Pour la construction des infrastructures de la Can autant que pour la pandémie du COVID-19, la mise en place de ces groupes de travail a permis de sauver la mise.
Au moment où l’on annonce la reprise des travaux du chantier du complexe sportif d’Olembe par la société MAGIL, le débat n’est pas retombé sur les graves impairs autour de la construction de cette infrastructure, et plus globalement sur celles dédiées à la Coupe d’Afrique des nations (Can) 2019. Les accusations, sur les réseaux sociaux notamment, tendent à incriminer systématiquement la Task force mise en place par le président de la République et pilotée par le secrétaire général de la présidence de la République (SG/PR), Ferdinand Ngoh Ngoh.
De fait, plus d’un an après la mise en place du COMIP-CAN, suite à l’attribution de l’organisation de cette compétition par la Confédération africaine de football (Can), grâce à l’entregent de Issa Hayatou, l’attention du chef de l’État a été appelée par la Caf sur l’absence de progrès notables dans l’exécution des différents chantiers (hôtels, hôpitaux, stades de compétition, terrains d’entrainement, etc.) nécessaires à l’organisation de la Can féminine 2016 (galop d’essai), mais également de la Can masculine 2019. Il se trouve que les administrations impliquées dans la réalisation de ce vaste chantier se neutralisaient dans d’interminables procédures et étaient engluées dans des lenteurs administratives. Des pratiques de corruption dans l’attribution des marchés ont même été signalées Vrai ou faux ?
Toujours est-il que face à l’hypothèque que les retards observés faisaient peser sur l’organisation des deux compétitions, Paul Biya décide d’en confier la préparation à son plus proche collaborateur, le SG/PR, Ferdinand Ngoh Ngoh. C’est ainsi qu’en septembre 2015, Ngoh Ngoh met en place un groupe de travail, dénommé « Task force Can » et en confie la présidence au conseiller technique, Moger Ayem, qui s’occupe spécialement des infrastructures à la présidence de la République. Cette Task force était constituée des représentants du secrétariat général de la PRC et des administrations sectorielles, entre autres, le MINFI, le MINEPAT, le MINMAP, le MINTP et le MINHDU, impliquées dans la mise en œuvre du portefeuille des projets Can.
La méthode travail déployée permet de réduire les lenteurs administratives et les blocages découlant d’interminables échanges épistolaires entre les ministères, en rassemblant toutes ces administrations autour d’une même table. « Les dossiers pouvaient ainsi être examinés de manière collégiale, en toute transparence et avec plus de célérité », renseigne notre source.
Offres techniques
Les premiers résultats de la Task force Can n’ont pas tardé, avec notamment la signature le 31 décembre 2015 des contrats relatifs à la construction des complexes sportifs d’Olembe et de Japoma. De bonne source, l’on apprend que l’analyse par la Task force des offres techniques et financières soumises par les maîtres d’ouvrages ou reçues directement des entreprises se faisait en présence de tous les membres de ce groupe de travail, chacun pouvant librement donner son avis. Une fois que les offres jugées pertinentes étaient présélectionnées, la Task force ouvrait les négociations avec les entreprises concernées, ce qui a permis de réduire considérablement les coûts financiers des projets et de raccourcir les délais de traitement des offres.
La Task force Can était en outre chargée de valider les décomptes des travaux dûment approuvés par les maîtres d’ouvrages, avant de les soumettre à la sanction du SG/PR, ordonnateur du budget Can et de veiller à leur exécution effective sur les différents sites de compétition. C’est ainsi que les membres de cette « unité d’élite » ont effectué, de 2015 à 2021, une centaine de missions ou descentes sur le terrain. Celles-ci ont permis de corriger les malfaçons constatées sur certains chantiers, d’accélérer le rythme de réalisation des travaux et de rattraper les retards observés sur les différents sites.
L’ingénierie financière adoptée par la Task Force a également permis de rationaliser et de maîtriser les dépenses relatives à l’exécution des projets Can, pour la réalisation desquels le chef de l’État avait autorisé la mise à disposition d’une dotation initiale de 140 milliards de FCFA. Afin de garantir la traçabilité des paiements effectués, l’ordonnateur a instruit que ces ressources soient cantonnées dans un compte spécial ouvert dans les livres du Trésor public. Au fil des années, ce compte spécial a été abondé par les fonds issus des lignes budgétaires des départements ministériels impliqués dans la réalisation des projets Can. Au ministère des Finances, un régisseur chargé d’effectuer les paiements des travaux de la Can financés par le budget de l’Etat a d’ailleurs été désigné.
Quant aux projets exécutés sur financements extérieurs, les paiements y afférents étaient assurés directement par les banques étrangères au profit des entreprises bénéficiaires, à la diligence de la Caisse autonome d’amortissement (CAA). À l’observation, la Task force a permis au Cameroun de relever les défis qui ont justifié sa mise en place : l’organisation maîtrisée de la Can féminine en 2016 et de la Can masculine en 2021.
