Par un courrier daté du 06 janvier 2023 et reçu dito dans les services compétents du Gouvernorat de la Région de l’Extrême-Nord et abondamment relayé sur la Toile, l’opinion publique venait d’apprendre la convocation d’une session extraordinaire du Conseil Régional en vue de la destitution de son Président, Monsieur KALBASSOU Daniel.
Cette information équivoque a entrainé plusieurs commentaires des internautes et jusqu’à ce matin du 14 janvier 2023 où nous décidions de faire notre opinion sur la question.
De prime à bord, nous voulons préciser que la République du Cameroun souligne au visa de l’article 1 alinéa 2 de sa constitution la laïcité de l’Etat et la démocratie comme mode d’accès aux fonctions électives. Sur ce fondement, il est d’une évidence qui crève les yeux que la religion ne saurait être brandie comme une certaine opinion semble l’indiquée. Si tel en était le cas, M. KALBASSOU Daniel n’aurait pu être élu car, les Conseillers Régionaux de confession musulmane en étaient électeurs aussi.
Les Conseillers Régionaux à la base de la demande de destitution énumèrent 15 griefs à son encontre pour fonder, ce qu’ils appellent UNE GESTION CALAMITEUSE. Nous leur faisons grâce du jugement de valeur selon lequel M. KALBASSOU Daniel serait méprisant et insolant à leurs égards pour nous focaliser sur la pertinence ou non des griefs formulés tout en combinant ceux qui sont apparentés. La perte de la confiance qui est une notion subjective sera laissée de côté.
Sur :
1- Le non-respect de délai de convocation des sessions ordinaires (budget)
Ce motif n’est pas suffisant car le CGDCTD prévoit en son article 422 (5) que le Représentant de l’Etat prescrit la convocation dès lors que le Chef de l’Exécutif ne respecte pas la date butoir du 15 décembre. La rigueur en l’espèce prévoit une suspension (art 421) n’excédant pas 3 mois et non la destitution.
2- La non mise en œuvre des délibérations relatives à certains projets majeurs de la Région, le refus manifeste de collaborer et la gestion partiale et intéressée des ressources des institutions
L’organe délibérant qu’est le Conseil Régional a pouvoir réel d’exercer un contrôle sur la gestion tel que délimité au visa des articles 484, 485 ou même demander un audit de la gestion, autorisé à l’art 486 du CGDCTD.
Les conseillers demandeurs de la destitution s’ils avaient été légalistes, ils auraient pu faire la dénonciation à la justice du conflit d’intérêt, de délit d’initié, de l’intérêt dans l’acte ou de favoritisme à la justice (l'implication des membres de sa famille dans l'exécution des marchés et autres prestations) pour se protéger contre la rigueur de la loi conformément aux dispositions de l’article 54 de la loi 2018/011 du 11 juillet 2018 portant code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au Cameroun.
3- Le recrutement et rémunération du personnel d'appui
En tant que représentant du Conseil Régional dans les actes de la vie civile et en justice, le Président recrute et gère librement ce type de personnel en attendant de la publication du décret présidentiel y afférent (art 22 CGDCTD). Pour le surplus, tout acte pris par le Président du Conseil Régional est soumis au contrôle administratif du Représentant de l’Etat pour assurer de la légalité (art 74 et 77 CDCTD).
4- L'opacité dans la livraison des marchés passés en 2021 et 2022
La livraison d’un marché public est encadrée par les dispositions des articles 156 et 157 de la Loi N°2018/366 du 20 juin 2018 portant code des marchés publics. Elle ne saurait être occultée car, systématiquement réceptionnée par une commission dont la composition est définie dans le CCAP.
5- L'incapacité à consommer les crédits alloués pour les investissements impactant le développement de la Région
Ce motif ne saurait être imputé à la seule responsabilité du Président du Conseil Régional quand on sait que l’exécution du budget incombent concomitamment à l’ordonnateur, au contrôleur financier et au comptable public (Cf. art 433 (1) CGCTD).
6- La caporalisation du fonctionnement du Conseil Régional
Le Président du Conseil Régional est l’exécutif de la Région. C’est ainsi libellé noir sur blanc dans le texte de loi (art 306 du CGDCTD). Il juge également de l’opportunité de se faire assister.
7- Le manque de communication malgré les demandes écrites formulées et les recommandations faites par certains Conseillers Régionaux
Nous relevons qu’ici aussi, le Président du Conseil Régional n’est pas tenu car les dispositions de l’article 290 (1) lui font obligation de rendre compte par un rapport spécial au mois de janvier suivant l’exercice budgétaire.
8- Insuffisance de formations organisées au profit des Conseillers Régionaux, le refus de souscription à l'assurance au profit des conseillers régionaux
Les décisions prises par le Conseil régional tiennent compte de l’opportunité (art 13 CGDCTD). S’y basant, nous affirmons que le Président n’a certainement pas trouvé opportun de souscrire l’assurance au profit des Conseillers ainsi que l’intensification de la formation.
La formation est obligatoire durant les 6 premiers mois du mandat pour les membres de l’exécutif et les présidents des commissions du Conseil Régional (art 126 al.4 CDCTD).
S’agissant de l’assurance, la loi évoque une possibilité et non une obligation (art 128 CDCTD).
9- La gestion abusive du matériel roulant du Conseil Régional car seul le Président a droit un véhicule de fonction
Le droit au transport visé à l’article 133 du CGDCTD pour les membres de l’exécutif du Conseil Régional ne renvoie pas obligatoirement à une dotation en moyen roulant. Il peut s’agir d’une indemnité. D’ailleurs les dispositions de l’article 138 du CGDCTD sont suffisamment claires : « le Chef de l’exécutif peut prétendre à un véhicule de fonctions… » et nullement l’ensemble des membres de l’exécutif.
10- L'utilisation d'un Conseiller Régional non membre du bureau avec toutes les commodités
Le CGDTD (art 435 et 324) donne la possibilité au Président du Conseil Régional de désigner un responsable de programme et de nommer aux emplois.
En faisant la confrontation des griefs relevés contre Monsieur KALBASSOU Daniel en vue de sa destitution aux fonctions de Président du Conseil Régional de la Région de l’Extrême-Nord, avec les dispositions légales s’y rapportant, sauf erreur de lecture ou d’interprétation, il apparait évident que les raisons évoquées sont d’une légèreté sans pareille.