Actualités of Monday, 15 May 2023

Source: Kalara du 15-5-2023

Cameroun : émouvant procès d’un mari accusé d’avoir tué et enlevé les organes de son épouse

Le sort de M. Kamga Samuel est désormais entre les mains des juges du Tribunal de grande instance Le sort de M. Kamga Samuel est désormais entre les mains des juges du Tribunal de grande instance

Après 22 ans de vie commune et 7 enfants, un homme est accusé d’avoir tué son épouse et abandonné son corps à quelques pas de leur domicile. L’accusé, qui comparait libre, accuse à son tour son beau-frère qui vit en Allemagne, de faire dans le trafic d’organes. Suspense total.

Le sort de M. Kamga Samuel est désormais entre les mains des juges du Tribunal de grande instance (TGI) du Mfoundi, qui doivent se prononcer sur sa culpabilité ou non, dans l’assassinat de Charlotte Fameni, son épouse et mère de ses sept enfants. L’accusé, qui comparait libre, a été renvoyé en jugement devant cette juridiction pour répondre des faits qualifiés de meurtre. Les ayants-droits de Charlotte, ainsi que le ministère public, sont convaincus que M. Kamga Samuel est l’auteur de cet homicide. Le vendredi 5 mai 2023, les débats ont été ouverts dans cette affaire en présence du mis en cause, qui clame son innocence.

En l’absence des ayants-droits de la victime à l’audience, le représentant du ministère public a exposé les faits au centre du litige. Dans la matinée du 25 mars 2014, les éléments de la brigade de Mbankolo ont découvert le corps sans vie d’une femme au lieudit descente Melingui. Le cadavre présentait des marques de violence et certains orteils avaient été amputés et emportés. L’enquête ouverte avait permis d’identifier le corps comme étant celui de Mme Fameni Charlotte, la quarantaine sonnée au moment des faits. Les soupçons se sont immédiatement tournés vers M. Kamga Samuel, son époux, qui a prétendu que son épouse est allée assister à un deuil dans son village à Bandja, région de l’Ouest, le 23 mars 2014 en compagnie de sa sœur jumelle. Selon le programme de voyage, les deux femmes devaient en principe regagner leurs domiciles respectifs à Yaoundé le jour suivant.

Enquête

Interrogée au cours de l’enquête, la sœur jumelle de Mme Fameni a confirmé le voyage et a ensuite déclaré qu’après l’enterrement, la défunte est revenue à Yaoundé afin de s’occuper de son bébé de 7 mois, ainsi que de ses autres enfants. Le représentant du parquet relate que bien qu’ayant été informé de l’arrivée de son épouse à Yaoundé vers 19h, M. Kamga Samuel n’a entrepris aucune action pour signaler sa disparition, jusqu’à ce que son corps sans vie soit découvert au petit matin du 25 mars 2014. Au soutien de son accusation, le représentant du parquet a versé au dossier de la procédure le procès-verbal (PV) d’enquête, qui contient les déclarations des membres de la famille de la victime. Ces derniers décrivent l’attitude ambigüe du mari depuis la découverte du corps de son épouse jusqu’à l’enterrement.

En fait, la famille de Mme Fameni lui reproche d’avoir précipité l’enterrement de son épouse, et de s’être opposé à la prise de vues sur le cadavre. Le mis en cause aurait en outre refusé de les associer à l’organisation des obsèques. Pour sa défense, M. Kamga Samuel, qui a toujours clamé son innocence, a réitéré ses propos faits au cours de l’enquête préliminaire. L’accusé a déclaré au tribunal que son épouse a quitté le domicile familial le 23 mars 2014, mais le jour de l’enterrement, dit-il, Mme Fameni était injoignable, jusqu’à ce que son corps soit découvert. «Elle n’est pas rentrée le 24 mars comme convenu et comme son numéro ne passait pas, je ne me suis pas inquiété parce que je savais qu’elle était avec sa sœur jumelle. C’est vers 8 heures le 25 mars que la voisine m’a informé que le corps de mon épouse a été retrouvé. Je n’avais aucun problème avec ma femme», a-t-il déclaré.

Kamga Samuel a également déclaré que contrairement aux dires de certains membres de sa belle-famille, il a organisé les obsèques de son épouse deux semaines après la découverte de son corps. Il ajoute qu’il a mené son enquête pour connaitre ce qui est réellement arrivé à son épouse. «Je soupçonne son grand frère qui est en Allemagne d’avoir commandité l’assassinat de mon épouse avec la complicité de son épouse qui vit ici au Cameroun.» Pour donner du poids à ses déclarations, M. Kamga Samuel a fait comparaitre un témoin : la sœur jumelle de la défunte. Cette dernière a déclaré qu’elle a effectivement voyagé avec sa sœur et, après l’enterrement, la défunte a décidé de rentrer toute seule à Yaoundé. «Je n’ai pas pris la peine de savoir si elle était bien arrivée. C’est le lendemain que j’ai été informée de son décès. J’étais bouleversée, son époux aussi», a-t-elle déclaré.

Organes enlevés

Le témoin soutient qu’un listing des appels téléphoniques de la victime leur a été délivré au cours de l’enquête. Ils ont alors remarqué que Mme Fameni est arrivée à Yaoundé à 18h45 et qu’elle a reçu des coups de fil provenant des numéros inconnus. Ces mêmes numéros étaient en conversation constantes avec sa belle-sœur, la femme de son grand frère qui vit en Allemagne. Selon le témoin, c’est ce dernier qui a commandité l’assassinat de sa sœur. «Quand les enquêtes ont commencé, mon grand frère m’appelait constamment pour être informé de tout. Le jour de l’enterrement, il a ordonné à sa femme de soulever la robe de la défunte afin de s’assurer que ses organes avaient été enlevés. Notre mère est morte dans les mêmes conditions 3 ans plus tôt. Depuis le décès de ma sœur, mon grand frère, qui avait l’habitude de venir au Cameroun, n’y a plus jamais mis ses pieds.».

Lors de ses réquisitions finales, le représentant du ministère public est resté sur sa position. Selon lui, M. Kamga Samuel est l’assassin de son épouse et doit être déclaré coupable des faits de meurtre. «Il a réussi à manipuler sa belle-sœur. L’accusé ne vous a pas dit où il se trouvait entre 18h45, l’heure à laquelle son épouse est arrivée à Yaoundé, et 21h, l’heure à laquelle il dit avoir regagné son domicile. Il a caché les témoins au cours de l’enquête, notamment sa fille ainée, qui pouvait dire aux enquêteurs où est ce qu’il se trouvait pendant que son épouse se faisait agresser», a déclaré le parquet. L’avocat de Kamga Samuel a pour sa part demandé au tribunal de relaxer son client pour faits non-établis. «L’accusation ne vous a présenté aucun témoin. Personne n’est venu vous dire ici qu’il a vu cet accusé tuer son épouse. Il n’y a aucune preuve. Mon client est la victime dans cette affaire», a conclu l’homme en robe noire. La décision des juges est attendue le 2 juin 2023.