fait fortune , pour s’installer définitivement à Banka où il va construire deux grosses villas en 1937.
Toujours en 1934, il crée une plantation de café robusta à Kwetchi-Banka et est le premier éleveur de bovins dans sa subdivision qu’il cumule avec l’activité de transporteur car il est propriétaire d un camion Chevrolet acheté à un Grec à Ebolowa, Alexanderkis.
La coopérative des planteurs de café est créée en 1935 et il est élu vice-président, Naoussi Daniel étant le président.
Le café était source de richesse à l’époque et l’administration ne voyait pas d’un bon œil que les indigènes s’intéressent à l’activité de peur qu’ils s’émancipent.
C’est pourquoi elle n’accordait l’autorisation qu’à ses suppôts, notamment les chefs traditionnels et certains notables et homme-liges.
Jean Mbouendé par sa carrure, n’était pas visé par ces mesures, mais ils n’entendait pas qu’on limite le droit à la culture aux autres. Il va donc encourager ses concitoyens à s’intéresser à l’activité.
Pendant ce temps le pouvoir colonial va organiser avec certains responsables de la coopérative un artifice pour abuser des planteurs.
En effet, ils avaient installé un dispositif sur la chaîne de décorticage du café qui faisait passer 70% de la production chez le propriétaire et un trou était là pour récupérer les 30% restant qu’ils ensachaient et stockaient dans un magasin qu’ils avaient aménagé à cet effet.
Les planteurs se plaignaient sans savoir ce qui se passait.
La production de Jean Mbouendé n’était pas concernée.
En 1944, Oswald Durand, futur Gouverneur du Sénégal et de la Côte d’Ivoire est affecté à Dschang comme chef de région.
Il amplifie l’arnaque et Jean Mbouendé découvre la forfaiture qu’il dénonce au niveau du chef de subdivision qui ne bronche pas. Jean Mbouendé hausse le ton en saisissant le chef de région lui-même. Celui-ci est contraint de convoquer l’assemblée de la coopérative à Dschang comme épouvantail.
Le jour dit, l’ordre du jour ne comprend pas le sujet querellé et le chef de région refuse de donner la parole à Jean Mbouendé.
Usant de l’artifice d’une motion d’ordre, Jean Mbouendé va se lever et lancer : « Monsieur le chef de région, c’est vous les expatriés qui nous cognez les têtes » comme pour indiquer qu’ils sont en réalité ceux qui tirent les ficelle de cette politique.
Le Chef de région va lui répondre : « Monsieur Mbouendé, vous serez ma première cible à Bafang ».
Jean Mbouendé va répliquer en ces termes :« Ma lutte est noble et pour cela je n’ai peur de rien ».
La réunion va s’achever en queue de poisson.
La nouvelle de la lutte séculaire de Jean Mbouendé va parvenir dans les oreilles de Charles Assalé : Le nationaliste aiguille les masses seules depuis 1935.
Charles Assalé est secrétaire général de l’union des syndicats confédérés du Cameroun qui est affilié à la cgt à Paris et à la fédération syndicale mondiale.
Celui qui va amener Assalé à Banka voir Jean Mbouendé c’est un prince Bana, Joseph Saitapoum Happy.
La rencontre a lieu en 1946 et c’est Assalé qui suggère à Jean Mbouendé de créer un syndicat pour défendre la profession. C’est ainsi que nait le premier syndicat en pays bamiléké en 1946 au nom du SPP(Syndicat des Petits planteurs ), affilié à l’uscc.
La lutte prend alors une forme légale et les populations y adhérent. Paul Nitcheu est secrétaire général.
Le pouvoir lorgne mal, surtout que Jean Mbouendé est riche et incorruptible.
C’est pourquoi sur le fallacieux prétexte qu’il donne l’autorisation aux populations de planter le café, on va l’interpeller le 01er septembre 1947 pour l’incarcérer à la prison de Bafang.
La nouvelle fait le tour du Cameroun.
Ruben Um Nyobé, secrétaire général adjoint de l’uscc est mis en mission sur Bafang pour voir de quoi ça retourne.
