Actualités of Friday, 24 June 2022

Source: Mutations du 24-06-2022

Cameroun : les dessous de la visite de la nouvelle visite de Beti Assomo au nord

Plusieurs dossiers chauds attendent le ministre de Biya Plusieurs dossiers chauds attendent le ministre de Biya

Vol de bétail et incursions des rebelles centrafricains et bandes armées tchadiennes, prise d’otages, Boko Haram…, analyse du contexte de la visite entamée hier jeudi par Beti Assomo dans le septentrion.

Le 21 juin dernier, les autorités ont signalé l’enlèvement de deux personnes dans le village Mata Mada, arrondissement de Touboro, dans le département du Mayo-Rey, région du Nord. Entre le 16 et le 17 juin, jusqu’à 10 villageois étaient kidnappés dans les localités de Laoudjongué et Gomlombali, a rapporté le maire de Touboro, Célestin Yandal, dont un des neveux fait partie des otages qui auraient été emmenés vers le Tchad.

Les ravisseurs ont fait parvenir aux familles un numéro de téléphone précédé de l’indicatif de ce pays voisin pour le paiement de la rançon, sans quoi elles ne reverraient pas leurs membres. Entre mars et mai, au moins 50 personnes ont été enlevées par des inconnus dans cet arrondissement qui mesure à lui seul 16.610 km2 – plus grand que la région de l’Ouest -, et qui est frontalière au Tchad et à la très instable République centrafricaine (Rca).

En effet, le phénomène des prises d’otages avec demande de rançon a atteint des proportions inquiétantes dans le Mayo-Rey. Dans le seul arrondissement de Touboro, les autorités ont dénombré pas moins de 50 kidnappings entre mars et mai derniers.

Le maire de la commune éponyme estime qu’au vu de cette situation qui paralyse l’économie locale basée essentiellement sur l’agriculture et l’élevage et tend à déstructurer le tissu social, le déploiement par le haut commandement de l’armée d’une opération d’envergure comme cela avait été le cas il y a trois ans dans la localité de Belel (Adamaoua), ancien épicentre du phénomène, est devenu une nécessité absolue.

C’est en tout cas dans ce contexte sécuritaire lourd que le ministre délégué à la présidence de la République chargé de la Défense (Min- def), Joseph Beti Assomo, a entamé hier jeudi une visite de travail dans le septentrion.

Complicités locales

Il sera question, au cours de ce séjour, de faire le point des opérations de maintien et de rétablissement de l’ordre ainsi que de sécurisation et de protection des populations et de leurs biens, souligne le Mindef dans un communiqué. Dans le chef-lieu de la région du Nord, Garoua, où Beti Assomo était attendu hier en fin d’après-midi, la question plus que lancinante de la sécurisation du Mayo-Rey a à coup sûr fait partie des dossiers chauds mis sur sa table.

Si les enlèvements sont principalement le fait de la criminalité transfrontalière qui s’est accentuée dans cette unité administrative objet des incursions de rebelles centrafricains et de bandes armées tchadiennes aidés par des complicités locales, l’un des facteurs de l’insécurité dans le Mayo-Rey reste le parc national de Bouba N’djida, régulièrement dans le viseur des trafiquants d’ivoire.

Pas plus tard que le 22 juin dernier, un écogarde a été tué par des braconniers « lourdement armés », selon les propos du ministre de la Forêt et de la Faune (Minfof), lors d’une patrouille mixte Minfof-Mindef. Dans un communiqué daté d’hier jeudi, Jules Doret Ndongo signale que « cette aire protégée est en proie aux incursions de bandes armées criminelles et des orpailleurs toujours à la recherche des trophées d’espèces protégées et des matières précieuses ».

Logone et Chari

Avant de s’envoler pour Garoua, en début d’après-midi, Joseph Beti Assomo a tenu une réunion de sécurité à la préfecture de Mokolo dans le Mayo-Tsanaga (Extrême-Nord), département frontalier avec le Nigeria, dans lequel se concentrent les attaques de Boko Haram ces derniers temps. La réunion était étendue aux chefs traditionnels, aux élites et à certains responsables des comités de vigilance.

Après l’opération « Lake sanity » qui a permis à la Force multinationale mixte (Fmm), pendant trois mois, de dératiser la zone du Lac Tchad – plus de 800 terroristes tués -, le Mindef a annoncé aux populations du Mayo-Tsanaga que d’autres opérations de même envergure vont être lancées incessamment, conjointement par les armées du Nigeria et du Cameroun, notamment dans les monts Mandara.

Au-delà de Boko Haram que le Mindef jure de « réduire à sa plus simple expression », dans cette partie du pays, il s’est sans doute penché sur le cas du Logone et Chari où la sécurité est loin d’être revenu depuis les affrontements communautaires de fin janvier et début février 2022 entre Mousgoum et Arabes-Choa.

Outre la vingtaine de morts enregistrée, ce conflit qui, pour beaucoup d’analystes, reste latent avait fait fuir plus de 30.000 personnes vers le Tchad. Les autorités tchadiennes et le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (Hcr) font part aujourd’hui de leurs difficultés à continuer à les prendre en charge.

Tireur isolé

En clair, à défaut d’un appui subséquent pour les besoins de la cause, le gouvernement est appelé à créer les conditions du retour de ces déplacés au Cameroun. Conditions sécuritaires s’entend. Last but not least, dans la région de l’Adamaoua où le Mindef va présider sa dernière réunion de sécurité dans le cadre de cette visite dans le septentrion, les dossiers sécuritaires tournent principalement autour du phénomène de vol de bétail qui a atteint un pic, alors que celui des prises d’otages a été rendu marginal grâce à l’action combinée du Bataillon d’intervention rapide (Bir) et du Groupement polyvalent d’intervention de la gendarmerie nationale (Gpign).

Evidemment, Joseph Beti ne peut pas évoquer le cas de Belel qui défraie la chronique. Un tireur isolé dont l’identité et les motivations restent inconnues a tué sept personnes et blessé deux autres à l’aide d’un fusil d’assaut de type Ak47 dans quatre villages rattachés à cet arrondissement.

Le préfet de la Vina, Yves Bertrand Awounfac Alienou, a ordonné aux forces de défense et de sécurité de le traquer, mais il court toujours. Les autorités redoutent qu’il ne fasse d’autres victimes dans d’autres localités, étant donné qu’il dispose encore d’une assez importante quantité de munitions, notamment « quatre chargeurs garnis des deux côtés de sa ceinture », selon le préfet.