Depuis la clôture de la 33e Coupe d’Afrique des Nations au stade d’Olembé, le président du Cameroun, Paul Biya ne s’est plus réellement montré au-devant de la scène politique.
Même avec les crises répétitives du monde éducatif, le locataire d’Etoudi n’a pas pris les taureaux par les cornes afin de solutionner les revendications qui ont dégénéré sur toute l’étendue du territoire.
Jeune Afrique revient sur comment l’échec des Lions a pu affecter les plans de Biya.
Le président Paul Biya espérait une victoire des Lions indomptables pour profiter d’une liesse populaire et alléger les nombreux dossiers sensibles en cours.
D’apothéose, il n’y eut point. Le 6 février, quand Paul Biya pénétra dans le stade d’Olembé, la déception était de mise. Sur le terrain, Égyptiens et Sénégalais s’affrontait pour le gain de la Coupe d’Afrique des nations. Le Cameroun, lui, s’est arrêté en demi-finale, après une séance de tirs au but ratée. Le chef de l’État, qui a fait du sport et du football des outils politiques, n’aura donc pas pu remettre le trophée à ses Lions indomptables. La fête était gâchée et la séquence politique – pour utiliser le jargon des professionnels de la communication – inachevée.
La politique reprendra-t-elle ses droits plus rapidement, faute d’une liesse populaire telle que celle qui a vu le Sénégal vainqueur entrer « en lévitation », selon les propos d’un confrère de Jeune Afrique ? Ces derniers mois, la cote d’un remaniement ministériel « post-CAN » est montée en flèche, et chaque observateur (ou acteur) politique s’est pris au jeu des paris. Le ministre des Sports, Narcisse Mouelle Kombi, conservera-t-il son poste, malgré les ratés autour du stade d’Olembé ? Son collègue de la Santé, Manaouda Malachié, survivra-t-il au scandale de la gestion des fonds liés au Covid-19 ?
Quid, encore, du sort du secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, ce proche de Chantal Biya qui règne en partie sur le palais d’Etoudi depuis 2011 ? La CAN, ce nouvel « opium du peuple », n’ayant pas eu l’effet escompté, ces questions sont revenues plus rapidement que prévu sur le devant de la scène et, par conséquent, c’est le sujet de la succession de Paul Biya à la tête de l’État qui mobilise de nouveau toutes les attentions. Dans cette optique, quel visage le Sphinx d’Etoudi souhaite-t-il donner à la fin du septennat actuel ?
Le conflit face au séparatisme ambazonien s’est enlisé et endeuille régulièrement les régions anglophones, tandis que Yaoundé se divise entre modérés – autour du Premier ministre Joseph Dion Ngute notamment – et faucons – dont les chefs de file ne sont autres que Ferdinand Ngoh Ngoh et le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji.
La politique de décentralisation reste, quant à elle, largement à mettre en place, malgré les élections régionales de 2020, tandis que la pression s’accentue en faveur d’une réforme majeure du code électoral – revendication principale des partis d’opposition. En d’autres termes, les défis qui se dressaient devant le candidat-président Paul Biya à l’orée de la présidentielle de 2018, restent d’actualité quatre ans plus tard.
Le chef de l’État y apportera-t-il de nouvelles réponses ? Le 10 février, dans un discours adressé à la jeunesse camerounaise, il a annoncé des initiatives en matière d’emploi et d’éducation, détaillant « perspectives d’avenir » et « création de nouvelles universités ». Paul Biya affirmait encore, exhortant ses jeunes compatriotes à rester « sourds aux sirènes de la déstabilisation », que son pays avançait « résolument vers l’atteinte de son émergence à l’horizon 2035 ». Comme en matière de football, cette religion partagée par chaque Camerounais et Camerounaise, la vérité ne pourra toutefois venir que du terrain.