Dépouillé d’une étoile dans ses épaulettes à la suite de la perte d’un véhicule de service alors qu’il dirigeait l’unité d’élite de la police, Joseph Simi Tsoungui a obtenu l’annulation de la décision devant la Justice. Il accusait sa hiérarchie de règlement de compte.
Mardi, 26 juillet 2O22, en sortant de la salle d’audience du Tribunal administratif du Centre, le commandant Joseph Simi Tsoungui était heureux comme un élève du cours moyen qui vient de passer l’entrée en sixième. Au bord des larmes, il déambulait dans l’enceinte de la juridiction comme s’il était à la recherche d’une aiguille. Son téléphone portable de marque techno bien amorti n’arrêtait pas de crépiter.
Le jour est à marquer d’un sceau indélébile. Lui qui a servi à la Délégation générale à la Sûreté nationale (Dgsn) pendant une quarantaine d’années pour protéger l’Etat, venait de damer le pion à sa hiérarchie devant la Justice de fort belle manière en obtenant l’annulation d’un décret du président de la République. Le décret en question l’a fait dégringoler du grade de commissaire principal à celui de (simple) commissaire de police en 2017, alors qu’il commandait le fameux Groupement Spécial des Opérations (GSO), une unité d’élite de la police. Il avait été sanctionné à la suite de la perte d’une voiture de service dans des conditions controversées. Mais le commandant Simi Tsoungui qui s’estimait victime d’un règlement de compte avait attaqué la décision pour excès de pouvoir.
Pour bien comprendre cette affaire, il sied de rappeler la teneur des arguments des parties développé en novembre 2021, et dont votre journal avait rendu compte dans une édition parue le même mois. Aujourd’hui à la retraite, M. Simi Tsoungui recruté à la Sûreté nationale en 1989, était au sommet de sa carrière lorsqu’il fut nommé commandant du GSO en 2014. Mais sa gloire sera de courte durée. Resté attaché aux renseignements pour avoir débuté sa carrière dans ces services, l’ancien commandant raconte qu’il avait l’habitude d’envoyer ses informateur pister des bandits. En 2015, il était aux trousses d’une gang de voleurs de voitures. Le 4 septembre de cette année-là, il devait échanger avec un informateur à ce sujet.
Pour rallier le lieu du rendez-vous, il a dû emprunter un des «véhicules banalisé» du GSO. Un acte qu’il a toujours regretté. Bien qu’ayant obtenu les informations sollicitées, au moment de rentrer, le véhicule litigieux qu’il avait garé dans un parking au carrefour Nkolndongo à Yaoundé avait disparu. Les investigations n’ont pas permis de retrouver le véhicule.
Face à la situation, le commandant a fait un compte rendu à l’adresse du chef de corps, le Délégué général à la Sureté nationale, Martin Mbarga Nguele. Les sanctions n’ont pas tardé à tomber. M. Simi Tsoungui est relevé de ses fonctions au GSO, et affecté à l’Ecole supérieur de la police sans poste. Dans la foulée, il est traduit au conseil de discipline de la police pour «rendement nulle» et «négligence ayant entrainé la perte d’un véhicule de service». Alors que le conseil de discipline, présidé par son prédécesseur directe au GSO, n’avait suggéré comme sanction qu’un abaissement d’échelon, il sera finalement rétrogradé.
Pour le commandant Simi Tsoungui, la sanction est exagérée, car le véhicule querellé était bien vétuste. De plus, dit-il, le statut spécial des fonctionnaires de la Sûreté nationale n’indique nulle part que la perte d’un véhicule conduit à la rétrogradation. Lors de cette audience, l’avocat du flic a ouvertement soupçonné le prédécesseur de son client au GSO de règlement de compte. Président les débats il était soupçonné d’avoir aggravé la punition. «Le véhicule était déjà vieux, avait estimé l’avocat, on pouvait demander à M. Simi Tsoungui de rembourser ce véhicule qui ne pouvait même pas coûter 700 mille francs.»
Certes, les avocats du plaignant avaient reconnu que l’utilisation d’un véhicule de service lors des opérations doit être autorisé par le chef du corps, le Dgsn, mais s’empressaient de préciser que ce ne sont pas toutes les opérations qui doivent attendre l’autorisation de la haute hiérarchie. La rencontre avec l’informateur était de la prérogative exclusive de leur client.
Informateur douteur
Pour la défense du GSO, son représentant avait opposé que le commandant Simi Tsoungui ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. La sanction critiquée, martèlera-t-il, a été prise en application des textes en vigueurs. «Le GSO, précisait-il, est l’unité gardée du chef de corps qui l’utilise quand il veut et comme il veut.» Une manière de dire à mots couvert que le plaignant aurait dû requérir l’onction de du chef de corps pour mener l’opération en cause. Le représentant de la police poursuivait en doutant de l’effectivité de la rencontre alléguée. Il indique que le plaignant n’avait présenté aucune preuve à propos devant le conseil de discipline. Le plaignant aurait dû interrogé son prétendu informateur sur procès-verbal avec l’identité du concerné. Cet élément, pour le représentant de l’Etat, aurait rendu la thèse du vol déplorée crédible. Il avait ajouté que la perte critiqué serait passée inaperçue si le commandant s’était tu sur l’incident. «Connaissant ses états de service, on comprend qu’il a voulu être honnête» , avait ironisé le représentant de la Dgsn, avant de temporiser «qu’un policier est formé de telle sorte que ce qui se passe dehors ne lui arrive pas» . Le ministère public avait entièrement cautionné la sanction attaquée estimant que cette punition avait été «prise de manière mesurée».
La sentence était un temps programmée le 21 décembre 2021, mais les débats ont repris sous le regard d’une autre collégialité des juges qui a finalement décidé de réhabiliter le commandant Simi Tsoungui en lui restituant sa cinquième étoile, sans donner ses motivations. Même si le concerné espérait récolter pas mois de 125 millions de francs au terme du procès intenté contre la Dgsn, le tribunal est resté muette sur la demande. Bien qu’aujourd’hui à la retraite, Joseph Simi Tsoungui a désormais de quoi faire scintiller ses épaulettes avec cinq étoiles.