Une famille veut faire condamner le célèbre établissement hospitalier au paiement d’un dommage et intérêts. Elle estime que ses médecins n’ont pas suffisamment évalué le risque d’une double opération chirurgicale qui a couté la vie leur parent. Le juge administratif se déclare compétent pour examiner l’affaire en dépit des protestations du centre hospitalier.
Les hôpitaux camerounais ne sont-ils que des mouroirs ? Pour Marc Raoul Domche Ngniedjo, la réponse à cette question semble peut-être aller de soi. Oui. Le concerné est en tout cas très remonté contre le système sanitaire du pays depuis que sa mère, Elisabeth Pekam, a trouvé la mort dans un établissement hospitalier dit pourtant de «référence» : l’Hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé. Le décès de cette dame est survenu le 2 avril 2019. Depuis cette date, les circonstances controversées de sa disparition sont au centre de la bataille judiciaire que livrent désormais ses enfants contre l’Etat du Cameroun.
En effet, M. Domche Ngniedjo et ses frères et sœurs ont introduit un recours devant le Tribunal administratif du Centre pour solliciter la condamnation de l’Hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé à leur payer la «modique somme» de 1,2 milliard de francs d’indemnisation «pour négligence». L’indemnisation réclamée vise à réparer le «préjudice très grave» qu’ils disent avoir subi suite au décès de leur maman. Le tribunal a entamé l’analyse du dossier le 21 juin dernier. Mais les débats ce jour-là ont uniquement porté sur la compétence du juge administratif à connaître de l’affaire.
A travers leur recours, M. Domche Ngniedjo et ses frères racontent que leur mère Elisabeth Pekam a été internée à l’Hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé. Elle y a passé une série d’examens médicaux à la suite desquelles ses médecins traitants décidaient de l’opérer. Leur maman a ainsi subi deux opérations chirurgicales successives au bout desquelles elle a rendu l’âme. Sa mort a aussitôt mis ses enfants en colère. Les fils Pekam trouvent que le décès de leur maman trouve sa source dans la «négligence» qu’il attribue aux médecins traitants.
Diagnostic préalable
Selon les enfants Pekam, les médecins qui traitaient leur maman avaient procédé à un «diagnostic préalable». Ce qui signifie, pour les plaignants, que les hommes en blouses avaient «aussi» eu tout le temps d’apprécier «les risques de l’opération chirurgicale» qu’ils ont arrêtée pour soigner leur maman. Malheureusement, les deux opérations chirurgicales pratiquées de manière successives sur leur mère, avec ouverture du ventre, lui ont été fatales.
Est-ce que l’Hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé peut donc être poursuivi à la suite du décès d’un patient dans ses murs ? Pour les fils de feue Pekam la réponse est affirmative. Ils trouvent que la «responsabilité de l’administration est engagée puisque le décès est survenu à la suite de l’ouverture deux fois du ventre» de leur défunte mère. Ils assimilent donc les agissements des médecins critiqués à de la négligence. Ils sollicitent que l’Etat du Cameroun répare le tort causé du fait de ses préposés. L’indemnisation réclamée est repartie de la manière suivante : préjudice moral : 700 millions de francs, préjudice matériel : 500 millions de francs.
Pour sa défense, l’Hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé a estimé que le contentieux lié aux actes médicaux est du ressort exclusif du juge judiciaire. «Le juge administratif n’est pas compétent à connaître des actes de médecins dont l’examen relève du juge judiciaire», a opposé la représentante de l’hôpital de référence. Dans ses questions, le tribunal lui a fait remarquer que les actes déplorés ont été posés dans un service hospitalier public. «Un acte médical, dans un hôpital public, quel est la juridiction habilitée en apprécier ?», interroge le tribunal. «Il est nécessaire d’élucider la faute», réagit le représentant de l’Etat. «Est-ce à dire que vous avez une préférence sur les juridictions ? N’est-ce pas pour vous une manière de reconnaître que vous avez commis une faute ?», poursuit le tribunal. «Pas du Tout ! Notre rôle est de soigner les patients. Notre mission n’est pas de porter atteintes aux vies des êtres humains, mais de sauver des vies. C’est au juge judiciaire d’établir» les responsabilités.
Pour sa part, le ministère public a indiqué que l’Hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé a le statut d’un établissement public. De ce fait, les actes posés par ses dirigeants comme ses personnels sont justiciables devant les tribunaux administratifs. Le tribunal a retenu sa compétence et reporté l’examen de l’affaire au fond à plus tard.