Alors qu’au Cameroun, la météo de ce mois d’octobre s’affole et annonce un risque élevé du paludisme dans certaines régions du pays en raison des cumuls de précipitations de modéré à fort avec des températures moyennes, au niveau mondial, ce sont les chefs d’État et de gouvernement réunis à l’Assemblée générale des Nations Unies qui appellent à augmenter le financement pour le paludisme afin d’empêcher à l’une des plus anciennes maladies mortelles du monde de resurgir dans les cinq prochaines années.
1-300 000 vies de plus sont en danger
Selon les nouvelles modélisations du Malaria Atlas Project (MAP), une initiative qui vise à diffuser gratuitement des informations géographiques précises et actualisées sur le paludisme et les sujets connexes, le paludisme pourrait affecter 137,2 millions de vies supplémentaires et tuer jusqu’à 337 000 décès de plus entre 2027 et 2029. Ces prévisions funestes pourraient se réaliser en cas de réduction des ressources lors de la prochaine reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludismel’une des principales sources de financement pour le contrôle et l’élimination de ces trois maladies- et de tout changement dans l’allocation des ressources au paludisme. Aussi, réunis à l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU), les chefs d’État et de gouvernement réunis ont averti que le financement pour le paludisme doit être augmenté pour empêcher une telle catastrophe. Leur rencontre du 26 septembre dernier, s’est tenue à la veille de la reconstitution du Fonds mondial l’année prochaine. Financé en grande partie par les gouvernements, le Fonds mondial regroupe les ressources mondiales pour lutter contre ces trois maladies, en levant et en investissant des fonds par cycles de trois ans appelés reconstitutions. Les nouveaux modèles du MAP montrent que si les ressources pour le paludisme sont maintenus (avec la reconstitution du Fonds mondial atteignant à nouveau environ 15,6 milliards de dollars au total et les allocations pour les trois maladies restant au même niveau que le cycle actuel), le monde pourrait voir 112 millions de cas supplémentaires de malaria et jusqu’à 280 700 décès supplémentaires sur la période de trois ans, avec des résurgences et des épidémies se produisant sur tout le continent africain. Lesquels nouveaux cas et décès viendrait gonfler les statistiques actuelles qui se situent autour de 250 millions de cas et plus de 600 000 décès par an, selon les dernières données de l’Organisation Mondiale de la Santé, enregistrés principalement chez les jeunes enfants et dans les pays les plus pauvres. Le monde est déjà confronté à un manque de fonds suffisant selon le cycle actuel. « On estime qu’il y a un déficit de plus de 1,5 milliard de dollars pour maintenir les services au niveau de 2023 ; mais avec les nouveaux défis auxquels nous sommes confrontés, cela ne suffira même pas à remettre la lutte contre le paludisme sur les rails » , craint le Partenariat RBM pour en Finir avec le paludisme.
2-Un déficit financier criant
Selon cette organisation, les niveaux de financement actuels s’avèrent déjà insuffisants pour lutter contre la maladie en raison de multiples défis convergents. « La résistance aux insecticides et aux médicaments antipaludiques est en augmentation, réduisant l’efficacité des interventions existantes contre le paludisme. Il existe désormais de nouveaux outils très efficaces, tels que les moustiquaires à double insecticide, qui répondent à la résistance, mais les coûts de déploiement de ces interventions sont plus élevés » . De plus, « le changement climatique et les crises humanitaires coïncident avec des effets mortels, laissant les personnes touchées encore plus mal loties et plus vulnérables au paludisme. La situation sera encore pire si la reconstitution totale du Fonds mondial voit une réduction des ressources et retire des financements au paludisme » , prévient Partenariat RBM. « Il est crucial que le paludisme puisse bénéficier d’une augmentation de son financement de la part du Fonds mondial, si nous voulons éviter une résurgence à grande échelle. Dans le cas contraire, nous pouvons nous attendre à une augmentation des cas et de la mortalité » , relève Dr Michael Charles, PDG du Partenariat RBM pour en finir avec le paludisme, selon qui les preuves sont claires qu’il existe un risque significatif d’épidémies de paludisme si le financement n’est pas augmenté et si les zones à forte charge ne peuvent pas fournir des services essentiels liés à la prévention du paludisme. Contrairement au VIH et à la tuberculose, « le paludisme est concentré dans les pays à faible revenu, en particulier en Afrique, et ces pays sont souvent ceux qui disposent du moins de moyens pour mener cette lutte. Tout le monde, où qu’il vive, a droit à la santé. Le paludisme met à rude épreuve les systèmes de santé et rend difficile pour les personnes des pays à faible revenu de jouir pleinement de leur droit à la santé » , plaide-t-il en présentant les conséquences certaines sur les femmes et les jeunes enfants « plus durement » affectés, car ils sont disproportionnellement touchés par la maladie. Il souligne également que ce déficit de financement va pousser plus de personnes dans la pauvreté et submerger des systèmes de santé déjà fragiles, avec des conséquences économiques qui se répercuteront dans le monde entier. « Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre de laisser cela se produire. Le monde a le devoir de veiller à ce que nos populations les plus vulnérables ne soient pas encore plus désavantagées et pour ce faire, nous devons nous assurer que le financement adéquat est en place, en commençant par la reconstitution du Fonds mondial » , argumente Dr Michael Charles.
3-La partition médiatique
Au Cameroun, 11 pays le plus affecté par le paludisme, la situation n’est guère reluisante qu’il s’agisse du nombre de cas, du nombre de décès ou même de disponibilité de ressources financières. Selon les statistiques du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), la malaria touche environ 6 millions de personnes et cause près de 4000 décès chaque année. Les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes sont les plus vulnérables. Toujours d’après le PNLP, afin de réduire d’au moins 80% d’ici 2028, les taux de mortalité et de morbidité liés à cette maladie, l’Etat du Cameroun a besoin de 380 milliards de Fcfa. Seulement, à date, le pays ne dispose que 120 milliards de Fcfa soit un gap financier estimé à 260 milliards de Fcfa. Un réel défi pour ce pays où la météo ne se fait pas clémente non plus. La Direction de la météorologie nationale annonce pour ce mois d’octobre, un risque de paludisme très élevé dans les régions du Littoral, du Sud-ouest, du Sud, de l’Extrême-nord et une partie du Centre, du Nord-ouest, du Nord, de l’Ouest et l’Est en raison des températures et humidités qui iront du modéré à élevé, elles-mêmes liées au cumul de précipitations. Cette institution exhorte les populations à se prémunir en utilisant les outils disponibles à l’instar du vaccin antipaludique -administrés aux enfants- ; les moustiquaires imprégnées et insecticides à longue durée d’action. Mais aussi de nettoyer son environnement. Pour faire passer ce type d’informations auprès du grand public qu’il faut sensibiliser aux mesures de prévention et de traitement ; mais aussi accompagner le plaidoyer relatif à l’augmentation des financements, les journalistes ont un rôle important à jouer reconnu dans un contexte de mise en place du Cadre national multisectoriel de lutte contre le paludisme récemment adopté par le pays. Afin d’assumer cette responsabilité de manière efficiente, une vingtaine de journalistes engagés ont été outillés au cours d’un atelier organisé par les ministères de la Santé publique, de la Communication en collaboration avec Impact Santé Afrique (ISA). La rencontre qui s’est tenue du 25 au 27 septembre 2024 à Soa, dans le département de la Mefou et Afamba (région du Centre), a permis outre l’objectif du renforcement des capacités des journalistes, l’élaboration d’un plan d’action de cette Taskforce des médias pour l’année