Sur les lieux, il rencontre le chef de subdivision, Pauvert, qui refuse d’évoquer le sujet avec lui et lui intime plutôt l’ordre de quitter immédiatement la ville.
Heureusement qu’à Bafang, il y avait un fonctionnaire, directeur d’école et familier avec Um Nyobé, Jaques Bidjocka. C’est chez lui qu’il va passer la nuit et c’est Bidjocka qui va aller voir Jean Mbouendé et puiser les informations croustillantes du dossier qu’il va mettre à la disposition de Ruben Um Nyobé.
De retour à Douala, il va produire un rapport qu’il va expédier en France à l’attention de la cgt et de la fsm.
Aussitôt, la centrale syndicale française va faire publier celui-ci dans le quotidien « LE MONDE ».
Le Haut-Commissaire à Yaoundé, René Hoffher est surpris de lire l’article et surtout que l’onu demandait déjà la libération de Jean Mbouendé.
C’est pourquoi il demande au chef de région à Dschang, Moyos, de descendre à Bafang corrompre Jean Mbouendé et comprendre comment la nouvelle est arrivée en France.
Le voyage est immédiatement effectué. Contre francs sonnants et trébuchants, Jean Mbouendé peut être immédiatement libéré, à condition de renoncer à la lutte. La réponse est non.
Par rapport à la démarche utilisée pour transmettre l’information à Paris, Jean Mbouendé va dire ceci : « je lutte pour une cause juste, et pour cette raison, même un oiseau du ciel peut aiguiller la nouvelle jusqu’à Paris ».
Dès que le chef de région va prendre congé du syndicaliste, il va aller voir le régisseur pour lui enjoindre de tirer sur tout oiseau qui sillonnerait la cellule de Jean Mbouendé.
Ce n’est que le 15 avril 1948 que le juge de paix va arriver à Bafang pour le procès.
L’administration avait préparé des citations pour donner à 22 personnes chargées de charger Jean Mbouendé, parmi lesquels beaucoup de chefs traditionnels, dont celui de Bakou, Casimir Datchoua.
Jean Mbouendé va plaider non coupable et on va faire passer tour à tour les témoins qui récitaient la même chose en présentant une carte qu’ils assimilaient à l’autorisation donnée par Jean Mbouendé. Malheureusement pour eux, il s’agissait plutôt des cartes de cotisation syndicale.
N’en pouvant plus rien , on va passer au délibéré qui va aboutir à une condamnation de trois mois avec sursis, oubliant qu’il venait de purger 07mois et 15 jours de prison.
Jean Mbouendé va faire appel à Douala et la cgt va dépêcher de Paris un avocat, maître Blond Fermier pour venir suivre l’affaire et à la fin, Jean Mbouendé est acquitté.
Mais il a laissé les plumes dans cette incarcération abusive :
Sa mère et son premier garçon sont morts à cause de cela et on lui a refusé l’autorisation d’aller assister à leurs obsèques.
Il a perdu un cheptel de presque 1 000 bœufs sans compter les procès contre lui à cause de ces bœufs en débandade parce non suivis qui ont dévasté les champs.
Qu’à cela ne tienne, il ne va pas se décourager. Il va immédiatement se rendre à Douala sur convocation de Ruben Um Nyobé pour assister à l’assemblée générale de l’uscc.
Il revient avec les statuts de l’upc créée 05 jours avant sa libération et implante aussitôt le premier comité central de ce mouvement chez lui à Banka juste après sa légalisation en juin 1948.
En novembre 1948, Um Nyobé prend la direction du parti. C’est Jean Mbouendé qui l’introduit en pays bamiléké.
En 1952, Um Nyobé doit se rendre aux Nations Unies pour plaider la cause de l’indépendance et de la réunification. Le voyage est rendu possible grâce aux souscriptions des militants et sympathisants.
C’est Jean Mbouendé qui donne la plus grosse part à Um Nyobé, deux million de FCFA, soit quatre million de francs Métropolitain.