Richard Makon, dans cette tribune, analyse les nombreux scandales de détournements de deniers publics qui éclaboussent les plus hauts responsables du Cameroun.
Depuis bientôt quatre décennies, le Cameroun combat l’hydre de la corruption. Ce mal qui le ronge semble devenu incurable et a réussi à s’imposer au fil des ans comme une ligne inamovible de l’actualité nationale. On se souvient que le Président de la République actuel, en héritant du pouvoir suprême en 1982, indexait déjà la corruption en faisant de la ‘‘rigueur’’ et de la ‘‘moralisation’’ son principal cheval de bataille, et la clé devant ouvrir sur ‘‘Renouveau’’ de l’Etat. Mais paradoxalement, malgré la sonnette d’alarme tirée par le camerounais lambda, la société civile nationale et internationale, les organisations internationales et les partenaires au développement, au sujet de l’aggravation jour après jour du phénomène, il faudra attendre pratiquement vingt ans pour vivre les premières condamnations de dignitaires du régime.
L’ancien Ministre des Postes et des Télécommunications, Mounchipou Seidou, soupçonné de « fractionnement de marchés publics, surfacturations et livraisons fictives », condamné à une peine de vingt ans (20) de prison ferme le 28 novembre 2003, une première dans l’histoire judiciaire du Cameroun, et Pierre Désiré Engo, ancien Directeur Général de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS), condamné quant à lui à une peine définitive de quinze (15) ans dans une première affaire le 15 août 2005. Ces deux (02) affaires emblématiques peuvent être considérées comme des prémisses de l’ « Opération Épervier » lancée dès 2006 par la Président de la République.
S’il est constant qu’en 2000 et 2001 le Cameroun figure dans le peloton de tête du classement de Transparency International des pays les plus corrompus, dans un contexte où le pays aspire à être éligible à l’initiative d’allègement de sa dette publique, il est également indéniable que la première décennie 2000 – 2010 de lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics se mène sous la pression des bailleurs de fonds internationaux, dont les regards aujourd’hui semblent malheureusement portés vers d’autres priorités.
En effet, l’aggravation des crises sécuritaires et identitaires, remettant en cause les fondements même de l’Etat, en plus du caractère jugé discriminatoire, par certains, de cette campagne mains propres pourtant salutaire, semblent en justifier l’essoufflement, le renoncement ou la remise en cause. En tout état de cause, cette interruption impromptue de la lutte contre la corruption est un véritable drame au vu de l’aggravation du mal. La joyeuse pagaille des mécréants, la grande orgie des canailles et la foire nationale des crapules auxquelles on assiste actuellement, impuissants, avec les scandales de la gestion des fonds COVID – 19 ou de la construction du complexe sportif d’OLEMBE rendent plus que capitale la relance urgente de la lutte. Mais est-ce possible, dans un contexte pré-alternance qui érige les trésors de guerre accumulés par la corruption au rang des ressources capitales de contrôle du pouvoir ?