Covidgate
Du Task force à une autre. Dès l’apparition des premiers cas de COVID-19 au Cameroun en mars 2020, le chef de l’État prescrit l’élaboration d’une stratégie de riposte dont il a confié la coordination au Premier ministre. Le 10 mars 2021, un rapport de la Chambre des comptes de la Cour suprême rendu public fait état de graves malversations financières dans la gestion de 180 milliards de FCFA répartis le 22 juillet 2020 par le Premier ministre à 24 administrations, au titre de la lutte contre le COVID-19.
C’est le point d’envol du Covidgate. Face à cette situation et au regard du bilan mitigé de la riposte contre cette pandémie, le président de la République prend deux décisions : retirer au Premier ministre la gestion du dossier COVID-19 et la mettre sous son autorité directe, à travers une Task force dirigée par le SG/PR, ordonner l’ouverture d’une procédure judiciaire contre les auteurs des malversations identifiées dans le rapport de la Chambre des comptes.
S’inspirant de l’heureuse expérience de la Can, Ngoh Ngoh met en place le 31 mars 2021, une Task force COVID-19, constituée des représentants des Services du Premier ministre, du Minsante, du MINAT, du MINFI, du MINDEF et de la DGSN. Les travaux de cette Task force sont co-présidés par deux conseillers techniques du secrétariat général de la présidence de la République, assistés de deux chargés de mission et d’un attaché. Afin d’éviter les approximations observées dans la coordination gouvernementale de la riposte, la Task force commence par convier les responsables des différents services centraux et déconcentrés de santé à des concertations techniques, dans le but d’identifier leurs besoins réels en matériels et équipements sanitaires nécessaires à la lutte contre le coronavirus.
Après avoir discuté avec les professionnels de la santé et procédé à l’évaluation exhaustive des besoins à l’échelle nationale, la Task Force sollicite alors l’accord du chef de l’État avant de passer des commandes aux entreprises proposées par le ministère de la Santé publique ou sur la base des offres directement reçues d’éventuels prestataires de service. Chaque dossier faisait l’objet d’un examen minutieux, chaque membre ayant la latitude d'émettre un avis sur l’opportunité, le coût et les quantités des prestations à exécuter. Après des débats généralement houleux et francs, les recommandations prises de manière collégiale par les membres de la Task force concernant les propositions d’attribution des marchés étaient ensuite soumises au président de la République.
Comme pour la Task force Can, cette méthode de travail a permis de garantir la transparence et de réduire les coûts des prestations. Les décisions du chef de l’État étaient par la suite répercutées aux ministres concernés par le SG/PR, sans qu’à aucun moment les responsables de la PRC ne soient impliqués dans la gestion des fonds affectés à la lutte contre le COVID-19. « Non seulement aucun franc lié au COVID-19 n’a franchi les grilles de la PRC, mais aussi tous les paiements y afférents étaient directement effectués par les services spécialisés du ministère des Finances et ont pu être retracés par la Chambre des comptes lors de ses investigations », confie un proche du dossier.
Il convient de préciser que l’efficacité et le dévouement qui ont caractérisé la Task force COVID-19 ont été reconnus et salués par la Chambre des comptes. En effet, dans son troisième rapport d’audit sur la gestion des fonds COVID-19 publié le 16 mars 2023, la plus haute juridiction financière nationale déclare que « la mise en place d’une Task force COVID-19 logée à la présidence de la République a permis d’améliorer la gestion gouvernementale de la riposte sanitaire sur plusieurs points, notamment la célérité dans le traitement et le paiement des dépenses engagées par la Task force ; la régularisation et le règlement des restes à payer de l’exercice 2020 ; une meilleure maîtrise des prix ».
La Chambre des Comptes souligne également que « le pilotage des marchés par la Task force a eu un impact positif sur le délai de traitement des dossiers des dépenses exécutées sur le Compte d’affectation spéciale COVID-19, ainsi que le paiement desdites dépenses par le Trésor public, ce qui a permis à l’Etat de limiter l’accumulation des arriérés passibles d’intérêts moratoires ». Par ailleurs, la juridiction des comptes révèle que « l’acquisition des tests covid-19 par la Task force a été faite à des coûts généralement inférieurs à ceux pratiqués en 2020 pour ces produits stratégiques dans la riposte contre le coronavirus (…) au prix unitaire de 4 290 FCFA alors que la validation par la Commission spéciale du MINCOMMERCE avait été faite à 5000 FCFA, induisant une économie totale de 177 500 000 FCFA». Au total, d’après nos informations, 30 milliards de FCFA seulement ont été dépensés par la Task force COVID-19 sur les 220 milliards budgétisés en 2021, ce qui est loin des 180 milliards de FCFA consommés en 2020. Cette Task force a également été sur la ligne de front pendant la Can 2021 en élaborant le protocole sanitaire de cette compétition, à la grande satisfaction de la Caf. « Au même titre que la Task Force Can, la Task force COVID-19 a travaillé bénévolement pendant près de deux ans sans recevoir le moindre per diem, comme cela est généralement la règle dans les comités et groupes de travail », apprend-on. Les frais de fonctionnement de la Task force COVID-19 ont été supportés par le budget normal du secrétariat général de la présidence de la République.