Le vol d’un véhicule du Minsante au centre d’un procès
Le ministère de la Santé publique accuse un de ses anciens employés d’être l’ auteur de la disparation subite d’un Pick-up à l’état neuf dont il était le conducteur. L’Etat demande à l’accusé qui ne comparaît pas une réparation de 55 millions de francs.
Qui est le véritable auteur du vol d’un véhicule PickUp de marque Toyota 4x4 de couleur blanche appartenant au ministère de la Santé (Minsanté) publique? La réponse à cette question sera donnée au terme du procès qui se déroule devant le Tribunal de grande instance (TGI) du Mfoundi. Parmi les 8 personnes suspectées lors du déclenchement de cette affaire, notamment, Edouard Bimeng Keutcha, mecanicien, Nana Hamadou Muhamadou, sans profession, Marie Joseph Ombede, commerçant et les quatre fonctionnaires de police, Bernard Alfred Ayissi, Francis Anatole Tona, Paulin Claude Bissono et Michel Atangana, seul Georges Laurent Ndjana Leba, chauffeur en service au Minsante avait été inculpé et renvoyé en jugement pour répondre des faits de détournement des biens publics qui lui sont imputés. Le juge d’instruction ayant trouvé que les charges étaient inexistantes pour les autres inculpés. Selon l’ordonnance de renvoi dont Kalara a reçu une copie, les faits de vol au centre du présent procès remontent au 31 mai 2018 à Yaoundé. Informés de la situation par un dénonciateur anonyme le 19 février 2019, les policiers du service de l’Equipe spéciale d’Intervention rapide (Esir) ont ouvert une enquête pendant laquelle ils avaient surpris Edouard Bimeng Keutcha en possession du véhicule recherché. Au terme de l’enquête menée par les policiers, les noms de nombreux fonctionnaires de police avaient été cités dans cette curieuse affaire. L’ordonnance de renvoi renseigne que c’est «le sans profession» Nana Hamadou Muhamadou qui avait vendu le véhicule volé au mécanicien Bimeng Keutcha Edouard suivant le certificat de vente légalisé par le commissaire de police Michel Atangana au commissariat central N°2 de la ville de Yaoundé.
Une curieuse affaire
Le document du juge d’instruction précise également que M. Nana Hamadou Muhamadou avait reçu le véhicule litigieux du commerçant Marie Joseph Ombede, qui, à son tour, l’avait acquis du policier Bernard Alfred Ayissi agissant à la demande du principal acteur du dossier, Georges Laurent Ndjana Leba, d’après le certificat de vente légalisé par le commissaire de police Paulin Claude Bissono à la suite d’une procuration signée par le commissaire de police Francis Anatole Tona. Une procuration délivrée par le commissaire de police Ngah Ndelli Claudette à son frère policier Bernard Alfred Ayissi. Interrogés à l’information judiciaire, les inculpés ont tous nié les faits qui leur étaient reprochés. Devant le juge d’instruction, le principal inculpé, Georges Laurent Ndjana Leba, avait soutenu n’avoir jamais traité avec M. Ayissi Alfred Bernard au sujet du véhicule querellé et qu’il ne l’a jamais détenu. Il explique avoir acheté la maison du commissaire Ngah Ndelli Claudette qui coûtait 14 millions de francs en lui faisant une avance de 10 millions de francs. Après le décès de cette dernière, dit-il, la famille de la défunte avait décidé de lui rembourser les fonds qu’il avait déjà versés pour prendre la possession de la maison. Et c’est cette somme que le frère de la disparue Bernard Alfred Ayissi lui avait remboursée au commissariat de Nkolbisson en présence de Marie Joseph Ombede et d’un officier de police. Il avait clamé son innocence en indiquant qu’il n’a jamais donné le véhicule litigieux à M. Ngah Ndelli Claudette en échange de sa maison. Le juge d’instruction n’avait pas été convaincu par les arguments de M. Ndjana Leba accablé par les déclarations de certains inculpés desquelles il résulte que ce dernier était le détenteur originel du véhicule volé. Raison pour laquelle le chauffeur du Minsanté avait été renvoyé devant la barre. Placé en détention provisoire à la prison centrale de Yaoundé Kondengui, l’accusé qui avait été remis en liberté, avait pris la clé des champs. Le 14 juin 2022, en l’absence de M. Ndjana Leba, le tribunal a ouvert les débats dans cette affaire. La représentante du parquet qui soutenait l’accusation n’a présenté aucun témoin. Elle s’est uniquement appuyée sur l’ordonnance de renvoi au cours de son exposé. «L’accusé ne comparait pas, mais les faits tels que relatés dans l’acte qui saisit le tribunal sont constants. Je demande que l’accusé soit déclaré coupable des charges retenues à son encontre», a déclaré le ministère public dans sa brève déclaration sans préciser la situation actuelle du véhicule au centre de la présente procédure judiciaire. Me Elise Dang, avocate du Minsanté dans ses plaidoiries, s’est associée aux réquisitions du parquet. Elle a néanmoins indiqué que l’Etat du Cameroun a doté le Minsanté d’un véhicule de service, qui a curieusement disparu sans laisser de trace. Elle a précisé qu’une enquête menée par la police a remonté la chaine empruntée par le véhicule volé jusqu’à l’arrestation de M. Ndjana Leba. L’avocate a demandé au tribunal de déclarer cet accusé coupable des faits de vol de ce véhicule. Elle a annoncé que le Minsanté se constituait partie civile en soulignant que son client avait acquis ledit véhicule en 2016 à l’état neuf au prix de 45 millions de francs et avant 2017, il avait disparu. La partie plaignante a réclamé la somme de 55 millions de francs représentant les dommages et intérêts et les honoraires d’avocat. Reprenant la parole, le parquet a requis l’application de la loi en ce qui concerne la peine. Il a cependant demandé au tribunal de tenir compte du fait que l’accusé est un délinquant primaire. Il a, par ailleurs, indiquer que la somme à allouer pour les dommages et intérêts doivent correspondre au préjudice subi par le ministère de la Santé. Le Tribunal a clos les débats, et compte rendre son verdict le 12 juillet 2022.